L’activité physique a démontré son efficacité pour lutter contre les douleurs lombaires. À une époque où le repos et l’économie articulaire guidaient les stratégies thérapeutiques, une étude menée par Tom Mayer se révéla fondatrice de ce concept provocateur. Elle constitue désormais une réflexion incontournable pour vous concocter un programme efficace !
En 1995, une revue médicale de référence, le New England Journal of Medicine, a publié une étude bousculant les principes de prise en charge des lumbagos. Ces douleurs brutales du bas du dos surviennent le plus souvent après un faux mouvement ou un soulèvement de charge. Elles durent quelques jours au cours desquels vous restez le dos tordu en gémissant. La tradition médicale consistait à imposer aux victimes de demeurer au lit le temps que les lésions du disque intervertébral cicatrisent et que la souffrance disparaisse. À l’inverse, le protocole de cette recherche originale séparait les blessés en 3 groupes.
LUMBAGO : CEUX QUI BOUGENT RÉCUPÈRENT PLUS VITE
Le premier suivait ces recommandations habituelles. Le deuxième réalisait des exercices d’extension du dos malgré la douleur. Le troisième tentait de poursuivre sa vie quotidienne en évitant d’avoir trop mal. Au final, c’est cette dernière méthode qui s’est montrée la plus efficace et la plus rapide pour renouer avec le bien-être. À l’inverse, ceux qui restaient couchés souffraient le plus longtemps ! Contrairement au dogme en vigueur, l’activité physique venait de démontrer son efficacité pour soigner la douleur lombaire aigëe ! Il en serait bientôt de même concernant la lombalgie chronique !
En suivant les conseils traditionnels, en restant au lit, vous altérez sérieusement à la fois la cicatrisation de votre lésion et le fonctionnement de votre colonne. Le plus souvent, le lumbago correspond à une « entorse du disque intervertébral ». Cette structure se situe entre deux vertèbres et se comporte comme un amortisseur et un répartiteur de contraintes. Elle est constituée d’un noyau gélatineux, maintenu sous pression par de multiples anneaux fibreux concentriques, à la manière d’un bulbe d’oignon.
Lors d’un faux mouvement, quand les vertèbres sont comprimées et s’inclinent, la gélatine fuse en sens inverse et vient déchirer les anneaux fibreux. Si ces derniers sont tous abîmés, la substance visqueuse sort du disque et s’entoure d’œdème : c’est la hernie discale, véritable « entorse grave du disque ». Si cette tuméfaction touche un nerf qui descend vers la jambe, c’est la sciatique. Lors du lumbago, il s’agit souvent de la rupture de quelques anneaux. La gélatine s’étale et vient couler vers les zones sensibles du disque situées en périphérie. De fait, cette lésion est à considérer comme une « entorse bénigne » du disque intervertébral.
En l’absence de contrainte mécanique, la brèche du disque cicatrise comme un magma fibreux. Le résultat ressemble alors à une balafre cutanée après une suture réalisée par un jeune interne tremblotant. Cette réparation anarchique est fragile et se déchire lors de sa mise en tension, à la manière d’une gerçure quand souriez ! Pour obtenir une belle cicatrice, souple et solide, il faut que les fibres s’orientent pour répondre aux pressions et aux tractions mécaniques. Cette mécanisation tissulaire n’est possible qu’en exerçant des contraintes. Ces dernières doivent être progressives afin de ne pas léser les tissus déjà reconstitués. L’excès peut se montrer délétère comme l’atteste les délais de récupération quelques peu rallongés chez les patients réalisant des exercices d’extension forcée. A noter tout de même que ce groupe voit disparaître sa douleur plus vite que celui qui reste allongé ! Vous l’avez compris, en cas de lumbago, bouger dans la vie quotidienne, en essayant de ne pas trop souffrir, constitue la stratégie la plus efficace ! Au-delà des études, l’expérience montre que les sportifs victimes de cette blessure peuvent garder la forme en réalisant leurs séances de cardio sur vélo de salle ou d’appartement. Sur cet appareil votre dos est légèrement arrondi vers l’avant, comme dans la position antalgique la plus fréquente. De surcroît, vous êtes en appui sur les jambes et sur les bras, bien en équilibre comme un quadrupède indemne de douleur lombaire. Mieux encore, grâce à la selle, vous offrez un appui stable à votre bassin à la base de votre colonne vertébrale.
En maintenant la position couchée, l’altération fonctionnelle se montre encore plus délétère que la mauvaise cicatrisation. En quelques jours d’alitement, vous perdez beaucoup de force, de mobilité et de coordination. En effet, à l’état normal, votre dos est en permanence confronté à la pesanteur. Il s’entraîne
16 heures par jour lorsque vous êtes debout et même quand vous êtes assis ! Allongée toute la journée le désentraînement est colossal ! De retour à la vie normale, ce déconditionnement favorisera les récidives. Il sera l’instigateur d’un véritable cercle vicieux menant à la spirale du handicap ! Malheureusement, le dogme du repos strict résiste, dans le grand public mais aussi chez les médecins ! Il a fallu attendre un quart de siècle pour que les institutions en prennent conscience et réagissent ! Sa remise en cause a même nécessité une campagne publicitaire menée par l’assurance maladie : « Mal de dos, le bon traitement, c’est le mouvement » !
Concernant les douleurs chroniques dans le bas du dos, c’est le docteur Tom Mayer qui fut le promoteur du soulagement par le sport. Dans les années 1980, il publia de nombreuses études sur le reconditionnement à l’effort pour vaincre les lombalgies. Tout commença par la prise en charge de manutentionnaires états-uniens en arrêt de travail depuis plus de 4 mois pour cause de douleurs dans le bas du dos. Vous le savez, outre-Atlantique, le système assurantiel n’a rien à voir avec la Sécurité sociale de notre Hexagone. Ces salariés n’allaient pas tarder à perdre tous leurs droits, mettant en péril les revenus de leur famille ! Leur anxiété était majeure ! Parallèlement, les compagnies d’assurance souhaitaient à l’avenir réduire la durée de prise en charge de ces pathologies !
Tom Mayer proposa alors une étude fondée sur son concept : « Ces patients présentent sur leurs scanners des lésions minimes et banales. Ils n’ont pas d’hernie discale, juste des disques un peu tassés avec moins de gélatine et des anneaux fibreux distendus. Ils ont surtout perdu de la souplesse, de la force, de la coordination et de l’endurance, ils sont juste déconditionnés… notamment à cause du traitement basé sur le repos ! »
De fait, il enclencha un protocole incluant du travail cardio-vasculaire, du stretching et de la musculation générale puis spécifique. Ainsi, chaque session de rééducation commençait par du vélo, du rameur et même de la course à pied. Chaque jour, un manutentionnaire travaille huit heures. Il est donc indispensable qu’il soit endurant. Les patients enchaînaient avec des assouplissements. Leurs disques intervertébraux se défibrosaient. Les muscles du dos entourés de leurs grandes membranes retrouvaient des longueurs permettant un mouvement plus naturel.
Suivait alors le renforcement musculaire, d’abord analytique sur machines guidées puis de plus en plus fonctionnel avec des charges libres ou des poulies. Enfin, comme en sport, le geste devenait spécifique, nos manutentionnaires finissaient par mettre des caisses de poids croissants dans des camions ! À la manière d’un entraînement de haut niveau, la sollicitation avait retrouvé les contraintes de la compétition… à savoir le travail quotidien ! Les résultats furent rapides et exceptionnels ! En
3 semaines, 80 % des salariés en arrêt depuis plus de 4 mois avaient repris leur métier, au même poste. La conclusion de l’article de Tom Mayer est provocatrice mais sonne bien en anglais : Use-it or lose-it ! Bref : « Utilisez votre dos ou perdez-le ! »
En pratique, les douleurs lombaires n’avaient pas disparu tout de suite, certaines ont même quelque peu perduré. Mais en aucun cas, elles n’ont empêché le retour à l’activité professionnelle et à une rémunération rassurante ! Un cercle vertueux émotionnel s’était même enclenché ! Psychologues et médecins avaient expliqué aux manutentionnaires : « Votre dos ne présente pas de lésion grave, il est juste enraidi et démusclé. En vous réentraînant, vous pourrez retrouver votre travail mais vous aurez encore un peu mal, surtout au début. Mais, n’ayez aucune crainte, vous n’aggraverez rien en sollicitant votre dos au voisinage du seuil douloureux. Au contraire, ces sensations caractérisent l’adaptation de vos tissus, comme un sportif perçoit son appareil locomoteur quand il fait du stretching ou de la musculation. »
Elément clé de cette réconciliation corporelle, les manutentionnaires ont compris que la douleur n’était pas synonyme de handicap. Ils se sont rendu compte qu’ils pouvaient faire exercices en ayant un peu mal. Rassurés, ils ont prêté moins d’attention à cette perception désagréable. Ils ont désappris la composante émotionnelle et inquiétante de cette douleur mémorisée par des mois d’écoute et de prudence excessive.
Le reconditionnement musculaire et articulaire a peaufiné le traitement en assurant des mouvements plus aisés et mieux contrôlés toute la journée. À l’issue, les douleurs avaient quasiment disparu… La composante psychologique de la douleur a inspiré à Tom Mayer un complément de conclusion : Use-it or lose-it… and leave-it… À traduire en français dans le contexte par : « Utilisez votre dos ou perdez-le… et oubliez-le ! »
Avant de déduire de ces concepts votre programme sportif anti-mal de dos, commençons par mettre l’accent sur les activités absentes du protocole de Tom Mayer ! À la grande surprise de beaucoup, on ne trouve pas de natation ! Bien sûr, il est probable que cette activité fut compliquée à intégrer à un protocole hospitalier. Mais, au-delà de cette composante logistique, nager souffre de deux hypocrisies majeures : l’horizontalité et l’apesanteur. Ces notions ont guidé le choix de Tom Mayer ! En effet, se tenir debout, mobiliser son corps et soulever des charges se révèlent indispensables pour renouer avec la spécificité de la vie quotidienne et de la manutention !
En pratique et pour vous, cette activité n’est pas délétère, elle peut initier le reconditionnement. Alors, je dis à mes patients : « La piscine, c’est le début, du commencement de la réhabilitation lombaire. Nagez sur le dos pour bosser vos abdos si vous voulez. Nagez surtout sur le ventre pour renforcer vos muscles vertébraux toujours trop faibles en cas de lombalgie, il faudra ensuite enchaîner avec des activités dites « en charge » ! La natation n’est ni nécessaire, ni suffisante ! » Les sports avec ballons ou raquettes imposant des changements de direction ne font pas partis des protocoles traditionnels. En compétition, ils ont démontré leur dangerosité pour la colonne vertébrale. Cependant, certaines études proposent ces activités en loisir, à faible intensité et pendant peu de temps. Elles sont organisées en fin de journée, en guise de travail de coordination, de récupération active, de lien social et de réconciliation corporelle.
En effet, il est motivant de constater, et c’est le message que je glisse à mes patients, qu’une préparation physique rigoureuse permet de renouer avec des pratiques ludiques autrefois délaissées ! Au sein des protocoles de réhabilitation, il est indispensable de mentionner l’absence de technique passive ! Aucun des patients ne sollicite l’action d’un thérapeute ou d’une machine dites « de physiothérapie ». Pas de massage ! Pas d’onde ! Pas de rayon, etc. Le patient acquiert l’autonomie déclinable pour la vie entière, indispensable à la pérennité du bon résultat !
Seule concession partielle à cette ligne directrice : la balnéothérapie, parfois présente en fin de journée ! De fait, les chercheurs pensent que les manutentionnaires peuvent s’octroyer un grand bain chaud à domicile après une longue journée de travail. Et il en est de même pour un sportif au sortir d’un gros entraînement.
Vous l’avez constaté dans le protocole de Tom Mayer, lutter contre le mal de dos commence par de l’endurance musculaire et cardio-vasculaire. La vie quotidienne, le travail et le sport imposent de maintenir longtemps des attitudes ou de répéter longuement des mouvements : l’endurance générale est indispensable ! Toutes les activités cardio sont les bienvenues, notamment celles qui sollicitent simultanément les bras et les jambes, obligeant de fait à un gainage du buste pour transmettre les forces.
Dans cette indication, la natation se montre opportune. Le rameur sollicite beaucoup le dos mais il s’agit là d’un objectif essentiel à ce type de démarche. Un minimum de technique et un maximum de progressivité se révèlent juste nécessaires. L’elliptique se montre parfois moins approprié en début de réhabilitation. En effet, les grosses machines de salle peuvent provoquer des torsions du tronc si vous mettez les mains trop haut sur les rames. Le footing renforce et coordonne le dos en position verticale. De surcroît, cette activité réalise un véritable massage discal avec compression à la réception et surtout décompression à l’impulsion.
Ce phénomène a été mis en évidence grâce à des capteurs de pression placés dans les disques intervertébraux de prisonniers américains… en l’échange d’une remise de peine ! Un exemple peut vous aider à mieux comprendre le phénomène : les lombalgiques ont mal au dos en se levant le matin, puis vont mieux à l’issue du « dérouillage matinal ». On peut alors concevoir le jogging comme un super-dérouillage ! Le renforcement musculaire sur machines à charges guidées s’inscrit en réelle complémentarité. Avec cette méthode, il est possible de prendre du muscle en toute sécurité. Il est à noter que bras et jambes ne doivent pas être oubliés car ils sont parties prenantes dans tous les soulèvements de charges.
De façon progressive et avec des poids plus légers, la musculation fonctionnelle sollicite l’ensemble des chaînes musculaires et des schémas de coordination mis à contribution au travail, dans la vie quotidienne ou pendant le sport. S’entraîner en tirant sur des cordes ou des poignées, ou soulever des kettlebells ou des sacs bulgares ressemble étrangement à de la manutention. C’est même l’esprit de cette discipline emblématique appelée CrossFit. Là encore, la progressivité s’impose mais le concept peut se révéler bénéfique et relativement spécifique. Enfin, les assouplissements du dos mais surtout de toutes les chaînes musculaires s’associent à cette stratégie. Vous comprenez par exemple qu’assouplir l’arrière des cuisses permet de moins solliciter la colonne quand vous vous penchez en avant !
C’est ainsi que les pratiques qui étirent en continu l’ensemble des membranes fibreuses du corps se révèlent particulièrement efficaces. De fait, si le stretching analytique, muscle par muscle, n’est pas dépourvu d’intérêt, les techniques de type yoga ou Pilates expriment toute leur puissance thérapeutique. Comme vous le constatez, tous ces sports sont complémentaires pour lutter contre le mal de dos. Aucun n’est miraculeux. C’est en alternant ces disciplines de façon régulière, assidue et continue que vous ne souffrirez plus ! C’est de cette manière que vous pourrez pratiquer plus aisément des activités plus ludiques de ballon, de raquette ou de glisse ! Pour votre plus grand plaisir !
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