La pronation correspond à l’affaissement de votre pied du côté du gros orteil. Ce mouvement naturel peut devenir excessif, altérer vos performances et provoquer des blessures. Explications du phénomène et stratégies préventives !
A l’occasion d’une foulée traditionnelle, le pied reprend contact au sol avec le talon. Il se déroule ensuite sur le bord externe, il est en supination. Arrivée sur l’avant, il bascule vers l’intérieur et la propulsion s’achève en regard du gros orteil. Il passe en pronation.
Ce processus est tout à fait physiologique, mais il arrive qu’il soit trop important. Il s’agit parfois d’un problème anatomique. Les pieds plats sont volontiers trop pronateurs, mais pas systématiquement !
Cette morphologie s’avère prédominante sur la planète, notamment parmi les coureurs africains talentueux. Dans ce contexte, il ne subsiste que des avantages : le contact au sol reste tonique et la surface d’appui plus élevée permet de réduire les pressions.
À noter que le pied qualifié de normal correspond à une moyenne statistique au sein de la population européenne dite « caucasienne ». Le pied se montre pronateur surtout pour des raisons fonctionnelles. Il ne se tient pas suffisamment lorsqu’il se déroule sur le sol.
Cette altération gestuelle est favorisée par le port de chaussures trop rigides qui affaiblissent les muscles chargés de stabiliser vos appuis. Elle survient aussi lorsque vous manquez de technique pendant vos footings. D’où l’intérêt d’apprendre à courir…
Nous y reviendrons ! Cet excès de pronation se produit également quand vous êtes fatigué. Vous commencez votre sortie avec un pied tonique puis les chaînes musculaires spécifiques à la qualité de vos appuis faiblissent. Là encore, du travail complémentaire se révèle opportun… Nous vous guiderons !
En tout cas, notez d’emblée que le conseil de votre vendeur a de fortes chances de se montrer erroné. Quand il vous regarde courir dans son magasin ou sur le macadam de la rue voisine, il vous découvre supinateur… et vous conseille un modèle pour supinateur. Normal après 15 mètres, votre foulée ne vacille pas encore !
Pourtant à l’occasion des 20 kilomètres de Paris, quand l’effort devient pénible, aux environs du quinzième kilomètre, vous devenez pronateur ! Et vous auriez bien besoin de soutien !
Lorsque votre pied part en pronation excessive et s’écrase sur le côté du gros orteil, c’est tout le membre inférieur qui bascule vers l’intérieur et pivote en rotation externe. Tout se passe comme si les structures de la face interne de la jambe étaient étirées et comme si celles situées à la face externe étaient impactées.
À cela, il faut ajouter les lésions favorisées par la torsion, notamment au sein des tendons. On parle de « syndrome de la serpillière ». Les articulations de la hanche, du genou, de la cheville et du pied souffrent de ce dysfonctionnement. Le fémur, l’os de la cuisse, peut venir en conflit avec le bassin et provoquer des ampoules profondes appelées « bursites ».
Le large tendon appelé « fascia lata » relie le bassin au tibia à l’extérieur de la cuisse ; il se vrille et vient frotter sur le fémur, il est responsable du classique « syndrome de l’essuie-glace ». La rotule se décale vers l’extérieur, frotte de façon asymétrique dans son couloir osseux et engendre le fameux « syndrome rotulien ». Les tendons situés à la face interne du genou sont étirés. Et c’est la « tendinite de la patte d’oie ». Le ménisque externe est écrasé et subit un excès de rotation. Il se fissure horizontalement et donne naissance au banal kyste méniscal externe.
Le muscle qui s’accroche sur le tibia et soutient la voûte plantaire, le jambier postérieur, travaille trop intensément. Il s’abîme sur son trajet, à l’endroit où il coulisse dans un canal osseux, à l’arrière de la cheville. D’abord, c’est sa gaine qui s’enflamme comme pour produire du lubrifiant. On parle de « ténosynovite ». Plus tard, le tissu tendineux lui-même s’effiloche, se distend puis se déchire. La large membrane qui tend la voûte plantaire comme un arc porte le nom d’« aponévrose ».
Elle aussi subit des contraintes en allongement. Les lésions se localisent sur son point de faiblesse, sur son point d’insertion au niveau du talon. C’est une « aponévrosite plantaire » ou « épine calcanéenne » quand la traction mécanique emmène un peu de tissu osseux. Même les os souffrent de la pronation, le tibia se tord vers l’extérieur. La membrane qui l’entoure s’irrite, c’est la « périostite ». L’os lui-même se fissure, c’est la « fracture de fatigue » !
Voilà une énumération impressionnante de blessures favorisées par l’excès de pronation et la liste n’est pas exhaustive ! Il est important de replacer ces lésions dans ce contexte dynamique. En effet, ni les anti-inflammatoires, ni le repos ne constituent un traitement efficace. Pire, ils aggravent le déconditionnement tissulaire ! Une rééducation trop centrée sur la lésion ne protège pas non plus d’une récidive rapide !
La prise en charge de cette micro-traumatologie se doit d’être holistique ! Elle inclut le contrôle du mouvement délétère. Initialement, il est possible d’opter pour des soutiens mécaniques qualifiés de « passifs » : chaussures spécifiques ou semelles correctrices. À moyen terme, il est impératif de programmer un travail musculaire actif assurant une maîtrise dynamique de la foulée.
Dans tous les cas, progressivité et patience permettent une lente adaptation tissulaire inhérente aux imperfections anatomiques de chacun.
Pour limiter la bascule interne de votre pied, il existe des chaussures anti-pronation. Elles se caractérisent par un axe droit. Le bord interne de la chaussure est très peu incurvé. La structure est continue en dessous de votre voûte plantaire.
Sur ces modèles, la semelle intermédiaire amortissante est fréquemment plus dense du côté interne. Les fabricants le mettent volontiers en évidence grâce à une couleur plus sombre. N’hésitez pas à appuyer avec votre ongle pour le ressentir. Parfois, cette semelle intermédiaire remonte pour constituer un véritable soutien de voûte.
Enfin, votre talon est maintenu par un contrefort relativement rigide. La marque New Balance, pour « Nouvel Équilibre », a construit son image sur le contrôle de la pronation. Les chaussures maximalistes HOKA bénéficient fréquemment d’un concept voisin.
Les podologues du sport vous proposent également des semelles anti-pronation. Prescrites par votre médecin du sport, elles répondent plus précisément à votre problématique personnelle. Classiquement, elles présentent un soutien de voûte latéral et souvent antérieur. En effet, l’avant-pied possède aussi une arche qui doit rester tonique, notamment pour éviter l’affaissement en rotation externe lors de la phase de propulsion.
Exceptionnellement, la bascule de votre pied commence dès la réception du talon. Dans ces conditions, votre podologue peut ajouter un relief interne appelé « coin supinateur ». En général, la semelle anti-pronation se suffit à elle-même et s’associe volontiers à une chaussure universelle.
Néanmoins, en cas de défaut statique et dynamique important, il est possible d’associer chaussures et semelles anti-pronation. « Ceinture et bretelles », dit-on dans le jargon médical !
Pourtant, ces soutiens passifs doivent être rapidement complétés, voire remplacés par des soutiens actifs ! « Gainage de la jambe », « gainage du pied » et « travail de la foulée » vous apporteront plus de confort, plus de performance et plus de plaisir !
Si l’ensemble de votre membre inférieur s’affaisse vers l’intérieur, il faut le renforcer ! Le « gainage de la jambe » constitue alors un éducatif efficace et incontournable !
En appui sur un pied, fléchissez simultanément la hanche, le genou et la cheville. Ne dépassez pas l’amplitude correspondant à la réception d’une foulée ! Inutile d’imposer trop de contraintes à votre appareil locomoteur.
Prenez soin de garder sur la même verticale ces trois articulations ainsi que le premier orteil, éventuellement le deuxième. Si vous suivez ces consignes, votre rotule viendra juste cacher votre pied. Insistez sur le freinage car il est essentiel de travailler la force dite « excentrique » qui contrôle votre alignement articulaire à la réception. Cet exercice porte le nom de « mini-squat monopodal ». Il a pour intérêt d’être spécifique car il vous place dans une posture comparable à celle de la course.
En cela, le squat traditionnel sur deux jambes se montre beaucoup moins efficace car il sollicite bien moins les muscles équilibrateurs des genoux et du bassin. La musculation sur presse peut se faire également sur une jambe, mais là encore le buste est en équilibre passif grâce à l’appui du siège et du dossier. Le « mini-squat monopodal » se révèle avantageux car il est praticable partout. De fait, vous le ritualisez aisément à la maison, le matin après le café ou le soir après le brossage des dents…
Il est possible et même conseillé de l’intégrer à votre sortie de course à pied. Au sein de l’échauffement, il restaure la coordination propre à l’alignement articulaire. En pleine séance, il participe au travail de la technique ou au renforcement sur le relief. À la fin, il réalise une session de surfatigue, connue pour améliorer efficacement la force musculaire. Cet exercice est tellement simple qu’il est discrètement réalisable sur le quai du métro ou à la machine à café…
De surcroît, mettre tout le poids du corps sur une jambe constitue une charge bien adaptée à la « musculation endurance ». Nul besoin de matériel, il suffit de multiplier les répétitions jusqu’à « brûlure musculaire », « tremblement » ou « mouvement incomplet » ! Ce critère se révèle rigoureusement scientifique ! C’est dans ces conditions que la musculation assure de réels progrès en une seule série ! Et augmenter tout simplement le nombre de répétitions se montre le meilleur moyen de vous adapter à l’accroissement de vos aptitudes.
Le plus souvent, cet exercice peut être réalisé 30 à 100 fois. Mais, pour varier les intensités de travail, n’hésitez pas à mettre un sac à dos, enfiler un gilet lesté ou tenir des haltères. Les traileurs sont même invités à effectuer le mouvement sur un coussin d’instabilité ou sur leur matelas…
Tout en bas de votre membre inférieur, votre pied constitue l’élément déterminant de votre pronation. On parle même de « pied pronateur » pour décrire ce qui est en fait un affaissement plus global.
Votre voûte plantaire est maintenue sous tension par de petits muscles fléchisseurs situés sous le squelette du pied. On parle de « muscles intrinsèques » pour les différencier des « muscles extrinsèques » qui s’accrochent sur le tibia et le péroné puis descendent vers le pied pour stabiliser le pied et la cheville. Ces derniers sont assez faciles à travailler. Comme le mollet, ils se renforcent en montant sur la pointe des pieds ou en courant sur le médio-pied.
À l’inverse, les premiers s’entraînent très peu lorsque le pied est maintenu dans une chaussure hyper-stable qualifiée de « maximaliste ». Il est vivement conseillé de les solliciter de façon spécifique. De nombreux exercices existent sur le Net. Cependant, mes patients et moi les trouvons difficiles. Ils tentent d’isoler chaque muscle. Ils deviennent trop analytiques et altèrent d’autant leur transfert vers le geste global de la foulée.
Ainsi, je vous propose un mouvement simple et plus global. Assis les pieds nus posés au sol, vous montez les talons en griffant le sol jusqu’à vous placer sur la pulpe des orteils puis vous redescendez lentement puis remontez avant de toucher le sol. La position genou fléchi permet de réduire considérablement la contribution du mollet.
Enchaînez les répétitions « jusqu’à brûlures dans la voûte plantaire ». Comme pour le « mini-squat monopodal », cet exercice appelé « les pointes du coureur » doit être ritualisé. Faites une série matin et soir. Ajoutez-y quelques opportunités dans la journée. Lui aussi est très discret. Bien qu’il soit moins efficace avec des chaussures, vous pouvez le réaliser dans les transports, au bureau, à l’occasion d’interminables réunions.
Pour gagner en intensité, vous pouvez poser votre sacoche sur vos cuisses, vous pouvez même croiser les jambes ! De retour sur le canapé du salon, il est possible de placer sur vos genoux des haltères souples de type Pilates. En quelques semaines, vous serez sur le chemin du contrôle de votre pronation et vous améliorerez votre tonicité plantaire…
« Gainage de la jambe » et « gainage du pied » tendent vers une réelle spécificité. Cependant, un transfert vers le geste de course est indispensable ! Et pour cela, il faut courir ! Il faut courir tonique… en contrôlant votre pronation ! Puisque vous vous entraînez avec des chaussures et des semelles anti-pronation, vous devez travailler votre geste avec des chaussures minimalistes… toutes molles et toutes souples !
Les Nike Free adhèrent à ce concept sans revendiquer un extrémisme forcené. Elles sont bien adaptées dans cette indication. En salle, sur tapis, vous pouvez même essayer de trottiner avec des chaussettes agrippantes de type Pilates. Attention, la rééducation de votre foulée se programme à dose homéopathique ! Le genre, 1 minute… + 1 minute à chaque séance. La technique de course tonique passe par une réduction de l’amplitude et une augmentation de la fréquence de votre foulée. Vous n’attaquez plus talon en avant de votre centre de gravité.
À l’inverse, vous posez votre pied à plat, voire un peu sur la pointe, à la verticale de votre buste. À peine en contact avec le sol, vous percevez la tonicité de votre appui et la réaction de votre mollet. Vous rebondissez comme si le revêtement était brûlant. Soyez silencieux ! Des études associent foulée bruyante et blessure ! Pensez à pousser derrière en contractant vos fessiers et vos ischio-jambiers. Conservez un buste stable et tonique, apte à induire une légère rotation horizontale des épaules suivie par des bras relâchés et orientés dans l’axe du déplacement.
Le bassin pivote en sens inverse grâce aux abdominaux obliques que vous sentez travailler. Il reste stable horizontalement, offrant un réel point fixe à tous les puissants muscles des membres inférieurs qui s’y accrochent.
Vous pouvez constater que je ne vous propose pas d’éducatif pour travailler votre technique. En effet, les neurosciences nous apprennent que chaque mouvement automatisé s’inscrit dans un réseau neuronal différent au sein des noyaux gris situés au centre du cerveau. De fait, si l’éducatif est trop différent de votre foulée, vous ne bénéficiez d’aucun transfert !
Cette remarque se révèle particulièrement pertinente pour celles et ceux qui courent à vitesse modeste car ces exercices très énergivores ont été conçus par des coureurs rapides et pour des coureurs rapides ! Ils sont d’ailleurs à l’origine de nombreuses blessures. Bref, il est amplement préférable de courir à votre vitesse et de décliner tous les conseils techniques de votre entraîneur ou de vous inspirer de mes recommandations.
Bien sûr, cette check-list s’avère plus répétitive et moins ludique que l’enchaînement d’éducatifs. Pourtant, il s’agit de la pédagogie la plus efficace !
Il existe peu de données concernant les délais d’adaptation de l’appareil locomoteur aux contraintes mécaniques de la course. La durée de cicatrisation des blessures nous fournit des informations intéressantes.
Un ligament rompu retrouve sa continuité après 6 semaines. Mais, à 6 mois du traumatisme, le tissu n’atteint que 50 % de sa solidité initiale. Il faut attendre plus d’un an pour espérer compléter la cicatrisation.
Ainsi, dans le domaine sportif, il paraît opportun de respecter cet ordre de grandeur avant d’accéder à de grosses charges de travail, supérieures à trois footings par semaine. L’expérience montre que ce délai doit s’accroître nettement si vous avez fait trop peu de sport pendant votre adolescence. En effet, la poussée de croissance et l’imprégnation en hormones sexuelles anabolisantes font de cette période un moment particulièrement propice à l’adaptation tissulaire.
Notez également que le muscle est un tissu rouge, alors que le cartilage, l’os, les tendons et les ligaments sont de couleur gris ou blancs. Le premier est richement vascularisé ; il bénéficie d’apports en oxygène et en nutriments importants lui permettant de se renforcer rapidement.
Les seconds sont traversés par beaucoup moins de vaisseaux ; ils se transforment bien plus lentement. Ces données biologiques vous expliquent pourquoi vos capacités énergétiques s’améliorent rapidement alors que votre résistance tissulaire est à la traîne.
En clair, alors que vous augmentez votre charge de travail, vous parvenez aisément à courir de plus en plus longtemps et de plus en plus vite. Mais votre appareil ne parvient à s’adapter et vous vous blessez…
En pratique, quel programme proposer ? Le sport d’endurance se révèle bénéfique et nettement plus efficace à partir de 3 séances par semaine de 30 minutes à 1 heure. Il est possible d’opter pour un programme de ce type dès le début de vos bonnes résolutions à condition de ne faire qu’un seul footing hebdomadaire. Les autres sessions se doivent de limiter les contraintes articulaires. Il peut s’agir de natation, de vélo ou de cardio-training en salle sur elliptique ou sur rameur.
Si la course à pied se révèle votre passion, je vous conseille de changer une séance de cardio en jogging toutes les 6 à 12 semaines. Ne pas dépasser 3 footings par semaine pendant un an permet de prolonger sereinement l’adaptation tissulaire.
Si vous souhaitez progresser rapidement, rien ne vous empêche de conserver vos sessions d’endurance complémentaire.
De surcroît, conserver une pratique diversifiée se montre bien utile pour progresser sans vous blesser, notamment lorsque l’entraînement devient quasiment quotidien. Dans ce contexte, vous profitez vraiment d’une préparation croisée, incluant classiquement une séance de fractionné sur elliptique et une séance longue à vélo chaque semaine.
Pour mémoire, bon nombre de traileurs professionnels ou de haut niveau font 50 % de cyclisme !
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