La commotion cérébrale au ski: une amnésie à ne pas oublier !

La commotion cérébrale au ski une amnésie à ne pas oublier !
La commotion cérébrale au ski une amnésie à ne pas oublier !

En dévalant une piste de ski, vous chutez ! Votre tête heurte la neige. Le traumatisme ne semble pas violent et vous ne perdez pas connaissance. Vous êtes juste « sonné ». Vous pensez pouvoir continuer ! Erreur !

Les commotions cérébrales représentent 3 à 10 % des blessures du skieur. Dans ce traumatisme, ce n’est pas le choc direct sur la tête qui est agressif ! Non, c’est le cerveau qui, lancé à pleine vitesse, vient percuter l’intérieur de l’os du crâne, comme un passager sans ceinture en voiture. Ainsi, un impact apparemment amorti par la neige peut se révéler très sérieux. Pour les mêmes raisons, des entorses cervicales peuvent s’associer à des commotions cérébrales. De la même manière, vous comprenez que le casque ne protège pas bien de cette lésion alors qu’il garde une réelle efficacité en cas de traumatismes crâniens graves avec hémorragies cérébrales, potentiellement mortels.

Histoire et petites histoires de la commotion cérébrale

Sans le savoir, le grand public fait connaissance avec la commotion cérébrale du sportif en 1991. Cette année-là, lors d’une rencontre OM contre MILAN AC, le footballeur Chris WADDLE est victime d’un méchant coup de coude sur la tête. Il ne s’évanouit pas mais il fini la compétition complètement dans le brouillard. Comme un « automate », presque par hasard, il marque le but de la victoire ! De retour dans le vestiaire, il vomit et somnole. Il doit être hospitalisé et ne se souviendra jamais de son match !

EN 1991, CHRIS WADDLE MARQUE LE BUT DE LA VICTOIRE APRÈS SA COMMOTION MAIS
IL NE S’EN SOUVIENDRA JAMAIS…

En 1996, le plus grand boxeur de tous les temps, Mohamed Ali, expose sa maladie de Parkinson aux yeux du monde entier. En tremblant de tout son corps, il allume péniblement la flamme des Jeux olympiques d’Atlanta. Par ce geste symbolique et laborieux, il montre aussi à toute la planète les dangers de la boxe. Au-delà des risques inhérents à sa discipline, certains historiens du sport évoquent des séances de préparation physique atypiques ! Le champion demandait parfois à ses sparring-partners de le frapper violemment, tout en promettant de ne pas riposter ! À l’occasion de ces sessions spécifiques, il apprenait à encaisser ! Un véritable entraînement à la commotion cérébrale… 

EN 1996, MOHAMED ALI EXPOSE SA MALADIE DE PARKINSON AUX YEUX DU MONDE ENTIER 

En 2002, le médecin nigérian Bennet OMALU révolutionne la neurologie. Il met en évidence des lésions cérébrales microscopiques à l’occasion des autopsies réalisées sur d’anciens joueurs de football américain décédés violemment. Ces ex-sportifs professionnels sont morts précocement, quelques années seulement après la fin de leur carrière, alors qu’ils étaient victimes d’effroyables troubles neurologiques et psychiatriques. À l’époque, il doit affronter le mutisme et les lobbies fédéraux qui souhaitent étouffer les dangers d’un sport adulé outre-Atlantique. Malgré les enjeux financiers, il parvient à faire instaurer des stratégies préventives et thérapeutiques.   Cette épopée médicale est relatée dans un beau film sorti en 2016. Son titre en France : Seul contre tous et aux États-Unis : Concussion, tout simplement !

EN 2002, LE DOCTEUR OMALU DÉCOUVRE LES LÉSIONS CÉRÉBRALES PROVOQUÉES PAR LES COMMOTIONS SPORTIVES

« Le Bennet OMALU français » s’appelle Jean-François CHERMANN. Ce neurologue du sport se fait connaître en 2005. À cette date, Christophe DOMINICI, le célèbre rugbyman, joue contre l’Italie dans le Tournoi des Six Nations. À la 37e minute, il est cravaté par un adversaire et sa tête bascule violemment : commotion cérébrale et perte de connaissance. Dans l’Hexagone, le diagnostic de commotion cérébrale est encore mal connu. Le plus souvent, les staffs techniques négligent encore les symptômes et les sportifs continuent à s’entraîner. Mais cette fois, le docteur CHERMANN assure le suivi neurologique du joueur. Malgré la pression, il annonce en conférence de presse l’inaptitude de DOMINICI à jouer le prochain match avec le Stade Français en coupe d’Europe prévu deux semaines plus tard.

EN 2005, LE DOCTEUR CHERMANN CONTRE-INDIQUE à CHRISTOPHE DOMINICI UN MATCH DE COUPE D’EUROPE POUR CAUSE DE COMMOTION

Dans les années qui suivent, le neurologue s’efforce de faire connaître cette lésion auprès des médecins français et des supporters. Il publie l’ouvrage : KO, le dossier qui dérange.   Quelque peu polémique, le livre regorge surtout d’informations médicales et historiques passionnantes. Plus près de nous, plus proche des pistes enneigées, Perrine LAFFONT, championne olympique en ski de bosses, est victime d’une commotion cérébrale le 17 décembre 2021.

EN 2021, LA SKIEUSE PERRINE LAFFONT,
CHAMPIONNE OLYMPIQUE, EST INAPTE à LA COMPéTITION POUR CAUSE DE COMMOTION

Alors qu’elle pense pouvoir enchaîner avec sa saison, le staff médical désormais bien informé lui impose le repos nécessaire à la récupération de son système nerveux central ! Elle peut préparer les Jeux olympique 2022 avec un cerveau performant ! Plus que sa coordination hors norme et sa technique de haut niveau, elle préserve sa cognition et la gestion de ses émotions ! Elle s’affranchit même d’un surrisque de maladie neurodégénérative !

Il faut reconnaître la commotion !

Les commotions sont fréquentes à ski lors de chutes ou à l’occasion de percussions ! Si un de vos proches subit une commotion sur les pistes, il doit impérativement arrêter de skier ! En général, le blessé reçoit un choc sur le crâne. Ce peut être aussi un traumatisme cervical, responsable d’une violente oscillation de la tête. Vous le savez, dans ces circonstances, le cerveau est emporté par l’inertie et vient taper l’intérieur de la boîte crânienne.  Dans 10 % de ces accidents, la victime perd connaissance mais dans l’immense majorité des cas, elle garde une conscience partielle. En revanche, elle est « sonnée » ! Elle titube et son équilibre est précaire. Abordez-la et demandez-lui : « Dans quelle station sommes-nous ? Quel est le nom de ton hôtel ? Comment s’appelle les copains qui t’accompagnent ? ».

SYMPTÔMES DE LA COMMOTION : PERTE DE CONNAISSANCE FACULTATIVE, HÉBÈTEMENT, ÉTOURDISSEMENT, MANQUE D’ÉQUILIBRE, AMNÉSIE PÉRITRAUMATIQUE, CONFUSION, DÉSORIENTATION, MAL DE TÊTE, NAUSÉE, FATIGUE, VISION FLOUE, SENSIBILITÉ à LA LUMIÈRE ET AU BRUIT

Le blessé ne parvient pas à répondre ! Il présente une « amnésie pré-traumatique ». Souvent, c’est lui qui pose ces questions… toutes les 3 minutes… car il est incapable de mémoriser les réponses : il souffre aussi d’« amnésie post-traumatique ». En pratique, les symptômes de la commotion sont nombreux. Il n’est pas nécessaire qu’ils soient tous présents pour faire le diagnostic. La perte de connaissance est en particulier facultative. On note plus fréquemment hébètement, étourdissement, manque d’équilibre, amnésie péri-traumatique, confusion, désorientation, mal de tête, nausée, fatigue, vision floue et sensibilité à la lumière ou au bruit.

COMPORTEMENT TECHNIQUE AUTOMATIQUE FAUSSEMENT RASSURANT

Si vous n’y prenez pas garde, son comportement est trompeur : il a gardé ses réflexes de skieur. Les gestes automatiques sont normalement programmés, on dit qu’il a conservé sa « mémoire procédurale » dont les réseaux de connexions semblent protégés au centre du cerveau. À y regarder de plus près, sa personnalité semble modifiée. De temps à autre, il est agressif et ordurier ! Parfois, il est étonnamment triste et fond en larmes ! Surtout, ses réactions techniques manquent de pertinence ! Logique, il n’enclenche que des comportements rabâchés sans les adapter aux informations recueillies sur le terrain… puisqu’il les a déjà oubliées !

ARRÊT DU SKI @A CAUSE DU SURRISQUE DE BLESSURE ARTICULAIRE ET CÉRÉBRALE

Si WADDLE a marqué de façon réflexe, nombreux sont les joueurs commotionnés qui rejoignent le banc de touche… car selon l’entraîneur, aujourd’hui, ils sont mauvais et manquent de lucidité ! De façon comparable, le skieur pourrait terminer sa descente comme un automate mais sans pouvoir s’adapter à un imprévu : une plaque de glace ou un skieur sur sa trajectoire ! Le suraccident rôde en embuscade et la descente en barquette s’impose ! Au-delà de l’entorse de genou, le « syndrome du second impact cérébral » gravissime menace ! Nous en reparlerons !

Que s’est-il passé dans le cerveau ?

En imagerie médicale : rien à signaler ! On est loin de l’hématome tant redouté après perte de connaissance, celui qui écrase le cerveau et provoque un handicap définitif ou le décès de la victime. Vous le savez, ce drame correspond aux lésions du pilote de Formule 1, Michael SCHUMACHER, resté dans le coma depuis son traumatisme à ski le 29 décembre 2013. En cas de commotion, même à l’IRM conventionnelle, on ne décèle rien ! Voilà pourquoi, avant Bennet OMALU et ses coupes de cerveaux microscopiques, les sportifs, les dirigeants et même les médecins du sport négligeaient les symptômes.

RIEN SUR L’IRM, SEULES LES AUTOPSIES TARDIVES MONTRENT DES LÉSIONS

Plus qu’une lésion du tissu nerveux, la commotion est une altération de son fonctionnement. À l’issue du traumatisme, la transmission des informations entre les neurones est déréglée par la perturbation de la sécrétion des messagers chimiques. Des substances inflammatoires sont déversées et le cerveau gonfle légèrement. La pression dans la boîte crânienne augmente un peu, voilà qui suffit pour provoquer maux de tête, nausées et somnolence.

LE CERVEAU EST INFLAMMATOIRE ET FONCTIONNE MOINS BIEN

Les « IRM fonctionnelles » utilisées exclusivement en recherche montrent que, pour résoudre un problème, le cerveau utilise beaucoup plus les zones « automatiques » que les secteurs de « réflexion ». Les enregistrements de l’activité électrique de l’encéphale indiquent la diminution de certains types de courants qui réapparaissent quand les symptômes s’estompent. Pour l’anecdote, dans de nombreux clubs professionnels, des tests neurologiques sont effectué dès le début de saison. En football, les médecins d’équipe insistent sur les gardiens plus souvent victimes de choc à la tête contre des joueurs, des poteaux de but… ou même avec des ballons fusant à pleine puissance !

À HAUT NIVEAU : BILAN NEUROLOGIQUE INITIAL POUR CRITÈRES DE REPRISE PERSONNALISÉS

En effet, il est impératif de connaître les résultats de chacun de ces surdoués car au cours du suivi d’un traumatisme crânien, ils peuvent rapidement retrouver des performances normales… mais bien inférieures à leur niveau ! Voilà qui laisserait penser à une récupération complète alors que leur cerveau est encore en souffrance ! Ils restent inaptes et risquent un « syndrome du second impact »… d’autant plus qu’ils n’ont pas renoué avec leur virtuosité technique ! Avec la multiplication des commotions et dans les années qui suivent, les neurones malmenés finissent par mourir, de petites cicatrices fibreuses en regard des zones enflammées viennent écraser les réseaux de transmission. Voilà qui ressemble étrangement aux maladies neurodégénératives accompagnées de leurs conséquences classiques et épouvantables : troubles de la motricité, altérations cognitives et souffrances émotionnelles. 

Quels sont les risques ?

Le jour du traumatisme et tant que les symptômes n’ont pas disparu, il faut redouter le « syndrome du second impact ». Pour cause d’altération de la psychomotricité, ce deuxième choc a de grandes chances de survenir si l’activité sportive n’est pas suspendue ! Il se révèle plus grave, il provoque une flambée des processus inflammatoires et un gonflement majeur du cerveau. Chez le jeune de moins de 20 ans, il engendre parfois une compression de la base du cerveau.

SYNDROME DU SECOND IMPACT : UNE NOUVELLE COMMOTION AVANT RÉCUPÉRATION
DE LA PREMIÈRE. DANGER DE MORT !

Cette zone supervise les fonctions vitales comme la respiration et les battements cardiaques. De fait, comme un hématome, ce gros œdème est parfois responsable du décès du blessé ! Plus tard, l’accumulation des chocs peut engendrer des « démences ». Vous l’avez compris, il s’agit d’un mélange d’Alzheimer et de Parkinson. La victime la plus célèbre est Mohamed Ali mais on trouve un grand nombre de malades parmi les boxeurs, les hockeyeurs et les footballeurs américains. Tout se passe comme si la répétition des inflammations enclenchait un processus dégénératif. Des amas de protéines s’accumulent et écrasent les filaments rejoignant les neurones.

COMMOTIONS MULTIPLES : DÉMENCES PRÉCOCES

Les symptômes apparaissent souvent précocement, à partir de 45 ans. Ce sont des troubles de la mémoire, de l’humeur et du comportement. Beaucoup de faits divers relatent l’érosion de la vie professionnelle, sociale et familiale d’anciens sportifs blessés devenus agressifs et violents. Parfois, anxiété, dépression et délire mènent au suicide. Le film Concussion illustre fort bien ce dénouement tragique ! De la même manière, le doute subsistera autour de Christophe DOMINICI, mort violemment après une chute de 10 mètres ! Bien sûr, en 2007, il s’était confié sur sa dépression dans son ouvrage Bleu à l’âme. Il avait évoqué dans ce livre les nombreuses blessures émotionnelles de son parcours de vie ! Mais on ne peut pas exclure une composante tissulaire post-commotion dans cette souffrance cérébrale.  

Comment soigner ? Quand reprendre le sport ?

Après une commotion, le repos sportif et intellectuel est obligatoire ! Le skieur doit être redescendu en station par les secouristes et un suivi médical s’impose. Classiquement, la reprise de l’entraînement se fait par étapes, chacune d’elles durant au moins 24 heures. Dès que les symptômes ont disparu dans la vie quotidienne, on essaye le vélo de salle en aisance respiratoire, puis le footing, suivi d’un travail technique léger sans contact ; enfin reprise de l’entraînement collectif. Si une gêne réapparaît à l’un des stades, il faut retourner au précédent. Généralement, cette évaluation se fait en l’absence de médicaments. En pratique, aux sports d’hiver, après un tel évènement, la semaine de glisse… et surtout le week-end de ski s’arrêtent ! Jusqu’au retour, c’est relax sur la terrasse ensoleillée et sieste dans le canapé au coin du feu. 

REPOS PHYSIQUE ET INTELLECTUEL REPRISE PROGRESSIVE, SANS SYMPTÔME, À CHAQUE ÉTAPE

Parfois, le neurologue prescrit des anti-inflammatoires efficaces sur les maux de tête et l’irritation du cerveau. Les antidouleurs traditionnels et les somnifères sont déconseillés. En cas de commotion sévère, cette évolution naturelle dure environ 3 semaines. C’est le temps que vous consacrez à la guérison d’une entorse de cheville. C’est finalement assez peu pour garder un cerveau en bon état !

IL FAUT CONSULTER UN MÉDECIN !

En cas de traumatisme crânien avec perte de connaissance sur les pistes, appelez les secours !
Un rapide retour dans la vallée est indispensable. Un héliportage n’est pas exclu si la conscience peine à revenir. Si, après son réveil, la victime vomit ou somnole, c’est peut-être un hématome intracrânien
qui grossit ! Il peut écraser le cerveau ! Le blessé doit se rendre aux urgences pour bénéficier d’un bilan hospitalier ! En cas de commotion sans perte de connaissance, le skieur doit redescendre en barquette. Vous l’avez compris, l’altération de sa coordination fait craindre un suraccident locomoteur, voire un « syndrome du second impact ». Faites voir le traumatisé par un médecin de station ou par un neurologue. Si les maux de tête, les nausées, la fatigue, les troubles de concentration, de l’humeur ou de la coordination s’apaisent en moins d’une semaine, il s’agit d’une commotion légère.

Si les souvenirs ne se fixent toujours pas après 24 heures, si les symptômes s’intensifient à chaque tentative d’activité physique légère, s’ils persistent plus de 7 jours, on est face à une commotion sévère ;
le patient doit alors impérativement être suivi par un neurologue sensibilisé à la commotion cérébrale
du sportif.

Triathlète adepte du cardiotraining et de la musculation - Médecin du sport - traumatologue du sport - nutritionniste du sport - diplômé en entraînement du sportif - Rédacteur en chef