UTMB®: sommeil et hallucinations

UTMB® sommeil et hallucinations
UTMB® sommeil et hallucinations

Rémy Hurdiel est spécialiste du sommeil et des hallucinations, par son statut aussi bien professionnel que sportif puisqu’il a participé à la Transat Cap Martinique 2024. Il s’agit d’une course transatlantique à la voile reliant la Trinité-sur-Mer à Fort-de-France. En marge de cette aventure au grand large, Rémy est directeur du département des sciences et techniques des activités physiques et sportives. Il s’intéresse particulièrement aux sciences du sport à travers le sommeil, la santé et la performance. Un domaine qu’il creuse en travaillant sur l’UTMB® où il mène une étude depuis plus de 10 ans.

Comment se passe l’étude menée depuis 2013 ?

Nous équipons les coureurs d’une petite montre accéléromètre qui mesure les mouvements du poignet. Elle permet de déterminer la quantité de sommeil accumulée et de voir les conséquences au-delà de la performance. Grâce à la collaboration avec l’UTMB®, on peut expérimenter et avoir jusqu’à 8 points de contrôle sur le parcours pour voir les coureurs et dans quel état est leur cerveau, mis à rude épreuve… Celui-ci gère la performance et la sécurité. Il faut rester vigilant afin d’éviter les chutes et oublier de s’alimenter.

Où en sommes-nous de nos connaissances sur le sommeil dans l’ultra-trail ?

Nous avançons beaucoup grâce à cette étude sur plus de 40 heures de course qui peut aller jusqu’à plus de 50 heures sans sommeil. Un manque qui correspond à un taux d’alcool dans le sang d’1,5 g. C’est une conséquence que nous mesurons tout le temps, seulement 0,1 % des participants ne sont pas touchés par les problèmes liés au manque de sommeil.

Les hallucinations ne sont pas anodines, elles arrivent avec l’hypersomnolence. Le cerveau n’encode plus les informations et c’est le rêve qui prend le dessus sur l’éveil. Une situation que l’on ne maîtrise pas et qui peut devenir dangereuse lors d’un trail. Le cerveau ne va pas bien à ce moment-là et délire, pour se protéger il ne faut pas minimiser les siestes. Les hallucinations arrivent plutôt dans la deuxième nuit. Avant d’arriver dans les périodes de somnolence, il faut faire de petites siestes pour recharger et libérer la pression. Il existe une limite à ne pas dépasser, il faut gérer et s’obliger à s’arrêter si besoin.

Quelle importance le sommeil a-t-il ?

On ne dort jamais assez. Fatigue = neurones encrassés. Une bonne hygiène de sommeil permet d’être en bonne santé. Lors de la récupération, le cerveau est très encrassé. Il faut alors privilégier le sommeil même s’il peut être perturbé par les douleurs musculaires. La deuxième nuit après l’UTMB® est très rude à cause des courbatures. Il reste des traces biologiques jusqu’a 2 semaines après la course.

Quels sont les points de vigilance ?

Les troubles de l’humeur sont révélateurs. Les oublis, le manque de lucidité, les chutes… Il faut se reprendre intelligemment en étant en sécurité et se reposer tout en faisant attention à l’hypothermie en cas d’isolement. Pour les amateurs qui courent plus de 35 heures, la plupart du temps ils se ménagent et font des siestes, ce qui peut être plus prudent qu’un professionnel qui va courir pendant 35 heures et va donc forcer sans dormir.

Faut-il écouter son horloge biologique ?

Les gens ont peur de s’arrêter. Il faudrait se tester plus souvent à dormir par siestes, lâcher prise et se laisser aller. C’est quelque chose d’important qui doit faire partie de l’entraînement afin d’éviter les abandons et ’inconfort et pour garder une notion de plaisir.

Triathlète aventurière - Journaliste du sport et sportive - Formation scientifique en sciences de la nature et de la vie - Rédactrice en chef adjointe