Au sujet des étirements, c’est bien le domaine où les consignes de pratique ont diamétralement changé depuis une vingtaine d’années. Quelle que soit la discipline sportive, les modalités d’étirement enseignées ont complètement évolué en deux décennies, grâce à des études scientifiques solides sur la performance sportive. La conséquence de cette évolution est que, parfois, les sportifs peuvent se sentir perdus lorsqu’ils sont amenés à les effectuer. Dans le cas particulier du golf, qui s’est tourné vers le monde de la préparation physique et de la récupération un peu plus tard que certaines disciplines, il y a grand intérêt à intégrer de bonnes habitudes prématurément dans le domaine des étirements afin de poser un socle solide sur lequel organiser une récupération et un échauffement cohérent et donc de favoriser une performance optimisée. Faisons donc ensemble le point sur les étirements, et plus précisément dans la pratique du golf…
Par Khélil Baba-Aissa, kinésithérapeute Saint-RaphaËl, équipe de France de golf Messieurs, membre de la Commission Médicale Nationale
Cela peut paraître une question banale, mais qu’est-ce qu’un étirement ? Christophe Geoffroy, kiné de l’équipe de France de football, en donne une définition pertinente :
« C’est une manœuvre visant à mettre en tension les différents tissus (muscles, aponévroses, tendons, peau…) dans le but d’entretenir des amplitudes articulaires, améliorer les glissements tissulaires, atteindre un état de détente, « mettre en route » le corps au quotidien ou encore activer la musculature avant un effort physique ».
Ce qui frappe dans cette définition, c’est le nombre d’effets possibles que semblent offrir les étirements. En effet, c’est une pratique qui permet d’avoir diverses conséquences sur notre organisme. Il faut d’ailleurs en adapter les modalités en fonction de son sport, de ses spécificités personnelles et aussi du moment de la journée où on l’effectue. En somme, il existe plusieurs types d’étirement et chacun d’entre eux montre des caractéristiques et des effets spécifiques sur le corps ou plus précisément, sur l’unité muscle-tendon.
Ces différentes modalités d’étirement sont classifiées selon trois groupes : les étirements passifs (static stretching), les étirements dynamiques et les contracté-relâché (ou tenu-relâché, ou PNF). Comment les différencier ?
Comme leur nom anglais l’indique, une des caractéristiques des étirements passifs est que la position doit être maintenue sans mouvement pendant un certain temps. Autre particularité, la tension exercée sur les tissus (muscles-tendons principalement) doit être « maximale ». Bien entendu, l’intensité de l’étirement sera ajustée afin de rester confortable et de ne pas créer des douleurs insoutenables lors de sa réalisation. Enfin, il n’y a pas de contraction musculaire volontaire associée à la manœuvre d’étirement statique lors de sa réalisation.
> Lire aussi « Stretching: pourquoi et comment bien s’étirer?«
Contrairement aux précédents, ils doivent être effectués en mouvement et nécessitent la contraction de groupes musculaires agonistes et antagonistes (c’est-à-dire des groupes musculaires ayant des rôles opposés. Exemple : au niveau de la cuisse, les quadriceps et ischio-jambiers). La manœuvre en question engendre un mouvement de balancier, alternant ainsi contraction et étirement du muscle et de son antagoniste. Les étirements dynamiques doivent, autant que faire se peut, couvrir des amplitudes articulaires complètes.
Ces étirements additionnent les deux modalités décrites ci-dessus. Ils consistent à placer un muscle en tension, à le contracter en maintenant la position obtenue au préalable, puis une fois la contraction terminée, à augmenter la tension pour gagner un peu plus d’amplitude. Cette méthode est une méthode de choix afin de recouvrer de l’amplitude articulaire.
Pour répondre à cette question, il est important de déterminer à quelles structures les étirements sont destinés. Évidemment, lorsque deux parties du corps humain sont éloignées, tous les tissus sont mis en tension, donc soumis à une force physique de distraction qui va produire un effet physiologique. Mais c’est sur l’unité muscle-tendon que les effets sont les plus étudiés et les plus intéressants.
Une unité muscle-tendon montre l’importance non seulement de la continuité des fibres musculaires et tendineuses qui confère à la structure sa longueur, mais aussi de la contiguïté de ces fibres qui lui confère sa section. C’est une organisation en « poupées russes » ou plutôt en paquet de spaghettis où la myofibrille (microstructure) est l’unité de base et son agglomération en plusieurs paquets va aller jusqu’à donner le muscle (macrostructure). Cette représentation anatomique du muscle est fort intéressante mais ne nous explique pas comment ce dernier se comporte sous la contrainte mécanique de l’étirement. Afin de mieux le comprendre, il nous faut étudier une modélisation créée par Hill et modifiée par Zajac qui décrit la fonction de chaque macrostructure présente.
Il existe, dans le muscle, des composantes contractiles (CC) qui sont à l’origine de la contraction musculaire et des composantes élastiques (CE) qui offrent une résistance élastique à l’étirement. Ces mêmes composantes peuvent être alignées l’une à la suite de l’autre (en série) ou bien disposées l’une à côté de l’autre (en parallèle).
Ce qu’il faut retenir au travers de cette modélisation, c’est que la quasi-totalité des structures qui constituent le muscle offrent une résistance élastique à ce dernier, ce qui explique la faculté du muscle à revenir dans sa position initiale. Notons tout de même que comme tout élastique, le muscle présente un point d’étirement maximal au-delà duquel la structure sera endommagée et présentera des ruptures.
Beaucoup d’études ont été publiées, comportant de nombreux protocoles de recherche différents. L’analyse et la comparaison de toutes ces études est une aubaine car c’est, en science, ce qui confère le niveau de preuve le plus élevé. On peut donc considérer que les données scientifiques concernant les étirements ont des fondements solides.
L’une des dernières revues de littérature en date (Behm et al. 2016) nous donne une analyse des effets des étirements selon leurs modalités. Les auteurs décrivent l’influence des modalités d’étirement sur la performance du muscle.
La description précise est faite dans le tableau suivant mais nous pouvons souligner ces derniers points : les étirements statiques et les contracté-relâché diminuent faiblement (de l’ordre de 1,6 %) les activités de vitesses mais plus fortement les activités de force (de l’ordre de 5,5 %). En revanche, les étirements dynamiques sont une modalité qui augmente les facultés de vitesse et force-vitesse. (voir tableau ci-dessous)
En ce qui concerne les affirmations sur le fait que les étirements diminueraient les courbatures, les études de Herbert (2002) et Thacker (2004) ont largement réfuté cette théorie. En considérant que les courbatures sont des microlésions musculaires, les étirements n’auraient aucun effet positif et montreraient même des effets contradictoires.
Les preuves sur l’utilisation spécifique des étirements dans la discipline du golf sont à considérer avec plus de retenue. Les études scientifiques sur le sujet sont réalisées sur des échantillons de petite taille (faible nombre de sujets) et, de ce fait, le niveau de preuve scientifique est de moins bonne qualité.
En comparaison aux études menées sur les étirements en général, les études spécifiques concernant le golf ont démontré les mêmes résultats. Bien que la rigueur scientifique ne permette pas habituellement de telles extrapolations, on peut donc considérer (jusqu’à preuve du contraire) les études spécifiques dans le domaine du golf comme acceptables et en juger les résultats comme cohérents.
Pour répondre à cette question, tout est affaire de logique ! Il faut raisonner en envisageant le moment de l’étirement et le but recherché.
Voici une proposition de classification effectuée selon 3 objectifs recherchés lors de la mise en pratique : les étirements à visé d’échauffement, les étirements à visée de gain d’amplitude et les étirements à visée de récupération (bien que ces derniers soient inefficaces, nous exposerons pourquoi nous les laissons dans cette classification). (voir tableau ci-dessous)
Il est essentiel de mettre en avant l’importance de la position dans laquelle sera effectué l’étirement. Pour des étirements à visée d’échauffement, une position active sera privilégiée (debout, 4 pattes, position de gainage), alors que pour des étirements à visée de gain d’amplitude, impliquant plutôt un relâchement, les positions allongées sont à privilégier.
Concernant les étirements de récupération, il n’y a aucune preuve allant dans le sens d’une efficacité des étirements. Au contraire, ceux-ci seraient même à l’origine d’une augmentation de la présence de courbatures lorsqu’ils sont utilisés de manière trop intensive. Cependant, chez certains sportifs, l’habitude est tellement ancrée qu’elle fait parfois office de routine, de cérémonial, indispensable à une bonne performance. Dans ce cas précis, proscrire leur utilisation est donc contre-productif. C’est pour cette raison que l’on peut les conserver en les adaptant. Pour une utilisation sans risque, il faut imposer peu de tension sur le muscle et peu de temps de maintien. De cette manière, on peut éviter les effets délétères des étirements dans le cadre de la récupération.
Après avoir défini ci-dessus à quel moment utiliser les étirements, voyons à présent sur quels mouvements spécifiques au golf et sur quels groupes musculaires nous pencher.
De tous les facteurs caractéristiques du swing moderne, l’un des plus étudiés est sans doute le facteur X. Sa définition correspond à la capacité du golfeur à dissocier le haut du corps et le bas du corps afin de créer un angle de torsion entre les deux. Ce nom (facteur X) est donné car il évoque la forme que prend l’axe schématisant la ceinture scapulaire (ligne des épaules) lorsqu’il croise l’axe de la ceinture pelvienne (ligne du bassin) pendant le backswing.
Les études n’ont pas encore montré un consensus concernant le facteur X. Certaines le pensent crucial dans la performance golfique et d’autres le disent secondaire. Ce qui paraît évident, c’est que le facteur X est un composant incontournable du swing moderne et qu’il semble indispensable de le prendre en compte dans son échauffement et son programme d’étirement.
Peut-on augmenter son facteur X en effectuant des étirements ? La littérature scientifique ne confirme que partiellement cette affirmation : il semblerait que la réalisation d’étirement passifs sur le long terme améliorerait le facteur X, la vitesse de club et la précision (Lee, 2015). Cependant comparativement à un échauffement classique, le stretching dynamique en rotation ne serait pas plus efficace sur le court terme quant à l’augmentation du facteur X (Henry, 2015).
Notons que, selon une revue de littérature effectuée en 2018 sur les facteurs de risque prédictifs de la lombalgie chez le golfeur, seules l’augmentation de l’âge et celle de la masse corporelle ont un lien avéré. Le facteur X n’est donc pas considéré comme déclencheur de la lombalgie dans l’état actuel des données scientifiques.
Pour activer l’efficacité de la dissociation des ceintures, en guise d’échauffement ou de réveil musculaire, ces étirements dynamiques peuvent être réalisés :
Bien entendu, il serait réducteur de limiter la clé de la performance et de la santé dans le golf à l’unique faculté de dissocier les ceintures. Le swing est un mouvement tridimensionnel, impliquant tout le corps et différentes qualités de souplesse ou d’explosivité. Ci-dessous (fig. 1,2,3 et 4) une liste non exhaustive d’étirements utiles dans la pratique du golf.
Comme le montre l’étude de Lee et al. en 2015 effectuée sur 20 golfeurs amateurs, un programme d’étirements passifs effectué sur 12 semaines améliore les amplitudes articulaires, mais aussi la distance au drive et la précision.
Voici donc une excellente routine d’étirements passifs pour les membres inférieurs créee par Geoffroy en 2015, facile à mettre en place et complète.
Les études biomécaniques du swing citent la puissance des membres inférieurs comme élément indispensable pour générer une vitesse de club élevée. Avec l’utilisation des étirements dynamiques, nous avons vu que celle-ci peut être potentialisée pendant l’échauffement. Voici une proposition d’étirements actifs à effectuer en échauffement ou réveil musculaire dans le but d’améliorer l’efficacité des membres inférieurs pendant le swing :
plusieurs références bibliographiques mettent en corrélation la prévalence de lombalgie avec une diminution de la rotation médiale (interne) de hanche. Nous pouvons donc décrire ici un étirement qui aura pour but d’améliorer cette composante.
Parmi les facteurs nécessaires à la réalisation d’un swing performant, il faut compter sur la rotation latérale (externe) d’épaule. Cette rotation est essentielle pour emmagasiner une prise d’élan plus importante et générer de la vitesse au niveau de la tête du club. Elle est maximale à la fin du backswing comme le montre la photo ci-après.
Afin de gagner en amplitude, voici un exemple d’étirement en contracté-relâché pour gagner en rotation latérale d’épaule.
L’une des pathologies les plus tristement célèbres liées à la pratique du golf est localisée au niveau du membre supérieur. Le « Golf Elbow » (coude du golfeur) désigne une pathologie des tendons situés à la partie interne du coude. L’un de ses traitements principaux réside dans le fait de gérer les contraintes mécaniques exercées sur cette insertion tendineuse. Pas trop de contrainte, pour éviter de laisser le tendon en souffrance, mais pas trop peu non plus afin d’éviter que le tendon ne se désadapte de la fonction mécanique pour lequel il est conçu. Dans cet objectif de recherche de la juste contrainte appliquée au tendon, l’étirement constitue un outil qui présente plusieurs avantages. Il permettra d’exercer une contrainte de tension instantanée sur le tendon en question lors de sa réalisation et donc de stimuler sa cicatrisation, mais il permettra aussi un relâchement de l’unité musculaire rattachée à ce tendon et donc de limiter sa souffrance.
Il n’existe pas UN étirement mais une multitude de façons de faire. Selon l’objectif recherché, il faudra choisir l’étirement adéquat pour arriver à ses fins. Cet article présente une liste non exhaustive des étirements qui peuvent être utiles à la pratique du golf. Tous les décrire serait impossible tant les variantes de position, de modalité et de course musculaire sont infinies. Comme toute pratique, celle des étirements s’améliore au fur et à mesure qu’on la réalise (amélioration des positions, perfectionnement des sensations d’efficacité…).
Commencez donc par mettre en place des petites sessions d’étirements dynamiques lors de vos échauffements ou bien reprenez à votre compte la routine d’étirements décrite ci-dessus et qui ne prend que 8 à 12 minutes à distance de votre entraînement : votre jeu en sera sensiblement amélioré !
Si des interrogations surviennent, rapprochez-vous de votre pro de club, votre kiné ou votre coach physique qui saura sûrement vous renseigner ou vous aiguiller. N’oubliez pas non plus que, même si la pratique des étirements est bénéfique, elle peut se montrer délétère si elle est réalisée de manière trop brutale ou trop intense.. L’ne des règles pour éviter les effets indésirables est celle de la non-douleur : un étirement, ça tire, mais ça ne fait pas mal !
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