Serpents : entre ignorance et effroi

Serpents  entre ignorance et effroi
Serpents entre ignorance et effroi

Rare, la morsure d’un serpent en France métropolitaine ne doit pas faire oublier que l’outre-mer, étendu, recèle des dangers à connaître. Dans le monde, le péril est grand, s’émeut l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Même si sur le terrain, les hyménoptères se révèlent partout plus mortels (en nombre) que les serpents, il convient de s’instruire pour éviter les mauvaises rencontres et garder son sang-froid !

Par le Docteur Sophie Duméry – Membre De La Commission Médicale Fédérale

Il est courant chez les médecins de considérer que les morsures de serpent sont un péril trop rare pour qu’on s’en inquiète… en métropole ! Les territoires français d’outre-mer existent, on y vit et on y passe des vacances. Même sans être tenté par des aventures tropicales, il ne faut jurer de rien quand les nouveaux animaux de compagnie (NAC) dangereux ont la cote. Les morsures infligées à leurs propriétaires se multiplient. En cas d’évasion, pas si rare, les pompiers le constatent, le changement climatique peut favoriser leur acclimatation locale (imaginez une version ophidienne du frelon asiatique !). Il paraît donc imprudent d’en sourire ; l’Histoire est pleine de certitudes en miettes. PAS TANT DE MORSURES MAIS TOUT DE MÊME… Les centres antipoison colligent en moyenne 300 morsures de vipère par an en France métropolitaine. Elles concernent autant les enfants que les adultes, avec une prédominance masculine. Les décès sont très rares : en 2013, la totalité des centres antipoison n’a enregistré qu’un seul décès sur 277 cas métropolitains. Les serpents les plus souvent en cause sont la vipère aspic (Vipera aspis) au sud de la Loire, la vipère péliade (Vipera berus) au nord du fleuve et dans le Massif central. La vipère d’Orsini (Vipera ursinii) et la vipère des Pyrénées (Vipera seoanei) sont beaucoup plus rares et locales (voir carte ci-contre et le site www.vipera.fr).

Pour les détails locaux sur chaque espèce de serpents, consultez les fiches de l’Inventaire national du patrimoine naturel du Muséum national d’Histoire naturelle (www.inpn.mnhn. fr). Et n’oubliez pas que, du fait de leur extinction rapide par altération de leur habitat, toutes les espèces de serpents autochtones sont protégées en France depuis l’arrêté de protection des reptiles et amphibiens du 8 janvier 2021 paru au Journal officiel le 11 février 2021. On ne détruit pas la faune, on l’observe sans la déranger !

La Corse se distingue en n’hébergeant officiellement que quelques espèces de couleuvres : la couleuvre à collier méditerranéenne (Natrix astreptophora), la couleuvre helvétique (Natrix helvetica) et la couleuvre vipérine (Natrix maura).

Ce qu’il faut pour une rencontre en france, et ailleurs

Les morsures surviennent en France d’avril à septembre, en journée. Elles sont liées à la fois aux activités humaines extérieures, multipliées en été (jardinage, loisirs d’extérieur), et aux activités des ophidiens sortis d’hibernation : la chasse, la reproduction, la mise bas des serpenteaux… Évidemment, la fréquence des accidents diminue avec l’éloignement entre usagers de l’espace rural et serpents. Les paysans occidentaux qui travaillent sur leurs (grands) tracteurs sont peu exposés. En population essentiellement urbaine, les rares accidents sont plutôt liés aux loisirs de plein air (sport, camping, jardinage) ou à la manipulation de reptiles (travail animalier, spectacle, nouveaux animaux de compagnie). D’une manière générale, dans le monde la proportion d’espèces venimeuses rapportée à la population de serpents varie selon les lieux et l’environnement. En forêt d’Afrique de l’Ouest, précise l’Institut de recherche pour le développement (IRD), 20 % seulement des ophidiens sont venimeux contre 70 % en savane. Certains serpents prolifèrent en milieu anthropisé (fortement humanisé), d’autres disparaissent. La menace évolue donc mais les venins restent de redoutables armes contre l’Homme bien qu’il n’entre jamais dans le programme alimentaire des serpents.

Connaissance des ophidiens : des détails

« Ophidiens » désigne le groupe des serpents au sens large. Et des serpents, il y en a beaucoup (voir encadré Classification des serpents). L’IRD, qui en connaît un rayon, remarque que parmi les 3000 espèces connues, seules 600 sont venimeuses. La plupart des accidents concernent quelques dizaines d’espèces appartenant surtout à deux familles, les élapidés et les vipéridés : ÂLes élapidés regroupent cobras, mambas, taïpans (Australie, Nouvelle-Guinée), bongares (Asie du Sud, Sud-Est et Est), serpents corail et serpents marins ; Â Les vipéridés comptent vipères et crotales, tous venimeux. Leurs crochets délivrent leur venin en le projetant vers l’avant au moment de la morsure. L’envenimation par ces deux types de serpents provoque deux tableaux cliniques distincts (syndromes). À chacun son venin, destiné à immobiliser la proie ou à la tuer ou à la prédigérer partiellement pour en faire une seule bouchée quand la proie est volumineuse.

Syndrome vipérin

Les vipéridés injectent un venin destructeur de cellules (cytotoxique). Il comporte des enzymes de différentes natures qui provoquent un œdème immédiat (gonflement des tissus) avec une tache de sang aux points de morsure (les deux crochets), œdème qui tourne à la nécrose (mort des tissus). C’est une digestion tissulaire et la principale cause des invalidités définitives associées aux envenimations. En l’absence de soins adaptés, elle peut conduire à l’amputation du membre mordu. Ces troubles dits « locorégionaux » sont souvent associés à des lésions des vaisseaux sanguins à l’endroit de la morsure puis dans tout l’organisme grâce à la diffusion du venin. Le système de coagulation qui tente de contenir le saignement peut être débordé et s’effondrer quand toutes ses molécules sont consommées. Alors, les hémorragies s’étendent du point de morsure à tout l’organisme. La pression artérielle s’effondre, les reins sont en perdition plus ou moins définitive, les muscles fondent au-delà de la morsure…

Éviter les morsures sur et hors sentiers
Mettre un pantalon long, des bottes ou des chaussures fermées lors de balade en forêt.
Prendre un bâton lors d’une balade pour marteler le sol : les vibrations perçues par les serpents (qui sont sourds mais pas insensibles) les poussent à fuir.
Avoir un téléphone, batteries pleines, pour alerter les secours au plus vite.
En camping, avant d’enfiler un vêtement ou de se glisser dans un duvet, vérifier qu’il n’y a pas d’intrus dedans.
Prendre une lampe de poche pour se déplacer la nuit.
Face à un serpent, continuer sa route en faisant un écart sans effrayer l’animal.
Éviter les lieux à risque : les couleuvres aiment les endroits humides, les bords de rivière ou d’étang ; les vipères aiment le dessous des rochers, les murs de pierres sèches, les haies et lisières buissonnantes.
Ne pas mettre les mains sous une pierre ou dans un trou sans regarder à l’aide d’un bâton s’il y a un danger ou non.

Que faire en cas de morsure ?

  • Reconnaître ou photographier le serpent avant qu’il ne s’enfuie, sans risquer une autre morsure. Il s’agit de l’identifier.
  • Analyser la morsure autant que possible pour préciser le type de serpent mordeur.
  • Ne jamais pratiquer d’aspiration du venin avec la bouche ou avec un appareil (Aspivenin® à PROSCRIRE absolument). Le venin ne ressort jamais : c’est le principe du venin, arme de chasse imparable.
  • Ne pas inciser la plaie ni la faire saigner. On aggrave les lésions tissulaires.
  • Ne pas faire de garrot. On aggrave les lésions tissulaires.
  • Allonger la victime et la rassurer en gardant soi-même son calme parce qu’on sait quoi faire, vite et bien.
  • Retirer les bagues, bracelets, montres, si la morsure siège à la main pour éviter une strangulation locale au cas où un œdème se produirait : ce n’est pas certain car la moitié des morsures connues sont sèches, c’est-à-dire sans assez de venin pour provoquer une envenimation.
  • Désinfecter la plaie localelement si l’on dispose d’un antiseptique (les morsures contiennent toujours des microbes).
  • Immobiliser le membre atteint pour éviter la diffusion du venin. Â
  • Appeler les secours : le 15 d’abord, puis le 18 ou le 112

Les envenimations par serpents dans le monde

Pour l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), les morsures de serpents constituent un problème de santé publique, négligé, en région tropicale et subtropicale. Elles toucheraient chaque année 5,4 millions de personnes. Autour de 2 millions d’envenimations provoqueraient 81. 410 à 137 880 décès subséquents et trois fois plus d’amputations et autres handicaps permanents qui touchent d’abord les travailleurs agricoles et les enfants. Une feuille de route a donc été élaborée pour réduire de moitié les conséquences graves de ces envenimations d’ici à 2030.

Une survie coûteuse

En janvier 2023, un article de Nature Africa interroge Johan Marais, herpétologue à l’African Snakebite Institute de Pretoria (Afrique du Sud) et coauteur d’une étude sur les envenimations au Mozambique où les personnes mordues préfèrent la médecine traditionnelle. Au-delà des croyances, le chercheur révèle l’aspect trivial de ce choix. La méthode de fabrication des antivenins est coûteuse car elle implique l’immunisation de chevaux avec du venin de serpent puis l’extraction du sérum contenant leurs anticorps bloquant le venin. Ainsi, déclare Johan Marais à Nature Africa, le coût de l’antivenin le plus populaire en Afrique et le plus efficace est « astronomique ».

Il s’agit d’un sérum polyvalent sud-africain contre le venin de dix serpents redoutables : le mamba noir, le mamba vert, le mamba de Jameson, la vipère bouffie, la vipère du Gabon occidental, le cobra des forêts, le cobra à museau, le cobra du Cap et le cobra cracheur du Mozambique. L’herpétologue stipule que c’est loin de faire le tour des serpents venimeux africains ; il manque notamment la vipère du Gabon occidental et le cobra cracheur à cou noir, ce que nos lecteurs avertis auront remarqué immédiatement. Nonobstant, cet antivenin polyvalent nécessite une conservation au froid pendant trois ans, pas facile à maintenir localement, et coûte environ 125 dollars US par flacon de 10 ml. Or, la plupart des victimes ont besoin de 6 à 15 flacons selon l’espèce ophidienne et la gravité de la morsure. Une morsure peut donc coûter plus de 10 000 dollars US. Même pour un touriste occidental aisé, la note est salée.

Syndrome cobraïque

Le venin des élapidés provoque surtout des atteintes neurotoxiques en raison de protéines qui ne sont pas des enzymes. Ce sont des neurotoxines entraînant des paralysies par blocage des connexions (synapses) entre neurones. L’influx nerveux ne passe plus. Une paralysie flasque s’installe de la tête aux pieds jusqu’au diaphragme (muscle respiratoire majeur), ce qui entraîne l’arrêt respiratoire et la mort par asphyxie. Un trépas agonique qui s’installe parfois en moins d’une heure.

Syndromes mixtes

Pardon ? Selon les espèces et sous-espèces, le venin d’un serpent peut combiner des enzymes et des toxines. Certains cobras trichent avec des venins cytotoxiques et certaines vipères injectent des neurotoxines. Ce n’est pas de jeu mais c’est ainsi. Il suffit parfois d’un petit changement d’habitat et de proies pour modifier la composition d’un venin au sein d’une même espèce. En conséquence, savoir à quel serpent on a affaire ne suffit pas toujours pour traiter précisément une envenimation.

Une urgence médicale, parfois sans objet

Les morsures de serpents venimeux sont des urgences médicales, vous l’avez compris, mais il faut nuancer. En France, la morsure brève (quelques centièmes de seconde) est responsable dans plus de la moitié (seulement) des cas d’une envenimation, selon les centres antipoisons. Cela justifie des campagnes d’information par les agences régionales de santé (ARS) là où la fréquence des morsures n’est pas négligeable.

Dans le monde, pour l’OMS, la moitié des morsures de serpent venimeux sont asymptomatiques (sans signes), parce que la dose de venin injectée est nulle ou insuffisante pour causer des préjudices à la personne mordue (quoique les chiffres soient surestimés). On parle de morsure sèche ou blanche. Il y a des périodes plus propices à des morsures sèches : quand le serpent a vidé assez récemment ses glandes à venin dans une proie qui n’est pas vous ; au sortir d’une hibernation dans les pays à saisons marquées, les glandes à venin sont pleines et le serpent affamé. Il ne fait pas bon tomber dessus (voir encadré Éviter les morsures).

Appel des secours dans tous les cas

Morsure sèche ou pas, une envenimation représente une urgence médicale : il faut appeler immédiatement le 15 et suivre les directives du médecin urgentiste. Ce n’est qu’au bout de quelques heures (3 à 6 heures) qu’on est sûr (ou pas !) qu’il ne se passera rien après vérification visuelle et les examens biologiques ad hoc (voir encadré Que faire en cas de morsure ?). Les enfants (et les vieilles personnes) dont le poids est faible sont particulièrement à risque de décéder bien qu’aucune mort récente n’ait été déclarée en France. En effet, le rapport « quantité de venin injecté/poids de la victime » leur est très défavorable : prenez garde à eux !

Gradation de l’envenimation

Les médecins évaluent la sévérité d’une morsure venimeuse en échelle croissante du grade 0 au grade III :
Le grade 0 d’envenimation ou morsure sèche ou blanche : il ne se passe rien ! On voit seulement les points des crochets mordeurs et c’est tout. Il n’y a pas d’injection de venin ;
Au grade I, mineur, il y a seulement des signes locaux : un gonflement limité autour de la morsure (œdème) et de la douleur modérée. Aucun signe général, c’est-à-dire pas de troubles sanguins digestifs, cardio-respiratoires, etc ;
Le grade II (A et B), modéré, désigne une envenimation locale étendue : l’œdème s’étend loin de la morsure, la douleur est intense, il y a des signes généraux (troubles de la coagulation sanguine, troubles respiratoires, cardio-vasculaires, etc.) ;
Au grade III, sévère (pour ne pas dire catastrophique), tout l’organisme défaille (cerveau, cœur, reins), la douleur est partout et la vie tient à un fil. Devant ces inquiétantes éventualités, on recourt à une évaluation en urgence-réanimation (ou aujourd’hui les « soins critiques ») qui se modernise avec des scores comme VipGrade®. Selon le niveau d’envenimation, on injecte ou pas le seul traitement validé efficace qui est le sérum antivenimeux correspondant au venin injecté, donc au serpent mordeur… quand on connaît !

Le sérum antivenimeux, heurs et malheurs

Dans les faits, il est rare qu’on sache avec certitude quel serpent a mordu. En conséquence, par pragmatisme, le sérum antivenimeux français comporte des anticorps contre les venins des trois espèces présentes en métropole qui constituent un danger réel en fréquence ou en gravité du venin : la vipère péliade, la vipère aspic et la vipère ammodyte (Vipera ammodytes). Cette dernière fait partie du lot, quoique plutôt présente en Italie et sur le pourtour méditerranéen, parce que son venin est à haut risque mortel.

Le sérum antivenimeux est constitué de fragments d’anticorps dirigés contre les toxines du venin impliqué. Ce sont des fragments F(ab’)2, extraits et purifiés de sérum de chevaux auxquels on a injecté les venins ciblés. Ce qui explique que leur administration (en perfusion) soit à risque non négligeable de choc allergique (la série noire !). Les fragments F(ab’)2 neutralisent les protéines du venin, réduisant ainsi sa quantité circulante pour freiner les signes en cours d’apparition. Il faut faire vite (dans les trois heures ou moins) au cas où l’envenimation serait modérée ou sévère. Car si l’on meurt peu des serpents français (les enfants, on l’a vu, sont les plus en danger), les venins laissent des séquelles parfois très invalidantes et définitives (reins détruits, amputation d’un doigt, etc.).

En France, le seul sérum adapté est le ViperFav® : malheureusement, la rupture des stocks est chronique par tension d’approvisionnement. Les réserves actuelles sont destinées en priorité aux régions les plus demandeuses. Pour les autres, un antivenin spécifique à la Grande-Bretagne est possible. Face aux pénuries, on adopte la stratégie du « mieux que rien ». Mais attention : chaque habitat a ses serpents avec leur type variable de venin (cf. plus haut) au sein des mêmes espèces. La variété régnant, l’efficacité française de l’antivenin britannique n’est pas totalement garantie (la série noire continue !). La prise en charge médicale est codifiée, mais pas toujours bien suivie en région comme l’atteste une étude de terrain en PACA.

En soins critiques, au-delà de l’élimination du venin, le traitement symptomatique est essentiel : combattre l’inflammation, suppléer la défaillance des organes, contrer les troubles de la coagulation, retirer les tissus nécrosés, réanimer si nécessaire. « Éliminer le venin de l’organisme du patient ne suffit pas, ou pas toujours, pour juguler les effets qu’il a engendrés, annonce Jean-Philippe Chippaux, médecin et herpétologiste à l’IRD, unité « Mère et enfant face aux infections en milieu tropical (MERIT) ». Le venin déclenche en effet un processus qui évolue après pour son propre compte, que ce soit vers la nécrose, vers la paralysie musculaire ou l’hémorragie. Même s’il n’y a plus de venin, ces phénomènes-là vont continuer. » Ils expliquent la nécessité d’une réanimation spécifique et prolongée dans les cas graves, ou même modérés.

La pénurie d’antivenins dans le monde

Très peu de pays produisent des antivenins d’une qualité suffisante pour la production des sérums, constate l’OMS, et de nombreux fabricants dépendent de sources commerciales communes, qui très souvent ne sont pas adaptées à la diversité géographique des venins pour certaines espèces très répandues. C’est un problème majeur en Guyane française par exemple.

En outre, l’insuffisance des moyens réglementaires de contrôle des sérums antivenimeux, dans les pays où le problème des morsures des serpents est important, entraîne une incapacité d’évaluer la qualité et l’adaptation des sérums. Une combinaison de facteurs a abouti à la crise actuelle. Le manque de données sur le nombre et le type de morsures de serpent a rendu difficile l’estimation des besoins et les politiques de distribution inadéquates ont amené les fabricants à réduire ou à arrêter la production ou à augmenter le prix des antivenins. Les insuffisances en matière de réglementation, la commercialisation d’antivenins inadaptés ou de mauvaise qualité ont également sapé la confiance des médecins, des responsables sanitaires et des patients dans les sérums existants, ce qui affaiblit encore la demande. La recherche s’active pour synthétiser facilement et efficacement les différents antidotes nécessaires et pas (trop) chers, ou pour désamorcer les venins. Ce n’est pas le lieu de le détailler mais les nouvelles sont stimulantes.

S’il faut conclure…

Le meilleur remède est de ne pas se faire mordre ! Ce qui ne veut pas dire rester cloîtré. C’est au contraire l’occasion de s’intéresser aux serpents et autres animaux venimeux de la faune pour savoir où et comment s’accumulent les risques afin de les réduire à leur minimum possible. La connaissance, c’est la vie. Pour compenser l’inquiétude générée par cet article, lisez 50 idées fausses sur les serpents de Françoise Serre Collet, et pourquoi pas son beau livre Légendes de serpents. Afin de rester calme ! ✱

Classification des serpents

Elle se fait en fonction de la disposition des dents maxillaires qui varient selon les trois familles de serpents venimeux : colubridés, élapidés, vipéridés. Et une quatrième famille qui triche grâce à des crochets pas classiques du tout : les atractaspididae!

Les Aglyphes n’ont pas de crochets à venin et sont classiquement inoffensifs : les colubridés (les couleuvres).

Les Opisthoglyphes ont des crochets venimeux postérieurs (en profondeur de gueule, il faut le vouloir pour être envenimé) et sont classiquement inoffensifs : les colubridés, en dehors d’exceptions comme le Dispholidus typus ou boomslang d‘Afrique du Sud.

Les Protéroglyphes ont des crochets venimeux antérieurs et fixes (pas moyen d’y échapper) : les élapidés. Ce sont les cobras ou serpents à lunettes responsables du syndrome cobraïque : Najas d’Asie et d’Afrique (Naja haje legionis d’Afrique du Nord, Naja melanoleuca de la forêt africaine, Naja nigricollis cracheur de venin, Naja mossambica d’Afrique intertropicale). Mambas dont le genre Dendroaspis sp., mamba arboricole d’Afrique intertropicale.

Les Solénoglyphes ont des crochets venimeux antérieurs et mobiles, basculant en avant au moment de la morsure (ne pas les titiller) : les vipéridés responsables du syndrome vipérin. 80 % des envenimations sont dues à des vipéridés…

Vipères d’Afrique, d’Asie et d’Amérique. Bitis gabonica, Bitis arietans arietans (vipère hurlante), Bitis nasicornis (vipère rhinocéros) en Afrique ; Echis carinatus en Inde et au Sri Lanka, Echis ocellatus en savane africaine ; Cerestes cerestes (vipère à cornes du Sahara) et Cerestes vipera (vipère des sables au Sahara),

Crotales d’Amérique et d’Asie : Crotalus en Amérique centrale et du Sud, Bothrops en Amérique centrale et du Sud (Bothrops lanceolatus en Martinique, Bothrops atrox, Bothrops brazili en Guyane française), Calloselosma rhodostoma en Malaisie.

Certains solénoglyphes injectent leur venin la gueule fermée grâce à deux crochets canaliculés et horizontaux capables de pivoter latéralement, dont un seul dépasse à chaque fois lors d’un mouvement latéral de la tête : les atractaspididés. Ils sont présents dans tous les pays d’Afrique subsaharienne, en Israël et dans la partie sud-ouest de la péninsule arabique (Jordanie, sultanat d’Oman, Arabie saoudite).

Les colubridés, pas tous « innocents »

Les colubridés désignent les couleuvres. Il en existe à deux types de crochets venimeux : les espèces opisthoglyphes (voir plus haut) et les aglyphes, qui n’en ont pas (de crochet, mais cela ne garantit rien, lisez plus bas). En France métropolitaine, le venin des couleuvres opisthoglyphes n’est généralement pas dangereux pour l’Homme, en dehors de la couleuvre de Montpellier (Malpolon monspessulanus). Dans le sud méditerranéen encore, la couleuvre à échelons (Zamenis scalaris) fait mal quand elle mord. La méfiance et la distance sont donc conseillées.

Des envenimations sévères s’observent après morsure par une couleuvre même dépourvue de crochets (espèce aglyphe). Et pourquoi donc ? La glande salivaire annexe (glande de Duvernoy) présente chez la majorité des couleuvres est une glande venimeuse dont les secrétions toxiques ne diffèrent pas vraiment des venins des vipéridés ou des élapidés, expliquent les professeurs Aubry et Gaüzère. Certaines dentures couleuvrines favorisent la pénétration de ces sécrétions grâce à leur morsure suffisamment pénétrante (serpents opisthoglyphes comme le boomslang et serpents aglyphes comme Thrasops sp. d’Afrique).