Le syndrome de la savonnette: une douleur de cheville chez le coureur

Le syndrome de la savonnette
Avez-vous le syndrome de la savonnette?

La cheville est une articulation à étages. Le niveau supérieur est appelé « tibio-talienne ». Elle correspond à l’emboîtement de l’os cubique, appelé « talus », situé entre le tibia et le péroné désormais nommé « fibula ». Il s’agit d’une pince qui n’assure que la flexion et l’extension. En dessous, on trouve la sous-talienne… qui est sous le talus… en contact avec le calcanéum, l’os du talon. Cette fois, les mobilités sont tridimensionnelles.

LA SOUS-TALIENNE ROULE, TANGUE ET VIRE POUR ASSURER LE DÉROULÉ DU PIED

Les anatomistes disent que le calcanéum roule, tangue et vire sous le talus comme un bateau qui absorbe les vagues. Cette articulation est conçue pour amortir les irrégularités… de sapiens qui marchait pieds nus dans la savane ! La donne est désormais différente…

Avez-vous un syndrome de la savonnette ? 

Cette blessure correspond à la glissade vers l’intérieur du talus sur la pente du calcanéum. Ce mouvement excessif provoque des frottements et une irritation du cartilage, ce revêtement articulaire fragile. Il engendre également un tiraillement du gros ligament en haie, le tissu fibreux qui relie les deux os. Ce phénomène se produit souvent chez le débutant qui manque de tonicité… notamment quand la fatigue est précoce. Il réceptionne bruyamment sur le talon puis déroule sa foulée en s’effondrant vers l’intérieur du pied. On parle de « pronation excessive ».

DÉBUTANT, PRONATION, CHAUSSURES AXE COURBE

Ce phénomène est favorisé par des pieds plats mais aussi par des chaussures inadaptées. Ces dernières possèdent un axe courbe, c’est-à-dire un creux en regard de votre voûte plantaire qui laisse basculer votre pied. Certains modèles qualifiés d’« antiblessures » font le pari d’un amorti dont la mollesse n’assure plus aucun maintien latéral. En cas de syndrome de la savonnette, vous avez plutôt mal en arrière de la cheville, sous les bosses osseuses du tibia et du péroné nommées « malléoles ».

DOULEUR SOUS LES MALLÉOLES

Vous avez été soigné pour une souffrance de cheville, plus exactement de tibio-talienne, vous avez bénéficié de kiné, voire d’une infiltration. On vous a parlé de tendinite d’Achille à son point d’insertion à moins qu’on ait évoqué un surmenage du tendon tibial postérieur qui soutient la voûte plantaire et passe à côté. Toutes ces pistes se sont révélées sans grande efficacité ! À l’examen fonctionnel, à l’appui sur une seule jambe, votre pied s’écrase et votre genou bascule vers l’intérieur. C’est sûr, vous êtes pronateur ! À la palpation, votre médecin du sport provoque votre douleur quand il appuie précisément sur l’interligne de la sous-talienne.

L’IRM comme examen de référence !

Souvent, on ne trouve que ce qu’on cherche ! Cette articula­tion n’est pas toujours analysée systématiquement et sa souffrance tissulaire n’est pas toujours mentionnée. Mais votre médecin du sport, orienté par son examen clinique exhaustif, risque bien d’y voir des lésions caractéristiques. La surface articulaire apparaît souvent irritée et teintée d’œdème. Le ligament en haie, avec ses fibres verticales orientées comme des genêts, est parfois taché de blanc et inflammatoire. Dans certains cas, cette structure souple est remplacée par un pont rigide d’os ou de cartilage. Cette anomalie constitutionnelle se nomme « synostose » ou « synchondrose ». Les conséquences sont doubles.

INFLAMMATION DU LIGAMENT, IRRITATION DU CARTILAGE OU PONT RIGIDE

Premièrement, elle se tord insidieusement quand vous courez et devient douloureuse. Deuxièmement, le déficit de mobilité se compense dans la tibio-talienne supérieure qui n’est pas conçue pour l’assumer… et vous souffrez aussi au-dessus !

Premier traitement : sécurité passive !

Pour vous soulager, il est impératif de réduire le glissement du talus sur le calcanéum. Une chaussure à axe droit, avec une semelle pleine en regard de la voûte plantaire est indispensable. Une semelle orthopédique avec soutien de voûte s’effondrerait à la verticale d’une chaussure courbe. En revanche, l’intervention d’un podologue peut se révéler nécessaire en cas de pronation majeure. Il faudrait alors associer chaussures antipronation et semelles antipronation ! c’est loin d’être une hérésie !

CHAUSSURES AXE DROIT PLUS OU MOINS SEMELLES CORRECTRICES, PARFOIS INFILTRATION

Si cette stratégie biomécanique ne suffit pas… ou si l’irritation et la douleur sont trop importantes, un traitement biologique est envisageable. Une infiltration experte sous radiographie calme l’inflammation et permet de rependre la course dans de meilleures conditions… voire d’enclencher le cercle vertueux en améliorant la foulée !

Deuxième traitement : sécurité active !

Vous l’avez compris, le glissement de la sous-talienne est provoqué par un effondrement de vos appuis ! Vous devez aussi gagner en tonicité et ne plus réceptionner sur les talons ! La foulée médio-pied est vivement recommandée. En quelques mots ! Vous posez le pied à plat à la verticale du buste. Vous compensez la réduction de l’amplitude par une augmentation de la fréquence de votre geste. Comme disent les entraîneurs d’athlétisme, il faut faire rebondir votre appui en ayant l’impression que le sol brûle.

FOULÉE MÉDIO-PIED MOINS AMPLE ET PLUS TONIQUE !

Vos muscles tendus assureront une bien meilleure verticalisation de votre arrière-pied. Calcanéum et talus resteront plus alignés.  Et, au cours des mois qui suivent, rien ne vous empêche de vous initier très progressivement à la foulée avant-pied. Cette fois, le talon ne prendra plus aucun appui au sol… votre sous-talienne sera tranquille ! Elle fonctionnera comme chez sapiens, elle se consacrera au déroulé du pied… à l’occasion de la marche ! 

Triathlète adepte du cardiotraining et de la musculation - Médecin du sport - traumatologue du sport - nutritionniste du sport - diplômé en entraînement du sportif - Rédacteur en chef