En passant un long moment les mains posées sur le guidon, il arrive que vous ressentiez des fourmillements désagréables dans les poignets et les doigts. C’est sûrement un syndrome du canal carpien, un nerf comprimé contre le cintre ! Doc du Sport vous donne des conseils pour renouer avec le plaisir des belles balades estivales !
En regard de la paume passe le « nerf médian ». Il est appelé ainsi car il se situe au milieu du poignet. Il chemine dans un tunnel appelé « canal carpien ». D’un côté, en profondeur, on retrouve les petits os du poignet qui forment une gouttière. Sur l’autre versant, en superficie, il existe une grosse cordelette fibreuse nommée « ligament annulaire ». Cette structure agit comme la corde d’un arc qui met en tension le puzzle des osselets de la main, assurant ainsi l’agencement concave du « canal carpien ».
Au-delà du pli du poignet, le nerf médian se ramifie en petites branches qui vont donner la sensibilité du pouce, de l’index et du majeur. Il donne aussi des ordres aux muscles de la main, notamment ceux qui sont placés à la base du pouce et permettent la mobilité de ce dernier. Quand vous saisissez le guidon, vous écrasez toujours un peu ce nerf en regard de la base de la main. Les choses s’aggravent avec les cahots de la route ou des chemins. De surcroît, les vibrations sont moins filtrées avec un cadre ou un guidon rigide, typiquement en carbone. Enfin, à la compression s’ajoute un étirement du nerf quand vous cassez votre poignet en hyperextension. Ajoutons que la pratique du cyclisme peut faire décompenser un canal carpien favorisé par une maladie des nerfs, un œdème ou une fibrose locale. Nous y reviendrons.
Votre histoire de fourmis dans les mains, « paresthésie » en langage médical, à vélo est déjà très évocatrice. Le plus souvent, elles surviennent après plusieurs dizaines de minutes passées à pédaler. Depuis quelque temps, elles se déclenchent de plus en plus précocement et vous gâchent de plus en plus le plaisir.
Spontanément, vous avez perçu que, en lâchant le cintre et en secouant vos mains, les symptômes disparaissent ou diminuent. Malheureusement, le soulagement n’est que provisoire et il faut renouveler l’opération régulièrement au fil des kilomètres. Il ne s’agit pas que d’un inconfort. Si la sortie se prolonge, vous avez du mal à changer de vitesse, voire à freiner ! Il faut trouver une solution, il en va aussi de votre sécurité !
Habituellement, la gêne disparaît rapidement à l’arrêt de l’effort. Mais lorsque les tissus souffrent depuis longtemps, il vous arrive d’avoir mal la nuit. Là encore vous avez besoin de vous secouer les mains avant de retrouver le sommeil. Lorsque votre médecin vous examine, il appuie ou tapote à la base du poignet, à l’endroit où le nerf est irrité. Classiquement, il reproduit ainsi les paresthésies que vous ressentez à vélo. On parle de « signe de Tinel ».
Les mêmes symptômes surviennent lorsque vous restez longtemps en extension forcée de poignet, en mimant la position des mains au cours d’une prière. Si le nerf est étiré dans cette posture, il est au contraire coudé dans l’attitude inverse, mains dos à dos en hyperflexion. Là encore, il manifeste sa douleur. C’est le « signe de Phalen ».
Votre médecin du sport examine aussi votre cou. En effet, il arrive que la racine nerveuse soit aussi irritée, plus haut, en sortant de la moelle épinière, au niveau du cou pour cause de hernie ou d’arthrose cervicale. Cette lésion porte le nom de « névralgie cervico-brachiale » ou NCB. La douleur est alors amplifiée du fait des deux points de contrainte, ce phénomène porte le nom de « syndrome de sommation ».
Chez le cycliste, l’association avec un syndrome du canal carpien et d’une NCB est assez fréquente du fait de la posture prolongée en hyperextension du cou qui peut coincer le nerf. En cas de doute ou avant toute opération, il est possible de réaliser un électromyogramme. Ce test électrique évalue la conduction du nerf. Il confirme notamment l’endroit de compression mécanique. Il indique aussi s’il existe une souffrance biologique surajoutée.
Dans ce contexte, une prise de sang est souvent prescrite à la recherche d’un diabète ou d’une hypothyroïdie. En effet, dans le premier cas, l’accumulation de sucre abîme la gaine des nerfs et dans le second, le discret œdème articulaire favorise la compression du nerf. Ce dernier processus survient également en cas de grossesse ou de ménopause.
Enfin, l’examen du médecin et les bilans complémentaires recherchent les lésions donnant des symptômes voisins. On parle de « diagnostics différentiels ». Il peut s’agir d’une arthrose du poignet, d’une fibrose importante de la paume appelée maladie de « Dupuytren ». Il est également nécessaire d’exclure une névralgie cervico-brachiale isolée. Dans cette indication, il est possible de bénéficier d’une radio ou d’une IRM du cou à la recherche d’une hernie ou d’une arthrose cervicale.
Enfin, d’autres nerfs de la main sont parfois mis à rude épreuve à vélo. C’est le cas du nerf cubital qui donne des fourmillements dans l’auriculaire et l’annulaire.
Avant d’enclencher des traitements médicaux, il est important de jouer sur les aspects techniques de votre pratique. On dit que le canal carpien du cycliste est une « technopathie ». Cette prise en charge est spécifique de votre médecin du sport et, très souvent, elle suffit à vous soulager ! Il est impératif de ne pas « casser » votre poignet en hyperextension sur le cintre. Cette position est fréquente si vous êtes trop relâché sur un cintre plat ou en haut d’un guidon de course.
Votre articulation se doit d’être gainée, c’est-à-dire alignée avec votre avant-bras. Pour favoriser cette posture, il est bon de remonter un peu la potence et de placer les cocottes sur la même horizontale que la portion haute du cintre. Dans cette configuration mains sur les cocottes, paumes face à face, poignets légèrement inclinés vers le petit doigt, il a été montré que le canal carpien était beaucoup moins écrasé et que le volume disponible pour le nerf était maximum. De surcroît, dans cette attitude, l’articulation est plus stable et s’emboîte parfaitement ; c’est d’ailleurs celle que vous utilisez pour tenir un marteau ou une raquette de tennis.
De façon comparable, à VTT, les cornes de vache contribuent à la rectitude du poignet si tant est que le guidon ne soit pas trop large. Si vos mains s’écartent excessivement, vous êtes dans l’obligation de placer votre poignet en extension et de couder votre nerf médian. Dans le même esprit, les triathlètes sensibles ont tout intérêt à utiliser fréquemment les prolongateurs.
Si vous aimez la route, prenez soin de choisir des parcours où le macadam est bien régulier. De façon générale, il est recommandé de varier fréquemment la position des mains afin de laisser se réoxygéner les points de compression. Bien évidemment, de façon préventive, avant même l’apparition des paresthésies, un peu d’aisance motrice permet de lâcher le cintre régulièrement puis de secouer les mains afin de mieux vasculariser les branches nerveuses.
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En termes d’équipement, attention aux cadres en carbone d’entrée de gamme, ils sont légers et rigides mais pèchent souvent par le manque d’absorption des vibrations. À VTT, relâchez la tension de votre amortisseur avant. Parfois, il est juste indispensable de le faire réviser ou de le changer ! Des poignées souples ou des gants amortissants, une guidoline épaisse réduisent un peu la composante vibratoire. Les poignées larges et ergonomiques augmentent la surface de contact et limitent d’autant la pression sur le nerf. Il en est de même concernant la portion plate et horizontale des guidons de course en carbone.
Enfin, si vous êtes prêt à sacrifier votre look sur l’autel du confort, testez le « guidon papillon » du cyclo randonneur. En position haute, les poignets sont parfaitement droits et les mains assument beaucoup moins de pression.
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Votre poignet de cycliste ou de bricoleur a encaissé pas mal de microtraumatismes. Il est probablement un peu fibreux à sa face antérieure. De surcroît, les tendons fléchisseurs des doigts, qui passent aussi dans le canal carpien, sont peut-être légèrement gonflés. Voilà qui favorise la compression et le coincement du nerf médian.
Du coup, quelques séances de kinésithérapie avec massage et drainage peuvent se révéler utile. Il est même possible d’y ajouter de la physiothérapie défibrosante, typiquement des ultra-sons, du laser ou du Técar. Des étirements sont envisageables à condition de ne pas malmener le nerf par des postures trop agressives et prolongées.
Vous pouvez aussi apprendre à verrouiller votre poignet en réalisant des exercices avec haltères en bonne position. Les pompes sur les poings constituent un exercice classique de gainage du poignet.
Ce mouvement fait également travailler votre buste comme si vous étiez en appui sur votre guidon. Plus vous serez fort et endurant, et moins votre attitude s’affaissera au fil des kilomètres. Ainsi, vous parviendrez à soutenir une attitude tonique, sans couder vos articulations.
Vous pouvez corser l’affaire en effectuant vos pompes les poings posés sur un matelas ou un coussin d’équilibre. Vous reproduisez alors l’instabilité inhérente à la prise du cintre. Employer des poignées métalliques, en conservant une bonne prise marteau, se révèle spécifique d’une position protectrice sur les cocottes ou les cornes de vache.
Afin de donner plus d’élasticité à vos tissus, massez-vous avec des crèmes au silicium et à l’acide hyaluronique. Ces composants de base de nos membranes relient entre elles les fibres de collagène en constituant une gélatine souple.
Pour pallier l’inflammation du nerf, des baumes contenant de la curcumine constituent une bonne alternative aux anti-inflammatoires traditionnels et semblent disposer d’une bonne action neurologique. Parmi les compléments nutritionnels, notons les acides gras oméga-3 DHA, parties prenantes des gaines des nerfs malmenées, ainsi que le magnésium et l’ensemble des vitamines B qui contribuent à un métabolisme harmonieux du neurone.
En cas d’échec des conseils posturaux et de la médecine douce, il est possible de recourir à des stratégies plus classiques. Une infiltration de corticoïdes est envisageable mais en période de pandémie, il faut savoir que le produit passe un peu dans le sang et peut altérer l’immunité quelque temps.
Cette catégorie de molécule revêt un pouvoir anti-inflammatoire et anti-œdémateux très puissant. Le canal fibreux où passe le nerf dégonfle. Le nerf lui-même est moins irrité. Vous êtes souvent bien soulagé par ce geste thérapeutique. Mais la douleur réapparaît fréquemment.
Il est alors d’usage de proposer un geste chirurgical consistant à ouvrir le gros ligament qui surplombe le canal carpien où passe le nerf. Le chirurgien effectue ce geste après avoir fait une incision minime pour glisser un petit bistouri et une caméra souple appelée « endoscope ». La lame du premier pénètre encore repliée et ne s’ouvre qu’en regard du ligament sous contrôle visuel de l’opérateur. Les fibres optiques assurent un repérage précis de l’environnement anatomique et votre chirurgien expérimenté sectionne le ligament annulaire sans toucher au nerf et aux tendons voisins.
Après ce geste salvateur, la gouttière des petits os du poignet s’écarte de 4 à 5 centimètres et le nerf médian peut prendre ses aises. La jonction cicatrise et se reconstitue en 4 à 6 semaines mais le pont ligamentaire reste distendu et le canal conserve son ouverture.
Depuis peu, une méthode dite « mini-invasive » est réalisée par des radiologues spécialisés. Sous échographie, avec une aiguille, ils sectionnent le ligament. La voie d’abord est bien plus petite mais ce protocole est encore en cours d’évaluation.
Deux ou trois jours après l’intervention, il est possible de reprendre le vélo d’appartement. Une semaine plus tard, vous pouvez essayer d’aller rouler. L’astuce consiste à utiliser votre VTT tout-suspendu sur des trajets bien asphaltés.
Par la suite, vers 15 jours post-opératoires, tentez le vélo de route en suivant les bons conseils ergonomiques de cet article. À 1 mois, recommencez prudemment le VTT sur chemins faciles. Soyez prudent, il faut attendre la cicatrisation du ligament annulaire pour retrouver la force de vos muscles fléchisseurs des doigts. En effet, les tendons de ces derniers font poulie sur ce hauban fibreux avant de rejoindre les phalanges. Ils glissent, pivotent et sont mis en tension sur cette structure.
En pratique, pour tenir fermement un cintre qui vous chahute les bras, pour freiner énergiquement, pour aller plus avant dans l’engagement technique à VTT, mieux vaut patienter 2 à 3 mois après votre libération chirurgicale du canal carpien.
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