Vous avez mal au dos et on vous encourage à nager. Vous découvrez avec joie que cette discipline ne vous fait pas souffrir et qu’elle vous permet de renouer avec l’activité physique. Cependant, il est peu probable qu’elle vous mène au soulagement dans la vie quotidienne et pendant les autres sports. Explications et conseils !
Quand vous nagez, vous êtes à l’horizontale et en apesanteur. Vos disques intervertébraux ne sont pas du tout comprimés, tout juste mobilisés en douceur et parfois même desserrés quand vous allez chercher « loin devant » avec vos bras ! C’est idéal quand ces structures amortissantes sont tassées ou victimes d’hernie.
Malheureusement, horizontalité et apesanteur constituent deux paramètres d’hypocrisie fonctionnelle. En clair, s’entraîner dans ces conditions ne prépare pas à notre vie quotidienne et sportive où notre colonne vertébrale est verticale et confrontée au poids du corps, voire à d’autres charges.
De nombreuses études montrent que le renforcement est totalement spécifique ; il découle de la position pendant l’exercice, c’est-à-dire des chaînes musculaires mises à contribution pour mobiliser le corps ou pour fixer les os servant de point d’appui. Le gain de force dépend aussi de l’angle articulaire, de la vitesse du mouvement, notamment s’il s’agit d’une accélération, d’un freinage ou d’un maintien statique.
Au-delà des progrès de chacun des muscles dans leurs conditions précises d’utilisation, il faut ajouter le rôle majeur de la coordination en provenance de notre système nerveux central qui lui aussi doit s’entraîner et apprendre ce schéma moteur précis !
Pour illustrer ces subtilités biomécaniques, sachez que l’amélioration des performances sur presse ne se manifeste presque pas en squat tant les muscles destinés à stabiliser la posture se révèlent des facteurs limitants ! À la lumière de ces données, je vous laisse imaginer le transfert de force entre crawler et porter une valise ! À ce stade de notre exposé, il est opportun d’ajouter que 80 % des nageurs de haut niveau ont parfois mal au dos !
Cette proportion est comparable à celle retrouvée dans la population générale. Ce chiffre s’explique bien sûr par l’excès de pratique et particulièrement par la majoration de cambrure inhérente aux différentes techniques de nage. Il montre néanmoins que cette discipline ne constitue pas la panacée pour prévenir les douleurs du bas du dos.
HORIZONTALITÉ ET APESANTEUR : LES 2 HYPOCRISIES DE LA NATATION !
Autre élément clé de la réflexion, les protocoles de réhabilitation ayant démontré leur efficacité sur la lombalgie n’intègrent jamais de natation. L’étude de référence a été menée par Tom Mayer, il y a plus d’un quart de siècle. Elle est emblématique de la notion de spécificité.
Sous la pression des compagnies d’assurances américaines, le chercheur a pris en charge des manutentionnaires en arrêt de travail depuis plus de 4 mois pour lombalgie. Ils ont bénéficié d’une IRM afin de confirmer l’absence de lésion tissulaire importante, notamment d’hernie discale. À l’issue de ce bilan, ils ont suivi un entraînement progressif. Au programme : de l’endurance, du vélo et de la course à pied. En effet, une journée de travail dure 8 heures et il est indispensable d’avoir une bonne condition physique générale. Rapidement, ils ont enchaîné avec des étirements et du renforcement général sans oublier les abdominaux et surtout les muscles du dos. Les exercices étaient d’abord analytiques sur machine puis ils ont peu à peu gagné en spécificité jusqu’à soulever une caisse mal placée, pivoter et la mettre dans le camion !
Après 3 semaines, 70 % des manutentionnaires avaient repris leur travail au même poste, un résultat inégalé dans la prise en charge des lombalgies et une révolution conceptuelle : l’économie de la colonne n’est plus le traitement de la lombalgie chronique ! Mais l’absence de natation distille un autre message. Cette activité n’est pas utile pour réconcilier le lombalgique avec sa colonne ! En revanche la spécificité croissante se révèle incontournable pour préparer le corps à une contrainte physique. Bref, si vous n’habitez pas une station orbitale où règne l’apesanteur rendant caduque toute notion d’horizontalité ou de verticalité, la natation ne suffira pas !
Les programmes quelque peu « commandos » de Tom Mayer ne sont pas toujours applicables. Ils nécessitent un encadrement garant de la pertinence du protocole. À titre individuel, la natation constitue une bonne stratégie initiatique pour se réconcilier avec sa colonne vertébrale. L’apesanteur et l’horizontalité considérées comme des hypocrisies au paragraphe précédent se métamorphosent en astuces biomécaniques de progressivité pour réveiller une musculature déconditionnée.
L’apesanteur et l’horizontalité s’associent à la mise en tension des muscles dorsaux pour desserrer les vertèbres et décomprimer les disques intervertébraux. La mobilisation de ces derniers contribue également à régénérer leur élasticité. À ce titre, une bonne brasse coulée ondulante se montre plus profitable que le crawl qui garde le rachis en rectitude. La natation se révèle également particulièrement bénéfique si la lombalgie est liée aux adhérences ou à la raideur des fascias. L’ensemble de ces structures fibreuses est considéré comme un organe à part entière qui englobe la totalité de notre corps à la manière d’un grand sac compartimenté. Certaines zones en contrainte mécanique accrue sont plus denses et renforcées.
Le fascia lombaire répond à ces critères. Il est intégré à une grande chaîne continue qui va de la voûte plantaire au crâne. Il est relié au muscle grand dorsal, celui qui donne une carrure en V au nageur de haut niveau. Ainsi, quand vous nagez, vous « allez chercher loin devant », vous contractez vos grands dorsaux et vous étirez fortement votre grand fascia lombaire. Cette action permet de libérer la zone lombaire d’adhérences tissulaires anarchiques, reconnues depuis peu comme source de lombalgie. Lorsque vous faites du dos crawlé, le mouvement des bras derrière la tête assouplit surtout le grand fascia antérieur. C’est également très intéressant car bon nombre de douleurs autour de la colonne sont liées aux tensions permanentes provoquées par une rétraction des tissus fibreux situés à l’avant du corps.
MOBILISATION, ÉTIREMENTS, RENFORCEMENT : LES 3 ATOUTS DE LA NATATION
Au-delà de la mobilisation de la colonne, la natation permet un renforcement des muscles propulseurs mais aussi des chaînes musculaires sollicitées pour horizontaliser et gainer le corps. En clair, quand vous nagez, vos poumons pleins d’air se comportent comme des bouées et font remonter le haut de votre buste alors que vos jambes ont tendance à couler.
Pour remonter votre bassin, vous mettez à contribution vos abdominaux en nageant sur le dos et vos muscles extenseurs de la colonne lorsque vous êtes sur le ventre. Voilà qui rend logique la consigne de nager sur le dos pour renforcer les abdos et soulager la colonne lombaire. Mais ce concept est désormais battu en brèche. Il provenait de l’idée selon laquelle des abdominaux musclés permettaient d’augmenter la pression dans le ventre et ainsi de desserrer les vertèbres.
On sait désormais que cette idée théorique est fausse car pour parvenir à ce résultat les contraintes mécaniques dans la cavité abdominale feraient éclater la rate et le foie ! De surcroît, une autre étude montre que, chez les individus indemnes de douleurs du dos, les muscles du dos sont 30 % plus forts que les abdominaux, alors qu’ils sont d’une puissance équivalente chez le lombalgique ! Alors, arrêtez de vous polariser sur le renforcement des abdos pour soulager votre colonne ! Travaillez plutôt les muscles postérieurs paravertébraux ! À la piscine, nagez un peu sur le dos et beaucoup plus sur le ventre !
Vous l’avez compris, pour ne plus avoir mal dans la vie quotidienne, il faut entraîner votre dos à assumer la pesanteur et la verticalité. Il est alors nécessaire de faire de la musculation, des assouplissements, des sports d’endurance et des disciplines de coordination. Grâce à une telle diversité, vous multipliez les bénéfices et vous divisez les risques. Vous continuez à travailler dans un domaine alors que les tissus sollicités sur une autre thématique récupèrent. Le cocktail proposé à votre corps se révèle au final complémentaire et particulièrement efficace. Dans le cadre de cette variété d’activités, rien n’exclut la natation !
Au contraire, celle-ci conserve les bénéfices discaux, fasciaux et musculaires évoqués dans le paragraphe précédent. Elle permet de poursuivre l’entraînement en douceur alors que le corps se régénère à l’issue de contraintes plus importantes propres à une sollicitation plus spécifique. Les triathlètes symbolisent la pertinence de ce concept. Ils sont moins blessés que les coureurs pour une charge de travail supérieure. En pratique, voyons à quoi pourrait ressembler le programme hebdomadaire d’un sportif souhaitant activement lutter contre sa lombalgie. Deux sports d’endurance sont à privilégier : le footing et le rameur.
Oui ! La course à pied ! Une étude américaine met en évidence que la pression discale moyenne au cours d’un jogging est inférieure à celle enregistrée en position debout. En effet, la foulée n’est pas qu’impaction à la réception, elle est aussi décompression lors de la propulsion. Ce processus est à l’origine d’un véritable massage du disque, qui retrouve ainsi un peu d’élasticité. Si vous êtes lombalgique chronique, vous savez bien que vous souffrez d’une raideur douloureuse au sortir du lit, à l’issue de l’immobilité de la nuit.
Quelque temps plus tard, vous vous sentez mieux : on parle de « dérouillage matinal ». Il ne vous reste plus qu’à considérer le footing comme un « super dérouillage » et vous profiterez des bienfaits de la course sur la lombalgie chronique ! Le rameur sollicite le dos, c’est vrai ! Ça tombe bien, c’est ce que nous voulons compte tenu de l’impérative nécessité d’un travail spécifique ! Les adeptes du caisson ventral en hyperpression ne seront pas déçus à la perception du gainage abdominal lors de la traction. Les partisans de la mobilité apprécieront les mouvements de flexion/extension du buste. Tous s’accorderont sur l’intérêt d’une phase d’apprentissage technique suivie d’une montée en puissance très progressive. La musculation sur appareil à charge guidée est une bonne façon de prendre du muscle et de l’entretenir en toute sécurité.
En effet, le mouvement adapté aux articulations est imposé par les machines désormais bien conçues. Pour peaufiner la coordination et solliciter des chaînes musculaires plus complètes et plus spécifiques, le renforcement fonctionnel à l’aide de sangles de suspension et surtout avec des poulies placées à hauteurs différentes se révèle très intéressant. Enfin, le yoga et le Pilates sont emblématiques d’un travail d’assouplissement, de musculation profonde, de posture et de contrôle du mouvement. Sans parler de la composante émotionnelle si souvent présente en cas de lombalgie chronique. Il ne vous reste plus qu’à ajouter un peu de piscine et vous obtenez un cocktail antidouleur lombaire super-efficace !
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