Il est important pour les entraîneurs et les encadrants des cyclistes féminines d’avoir quelques connaissances de la physiologie et de l’existence de certains troubles spécifiques existants. En effet, que l’on se situe au niveau régional, national ou international, les mêmes problèmes peuvent exister. Il est tout d’abord intéressant de rappeler quelques notions du cycle ovarien et de ses conséquences.
Par le docteur Gwenaëlle Madouas, Médecin Equipe de France Féminine, et le docteur Matthieu Muller, Gynécologue
Ils peuvent se rencontrer chez la femme sportive et sont représentés selon une échelle de gravité croissante :
Rappel : les cycles normaux ovulatoires ont une durée de 26 à 32 jours.
Parfois, pour bien authentifier le problème, il faut s’aider de la réalisation de la courbe de température ou de dosages hormonaux. Il faut lutter contre l’idée : « c’est normal quand on fait du sport de haut niveau ». En effet, l’entraînement intense ne doit pas induire de troubles du cycle, et s’ils existent, il faut les prendre en charge. La cause principale de ces troubles est actuellement bien connue : il s’agit d’un déficit énergétique induit par l’exercice et le blocage hormonal qui se passe au niveau hypothalamo-hypophysaire (modification de la pulsatilité de GnRH avec baisse de pulsatilité de LH) : rôle important de la leptine.
Il est important également de rappeler que ces troubles du cycle ont des effets démontrés sur :
En effet, soit l’aménorrhée apparaît vers 25, 30 ans (aménorrhée secondaire), c’est-à-dire sur un capital osseux déjà constitué : la perte osseuse est la même qu’à la ménopause. Soit elle apparaît avant la puberté (aménorrhée primaire) c’est-à-dire sur un capital osseux pas totalement constitué et les conséquences sont majeures pour la suite de la vie (fragilité osseuse, fractures…). Le traitement de l’aménorrhée de la sportive repose sur la physiopathologie, donc dans ce cas par un rétablissement de la balance énergétique avec souvent augmentation de l’apport alimentaire et augmentation de la masse grasse. La prise d’œstroprogestatifs de synthèse (pilule) rétablit le cycle de manière « artificielle » mais n’a aucun effet sur la fonction osseuse. Il est également important de préciser que plusieurs études ont montré que la majorité des cyclistes ne sont pas gênées par leurs règles et en aucun cas, il ne faut pousser à décaler les règles qui ne gênent pas. On voit même des filles qui estiment avoir plus de force pendant cette période.
Les hormones féminines qui fluctuent au cours des différentes phases du cycle ont également des répercussions sur le métabolisme et le fonctionnement cardio-vasculaire. Pour mieux comprendre l’influence du cycle menstruel sur le métabolisme et la pratique d’activités physiques, celui-ci peut être découpé en quatre phases :
Elle suit immédiatement les règles. Le taux de testostérone est alors élevé, ce qui a plusieurs conséquences :
Au cours de cette phase, l’organisme est plus enclin à utiliser les glucides et à puiser dans les réserves de glycogène, ce qui en fait un moment propice au travail d’explosivité et au développement musculaire mais aussi pour d’autres, à la reprise d’une activité physique. Selon certaines études, faire du sport pendant les deux premières semaines du cycle favoriserait un meilleur développement musculaire. Les hormones libérées seraient alors responsables de ces effets.
L’augmentation du taux d’œstrogènes s’accompagne de plusieurs phénomènes :
Le taux de progestérone augmente pendant que celui des œstrogènes diminue. Cela s’accompagne :
Le dynamisme peut être affecté différemment selon les femmes. Aussi, si certaines choisissent de dédier cette phase au repos, il est déconseillé de forcer, voire de s’entraîner le jour où le flux et les contractions sont intenses. Bien que cette phase, caractérisée par les règles, ne soit pas une maladie, il convient avant tout de savoir écouter son corps. Pour autant et en dehors de tout problème de santé, elle ne contre-indique en aucun cas la pratique sportive. Plus généralement, les variations de sécrétions hormonales liées au cycle menstruel peuvent induire des troubles physiologiques et psychologiques que l’entraîneur doit connaître, parmi lesquels :
Le choix de la contraception doit répondre à la demande de la sportive. La consultation doit permettre d’appréhender ses attentes et ses motivations. Le risque de prendre du poids et de voir ses performances diminuer est particulièrement redouté chez l’athlète de haut niveau. Le désir de décaler ses règles ou celui de supprimer les symptômes prémenstruels sont d’autres éléments à prendre en considération.
Trois types de contraception peuvent être envisagés : la contraception hormonale (la pilule œstroprogestative ou progestative), le système intra-utérin (stérilet), ou l’implant.
Une contraception œstroprogestative bien choisie ne nuit pas à la performance, n’entraîne pas d’augmentation du poids ou de la masse grasse, ne modifie pas la VO2 max ni la force musculaire.
Les contraceptions progestatives pures (voies orales ou implant) ne sont pas recommandées chez les sportives. Elles possèdent un profil de saignement imprévisible et créent une hypo-œstrogenie qui pose un problème à court terme sur les performances sportives et à long terme sur la minéralisation osseuse. À noter qu’aucune pilule contraceptive ne figure sur la liste des produits dopants.
On distingue deux types de stérilets : les stérilets au cuivre et les stérilets hormonaux. Depuis quelques années, il existe des stérilets hormonaux pour les patientes qui n’ont pas eu d’enfants. Ces stérilets hormonaux sont particulièrement intéressant chez la sportive de haut niveau car ils diminuent, voire font disparaître les règles, ce qui réduit le risque d’anémie chez la sportive. Ces stérilets évitent la contrainte de la prise quotidienne de la pilule.
Enfin, les stérilets hormonaux peuvent parfois également diminuer les douleurs de règles. Les stérilets au cuivre sont déconseillés car ils peuvent augmenter le flux des règles et être source d’anémie.
La carence martiale est une situation fréquente chez la femme cycliste et doit être mise en évidence rapidement car elle peut être à l’origine d’une fatigue et d’une mauvaise tolérance de l’entraînement. Il est important de repérer un déficit d’apport par une enquête alimentaire et de l’objectiver rapidement en cas de doute par une prise de sang. En aucun cas il ne faut supplémenter sans confirmation biologique : risque de stockage viscéral en cas de supplémentation inappropriée. En cas d’épisodes de carences à répétition se pose la question d’une compensation préventive, une semaine par mois (la semaine des règles) en période d’entraînement et de courses intenses, mais cela seulement après conseil et suivi médical.
La femme cycliste de par son anatomie est particulièrement exposée aux lésions périnéales. Ces dernières sont variées et fréquentes. On distingue les lésions cutanées, sous-cutanées, les douleurs d’origine neurologique et les traumatismes. Certaines lésions peuvent imposer un arrêt transitoire plus ou moins long de l’entraînement et être ainsi à l’origine d’une baisse des performances sportives. Pathologies de l’intimité féminine, le diagnostic peut être porté tardivement. Le traitement est le plus souvent médical mais certaines lésions peuvent nécessiter un traitement chirurgical et être à l’origine de séquelles esthétiques et douloureuses. La prévention permet de réduire nettement le risque de survenue de la plupart de ces lésions.
La région périnéale est le plan le plus superficiel du périnée compris entre l’anus et l’orifice vaginal, également appelé « vulve ». La vulve est une muqueuse particulièrement sensible à l’irritation locale. L’espace de glissement entre la selle, le cuissard et la vulve est source de pathologie irritative à ce niveau. Le bassin plus large chez la femme que l’homme, afin de permettre l’expulsion du fœtus lors de l’accouchement, expose les tissus mous du périnée et des organes génitaux (non mobiles) à l’écrasement, entre la surface de la selle et le bassin.
Les affections vulvopérinéales sont donc plus souvent rencontrées chez la femme que chez l’homme lors de la pratique du cyclisme. L’écrasement est encore favorisé par une tendance plus prononcée du bassin féminin à être incliné vers l’avant.
Le frottement de la vulve contre la selle peut provoquer des rougeurs cutanées puis des irritations correspondant à une abrasion superficielle. Rarement, cette destruction superficielle du tissu cutané peut évoluer vers une destruction plus profonde : l’ulcération.
L’apparition de ces lésions secondaire résultant du frottement de la vulve sur la selle est favorisée par l’accumulation de sueur. Le traitement de ces lésions comprend le nettoyage de la peau irritée avec un savon gynécologique doux, apaisant, et si possible sans colorant et sans parfum et la mise en place d’une pommade cicatrisante et apaisante sans parfum ni conservateur.
La prévention de ces lésions passe par une hygiène locale rigoureuse. Une douche dès la fin de la sortie à vélo permet d’éliminer toute trace de transpiration et d’éviter la macération, propice au développement des bactéries. C’est le seul moyen de stopper la macération. Une toilette de la région périnéale avec un savon gynécologique doux doit être réalisée.
Après la toilette intime, le port de sous-vêtements en coton est préférable. Attention, il ne faut pas non plus verser dans l’excès : des toilettes intimes excessives agressent également les muqueuses vulvaires. Si les savons doux sont parfaitement indiqués pour effectuer la toilette intime (qui doit se limiter à la vulve et au périnée, et exclure l’intérieur du vagin pour ne pas rompre l’équilibre de la flore vaginale), il ne faut pas utiliser de façon systématique des savons à pH acide (proche de 3) aux propriétés antiseptiques ni des savons à pH alcalin (aux alentours de 8) permettant de lutter contre les mycoses.
La destruction de la flore vaginale, provoquée par l’utilisation chronique de ces derniers savons, tout comme par la pratique des douches vaginales (faire entrer de l’eau ou du savon dans le vagin), peut être responsable d’infections mycosiques, de prurit, de sécheresse vaginale et de dyspareunie. Pour l’effort, certaines crèmes protectrices spécialement conçues pour éviter les échauffements, protéger les zones de frottement peuvent être appliquées sur la peau de chamois, ainsi qu’en couche fine sur le périnée avant la sortie à vélo.
Les lésions de folliculite se présentent sous la forme de petites pustules superficielles et centrées par un poil et entourées d’un petit halo érythémateux. Ces folliculites superficielles peuvent bénéficier de soins antiseptiques locaux. Après un rinçage abondant, une crème de type Flammazine peut être appliquée.
Le furoncle est une pustule unique de taille plus importante que les lésions de folliculite au centre d’un nodule rouge et douloureux. Il correspond à l’infection aigüe d’un poil. L’évolution spontanée provoque le percement de la pustule et un écoulement purulent de faible abondance. Le traitement est local et général : antibiothérapie par voie orale et crèmes antibiotiques, de type Fucidine.
La forme crème est plus souhaitable que la forme pommade. Le traitement chirurgical (incision-drainage) est indiqué en cas d’échec du traitement médicamenteux ou de lésion très volumineuse et douloureuse.
La prévention passe là encore par une hygiène rigoureuse réalisée immédiatement après chaque sortie et par le port d’un cuissard de qualité spécifiquement féminin, comportant des inserts alvéolés anatomiques avec gel ou mousse de haute densité procurant un meilleur confort (moins de pression) et une meilleure ventilation. La peau de chamois ne doit pas comporter de couture.
Les lésions sous-cutanées périnéales de la cycliste sont principalement représentées par le lymphœdème vulvaire. Il s’agit d’un œdème chronique unilatéral de la vulve : la grande lèvre est anormalement gonflée par une quantité excessive de lymphe.
La compression répétée des vaisseaux lymphatiques au niveau de la selle et au niveau inguinal (due à la position couchée sur le vélo) pourrait provoquer des altérations de la circulation lymphatique périnéale responsable du lymphœdème. Les fréquentes irritations et inflammations cutanées provoqueraient une inflammation chronique des vaisseaux lymphatiques.
Les solutions thérapeutiques sont d’une efficacité modérée. Il faut que les cyclistes connaissent ces lésions pour éviter leur apparition. Ces lésions sont fréquentes chez la femme et peuvent apparaître assez rapidement. La prévention est capitale pour éviter la survenue de ce lymphœdème vulvaire.
Sur le plan préventif, on peut conseiller de basculer la pointe de sa selle de 2- 3° en avant, de vérifier le positionnement sur le vélo, d’appliquer après chaque sortie des compresses froides (Cold Pack), de surélever quelques minutes les jambes et le bassin après chaque sortie, de surélever légèrement les pieds de son lit, de masser matin et soir pendant une dizaine de minutes la région œdématiée et éventuellement de tester des veinotoniques.
Enfin, il faut avoir un bon cuissard, le laver après chaque sortie, avoir une bonne hygiène locale et après chaque sortie sous la douche rincer quelques minutes au niveau de la zone œdématiée à l’eau froide. Une fois installés, les moyens préventifs peuvent au mieux limiter l’aggravation du lymphœdème. En cas de gêne ou de douleurs, il n’y a pas d’autre issue que le traitement chirurgical pouvant être source de séquelles esthétiques ou de douleurs.
Elles sont représentées par les neuropathies pudendales. Le nerf pudendal circule dans le bassin au travers de muscles, de ligaments et d’éléments osseux. Ses branches innervent la région vulvaire.
Lors de la pratique du cyclisme, il peut être comprimé au cours de son parcours et donner des douleurs vulvaires voire même certains types de brûlures, de pesanteurs ou des troubles de la sensibilité (dysesthésie). La topographie des douleurs, qui est l’élément principal du diagnostic, correspond au territoire du nerf pudendal : urogénitale, périnéale, anale ou mixte, unie ou bilatérale.
Le traitement consiste à modifier sa position sur le vélo afin de modifier la distribution des pressions périnéales (position plus droite), vérifier l’inclinaison de la selle, changer de selle, utiliser des cuissards avec des peaux épaisses. En aucun cas le bec de selle ne doit être relevé.
Le traitement médical a recours aux AINS, voire au Lyrica (pregabaline) prescrits dans le traitement des douleurs neuropathiques. On peut proposer l’infiltration guidée par scanner ou par échographie du canal pudendal par l’association d’un corticoïde et d’un anesthésique local.
En cas d’échec des traitements médicaux et kinésithérapiques, la chirurgie de décompression du canal pudendal (exceptionnelle) peut être envisagée lorsque les examens évoquent une compression canalaire.
Des hématomes vulvaires et des déchirures périnéales peuvent être provoqués par des contacts traumatiques avec la barre horizontale du vélo. La région vulvaire étant très vascularisée et très sensibles, la symptomatologie sera dominée par l’hémorragie, la douleur, la formation d’hématomes et d’œdèmes.
Un volumineux hématome peut nécessiter une prise en charge chirurgicale. L’application de froid et la compression immédiate peuvent limiter le développement de l’hématome.
Les plaies limitées a périnée, à la vulve et au vagin ont le plus souvent la même cause que les contusions. Mais contrairement à ces dernières, les douleurs sont assez modérées, le saignement est extériorisé et souvent abondant en raison de la richesse de la vascularisation de cette région, et le traitement exige des gestes d’hémostase urgents.
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