Blessure, saison sans compétition, vous avez un peu décroché de l’entraînement. Attention à la reprise ! Trop d’enthousiasme, pas assez de progressivité risquent fort de vous mener tout droit à la blessure ! Explications médicales et conseils pratiques pour retrouver votre meilleur niveau !
Pour bien comprendre les dangers d’un accroissement trop rapide de la charge de travail, je vous invite à constater que les muscles sont rouges comme le steak de votre boucher et que les tendons, le cartilage et le squelette sont blancs comme l’os à moelle de votre brasserie préférée. Ainsi, vous voyez que les masses musculaires sont pleines de sang et traversées de nombreux vaisseaux. À l’inverse, l’appareil locomoteur dit « passif », celui qui transmet les forces mais ne les produit pas, est beaucoup moins vascularisé.
LE MUSCLE S’ADAPTE TROP VITE, PLUS VITE QUE LES TISSUS « PASSIFS »
À l’origine de cette disparité, une adaptation de l’énergétique musculaire bien plus rapide que celles des tissus tendineux, cartilagineux ou osseux. De fait, ces derniers ne parviennent pas à assumer vos progrès ! Notez bien que les plus talentueux d’entre vous sont particulièrement concernés par ce phénomène. Leurs gros moteurs imposent à leurs appareils locomoteurs des contraintes mécaniques bien plus importantes ! Heureusement, le triathlon se prête bien à des protocoles de « reprise dissociée » !
La course à pied est la discipline la plus traumatisante du triathlon. Elle concentre la majorité des blessures et justifie l’essentiel des modifications de programmes d’entraînement. La réception des foulées explique cette particularité. Bien sûr, vous pensez à l’onde de choc à chaque prise d’appui qui ébranle le squelette et provoque périostites et fractures de fatigue. Mais ce processus n’est pas le seul à se montrer particulièrement sollicitant.
Il est impératif de comprendre que, lorsque le pied se pose sur le sol, les muscles freinent le mouvement et accumulent l’énergie élastique. Au cours de cette contraction dite « excentrique », l’os puis les tendons et les membranes musculaires partent dans un sens et le muscle tire dans l’autre. Le tendon et les membranes sont comme écartelés. À la clé, des tendinites, des courbatures et des claquages musculaires.
IMPACT, FREINAGE, DÉSÉQUILIBRE À L’APPUI : LES SPÉCIFICITÉS TRAUMATISANTES DE LA COURSE
L’appui alterné sur une seule jambe constitue une autre contrainte spécifique de la course à l’origine de traumatismes. Dans ces circonstances mécaniques, la face interne du membre inférieur est écrasée. Le cartilage et le ménisque interne du genou s’usent plus volontiers et le pied s’écrase en pronation, malmenant la cheville et ses tendons stabilisateurs. À l’opposé, de puissants haubans musculaires externes se contractent vigoureusement pour garder le bassin horizontal. Il peut en résulter le fameux « syndrome de l’essuie-glace », douloureux sur le côté du genou, voire une usure prématurée de la hanche.
Ainsi, vous comprenez pourquoi ces blessures sont absentes lors de la pratique de la natation et du vélo. En nageant, le membre inférieur ne prend aucun appui. En pédalant, la jambe du cycliste ne subit aucune réception et n’exerce aucun freinage, elle se contente de pousser et de tirer. Le bassin est posé sur la selle. Les pressions sur les articulations sont équilibrées et les muscles externes stabilisateurs ne sont pas surmenés. Le principe de la « reprise dissociée » s’impose comme une évidence. On recommence en trottinant doucement et peu de temps ; on réadapte tranquillement son appareil locomoteur. On monte plus vite en durée et en intensité, on refait de l’énergétique et du cardio en pédalant et en nageant !
Les militaires furent à l’origine de la description de la fracture de fatigue. Celle du talon s’appelle « maladie de Pauzat », du nom d’un médecin de l’Armée de terre qui avait compris le principe de la lésion et décrit les symptômes bien avant l’avènement de la radiographie. Chaque réception secoue la trame osseuse microscopique et crée des microfissures. Si la récupération est suffisante, l’os se consolide plus fort, en prévision d’une nouvelle agression tissulaire. C’est le « rythme décompensation/surcompensation ». À l’inverse, si le temps de réparation est insuffisant, si les contraintes de chaque séance sont trop importantes, si le tissu initial n’est pas très solide comme après un désentraînement prolongé, les microfissures s’étendent et se rejoignent : c’est la fracture de fatigue ! Les « classes » qui initiaient le service militaire chez les jeunes recrues constituaient alors un vrai laboratoire à fracture de fatigue.
3 SEMAINES DE MICROLÉSIONS OSSEUSES PUIS 2 MOIS DE RECONSTRUCTION
Au-delà des études scientifiques et de l’histoire de la médecine qui relayent cette constatation, j’étais jeune médecin du sport au 24e régiment d’infanterie et je remercie le ministère de la Défense d’avoir rapidement contribué à mon expérience sur le sujet ! Cette période de formation des soldats dure 3 semaines. Incidemment, on sait désormais que le rythme « décompensation/surcompensation » osseux commence par 3 semaines au cours desquelles les processus de nettoyage des microlésions prédominent nettement sur ceux de reconstruction.
Voilà qui explique la queue à l’infirmerie de la caserne tout au long de ce programme de préparation physique inapproprié… surtout pour de jeunes sédentaires ! Ce rythme suivait à peu près la progression musculaire mais ne tenait pas compte de l’inertie de l’appareil locomoteur « passif » ! Ce délai de 3 semaines est désormais emblématique de la durée des précautions tissulaires en cas de reprise des sports contraignants pour l’appareil locomoteur. À l’issue, la progression est plus rapide. La densité osseuse augmente puis se stabilise sur une asymptote légèrement ascendante à partir du troisième mois, à la manière d’une vraie fracture qui consolide dans un délai voisin. Ces phénomènes biologiques nous dictent le rythme de la reprise.
Pendant 3 semaines, trottinez en aisance respiratoire, augmentez la durée de la course avec humilité. Recommencez par 15 à 30 minutes puis ajoutez de 3 à 10 minutes à chaque sortie en fonction du déconditionnement. Trois fois par semaine semble une bonne cadence physiologique au cours de laquelle l’appareil locomoteur profite d’une journée complète pour se réparer.
Ce rythme est bien plus adéquat qu’un footing hebdomadaire associé à une incrémentation plus importante. Les études menées à la « clinique du coureur » confirme qu’il est préférable de « faire un peu mais souvent ». Afin de bénéficier de vraies séances, le triathlon vous permet de greffer ces courtes sessions de footing avant ou après le vélo, voire en vous rendant à la piscine.
C’est à l’issue de progression en durée de 3 semaines que vous pourrez associer de l’intensité. En pratique, après 1 mois, intégrez de longs passages continus en « endurance active » à environ 70 % de votre VMA. À partir de 2 mois, bossez votre « seuil » à 80 % de votre VMA. Enfin, au-delà du troisième mois, votre tissu osseux est réadapté ! Vous pouvez faire progresser votre VO2max et renouer avec le fractionné à 90 et 100 % de votre VMA.
Vous l’avez compris et vous le savez, le vélo et la natation sont beaucoup moins traumatisants que la course. Évoquons néanmoins les douleurs de rotule chez les cyclistes qui reprennent trop fort. De la même façon, signalons la souffrance des tendons de l’épaule chez les nageurs. Mouliner en pédalant et insister sur la technique en nageant constituent deux points clés préventifs. Hormis ces particularités, ces disciplines sont idéales pour renouer plus rapidement avec des intensités élevées et des durées prolongées.
Il s’agit là du deuxième versant de la « reprise dissociée » mené parallèlement à la mécanisation de l’appareil locomoteur à l’occasion des footings tranquilles. Vous profiterez de ces progrès physiologiques en courant dès que vos tendons et vos os auront récupéré plus de résistance. Optez pour une « reprise thématique ». Là encore, dissociez l’intensité et la durée. Le home-trainer représente une opportunité pour mener à bien des fractionnés courts et structurés autour d’une puissance de pédalage précise allant de 80 à 100 % de votre PMA. Les entraîneurs apprécient de caler les séances sur des PMA actualisées et remises à niveau en commençant par un travail intensif.
APRèS 1 MOIS : 100 % PMA À VÉLO
Pour éviter les épuisements précoces, pour des raisons de contraintes locomotrices et surtout pour cause de sécurité
cardio-vasculaire, les médecins du sport apprécient plutôt la démarche inverse. Après un bilan de santé rassurant, ils proposent de reprendre ces séances dures au voisinage de 80 % des aptitudes cardiaques et de monter progressivement à 100 % au cours du premier mois. En pratique, on constate que la première méthode est bien adaptée aux sportifs de haut niveau alors que la seconde se décline plus aisément pour l’amateur.
APRÈS 1 MOIS : SORTIE LONGUE À VÉLO
Le vélo permet de renouer rapidement avec un effort de plus longue durée à intensité modérée. Pour les triathlètes adeptes du XS, du S et du M, le cyclisme est l’occasion de retrouver, en un mois environ, une durée d’effort correspondant à la totalité de l’épreuve. C’est une bonne façon de « prendre la caisse » pour digérer aisément la compétition sans malmener ses articulations. Dans le cadre du « sport santé forme », il n’est d’ailleurs pas très pertinent de franchir trop souvent cette limite. De même, ces sorties commencent en endurance stricte et ne montent en intensité qu’à l’approche des objectifs. Il est en tout cas déconseillé qu’elles tournent systématiquement au fartlek dans les bosses, surtout au sein de groupes de niveaux hétérogènes. Restez dissocié et thématique !
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