Le sport de haut niveau est-il bon pour le cœur ?

Le sport de haut niveau est-il bon pour le cœur
Le sport de haut niveau est-il bon pour le cœur ?

L’activité physique a démontré ses effets bénéfiques pour le cœur. Mais qu’en est-il de l’exercice intensif et prolongé ? Les anciens athlètes olympiques profitent-ils d’une meilleure santé cardio-vasculaire ?

Par le docteur Stéphane CASCUA, médecin du sport, rédacteur en chef de doc du sport

Les recommandations des cardiologues du sport sont bien connues. Ils vous proposent de bouger 3 fois par semaine pendant 30 minutes à 1 h à intensité moyenne telle que vous puissiez « parler mais pas chanter ». Il s’agit là d’un com­promis sociologique mais en réalité, on constate que les bienfaits continuent à croître jusqu’à 7 heures hebdomadaires. Au-delà, les risques de crise cardiaque et d’accident vasculaire cérébral semblent augmenter quelque peu…

Un surmenage pendant !

Chaque année en France, il se produit 1500 morts subites de sportifs qui se pensaient en forme ! Bien évidemment, dans la grande majorité des cas, ils présentaient des symptômes précurseurs et des anomalies latentes qui auraient été décelés par un bilan médical rigoureux ! Cependant, les études montrent que le risque s’accroît dès que l’intensité de l’effort dépasse 80 % des aptitudes cardiaques, ce qui correspond souvent au seuil de l’essoufflement.

EFFORT LONG ET INTENSE :
AUGMENTATION DU RISQUE D’ACCIDENT CARDIAQUE

On constate également une recrudescence des accidents cardio-vasculaires quand l’effort se prolonge et que surviennent hyperthermie, déshydratation et déséquilibre minéral. À l’issue des marathons et ultra-distances, la recherche met en évidence des signes de fatigue du cœur avec perte de la vigueur de contraction visible à l’échographie. On note également le passage dans le sang de protéines spécifiques du muscle cardiaque…  comme on le voit dans les infarctus ! Il s’agit notamment de la troponine C, qui fait partie des fibres musculaires du cœur.

EFFORT LONG ET INTENSE : TRACES DE MICRORUPTURES DU MUSCLE CARDIAQUE

Les microdéchirures et l’inflammation expliquent ce phénomène à l’issue de gros efforts, à l’image des courbatures dans les muscles périphériques. On est loin de la nécrose rencontrée dans la crise cardiaque.  On s’interroge également sur l’intérêt du processus dans l’effet d’entraînement à la manière du fameux rythme « décompensation puis surcompensation et progression ». À l’inverse, on se questionne aussi sur les conséquences délétères de telles agressions répétées sur la santé du cœur… La réponse passe probablement par l’ajustement de la charge de travail et le réglage du curseur mais la science n’a pas encore répondu formellement à cette interrogation…

Des lésions chroniques parfois…

La sollicitation intensive et prolongée du système cardio-vasculaire pendant des années a des effets sur le tissu cardiaque. Les anomalies de contraction en provenance de l’oreillette droite constituent la pathologie induite la plus reconnue. Cette petite poche fait partie des quatre cavités du cœur. Elle est fine et peu musclée. Elle se dilate quand elle réceptionne le gros volume de sang provenant de tout le corps en action. Sa mission consiste à le faire passer vers le ventricule droit qui va le propulser puissamment vers les poumons. Elle est aussi équipée d’un petit noyau qui impulse le rythme cardiaque. Chez l’athlète pratiquant à haute intensité depuis des années, ce petit sac finit par se distendre.

LA MISE EN TENSION RÉPÉTÉE DU CŒUR PROVOQUE PARFOIS DES BATTEMENTS CARDIAQUES IRRÉGULIERS

Les cellules électriques s’éparpillent dans l’enveloppe. Peu à peu, elles finissent par perdre leur synchronisation et battent à leur propre rythme. L’oreillette se met à vibrer au lieu de se contracter. Elle envoie des ordres de contraction anarchiques et rapides aux deux gros pistons que sont les ventricules. On parle d’« arythmie complète par fibrillation ventriculaire » ou « AC par FA »… Voilà qui n’est pas très agréable, provoque une sérieuse augmentation de la fréquence cardiaque au repos, empêche de mener à bien le moindre effort… et justifie un traitement ! À noter néanmoins que cette accélération est mieux tolérée par le cœur du sportif entraîné que par celui du sédentaire. Dans une moindre mesure, ces distensions violentes et répétées malmènent aussi les ventricules. Exceptionnellement, il se produit de petits claquages musculaires qui cicatrisent sous forme de nodules fibreux. Il arrive alors que la propagation de l’ordre électrique rebondisse et tournoie autour du noyau rigide puis diffuse des ordres de contractions irrégulières. Ce phénomène déclenche des battements anormaux appelés « extrasystoles ventriculaires ». Ces dernières peuvent s’enchaîner et provoquer des malaises graves. Dans ce cas, les cardiologues pensent qu’il existe une maladie du cœur sous-jacente ; le sport intensif n’étant qu’un mode de décompensation.

LE SPORT INTENSIF POURRAIT AGRESSER LES ARTÈRES DU CŒUR

Désormais, pour évaluer la santé des vaisseaux du cœur, il est possible de réaliser un scanner des coronaires. Ces dernières sont les artères qui entourent en couronne le muscle cardiaque. Cet examen permet de compter les dépôts de calcaire présents dans les parois. Plus ce nombre est élevé, plus les artères sont abîmées et rigides et plus le risque de crise cardiaque augmente. Étonnamment, on constate que les anciens sportifs de haut niveau présentent des « scores calciques » 20 à 30 % supérieurs à ceux des pratiquants de loisir. Dans l’état actuel des connaissances, ce phénomène ne semble pas corrélé à un accroissement de la probabilité d’infarctus. Cependant, il est opportun de se poser la question quant à l’agression mécanique des artères du cœur par des régimes de pression chroniquement très élevés.

Des études épidémiologiques rassurantes

Heureusement, la réalité de terrain se révèle plus optimiste. Les enquêtes menées sur les sportifs de haut niveau du milieu du siècle dernier montrent que, statistiquement, ils vivent environ quatre à six ans de plus que les sédentaires. Cependant, ce constat global fait l’impasse sur de nombreuses données : premièrement, la génétique hors norme de ces individus pouvant influer sur les performances et le pronostic vital ; deuxièmement, des méthodes d’entraînement différentes et l’absence de compétition d’ultra-distance ! Troisièmement, la poursuite ou non de l’activité physique et de l’hygiène de vie. Quoi qu’il en soit, pour chacun d’entre nous, il est essentiel de rappeler plusieurs notions. Le sport intensif n’est pas indispensable pour profiter des bienfaits santé de l’activité physique. Le sport intensif ne compense pas les effets délétères du tabac et d’une mauvaise hygiène de vie. Le sport intensif ne se capitalise pas et ses bénéfices santé disparaissent en un à deux ans ! 

Triathlète adepte du cardiotraining et de la musculation - Médecin du sport - traumatologue du sport - nutritionniste du sport - diplômé en entraînement du sportif - Rédacteur en chef