Evitez les kilomètres inutiles!

Course à pied: évitez les kilomètres inutiles!
Course à pied: évitez les kilomètres inutiles!

Vous souhaitez rester en forme. Vous visez un objectif. Mais, entre le travail et la famille, le temps vous manque. De surcroît, vos séances empiètent sur votre énergie quotidienne et malmènent votre appareil locomoteur. Laissez tomber l’entraînement « polarisé » très en vogue : il n’est pas fait pour vous ! Optez pour une préparation « thématique » ! Explications !  

Vous enchaînez les entraînements et vos sorties se ressemblent un peu. Comme chez beaucoup de coureurs de loisir, votre éventail de vitesse est limité. Vous avez pas mal progressé au début mais désormais vous stagnez ! Vos adaptations métaboliques ont d’abord suivi une belle courbe ascendante mais elles plafonnent maintenant sur une asymptote décourageante ! Pour vous améliorer, vous devez surprendre votre organisme ! Il faut varier les thèmes de vos séances ! Et chaque séance doit être centrée sur un thème !  

Entraînement « polarisé » à haut niveau?

L’entraînement polarisé du sportif de haut niveau
L’entraînement polarisé du sportif de haut niveau

Vous avez peut-être entendu parler de l’entraînement polarisé. Il est mis en exergue depuis peu car il semblerait que les athlètes de haut niveau adhèrent à cette méthode. De quoi s’agit-il exactement ?

Lors d’un entraînement polarisé, la préparation est polarisée entre deux extrêmes : de longues sessions à faible intensité et de courtes sessions à très haute intensité. Les premières représentent environ 80 % de la durée consacrée au sport et les secondes 20 %.

Les premières sont réalisées en aisance respiratoire complète, à environ 60 % de la réserve cardiaque ; les secondes se déroulent nettement au-delà du seuil de l’essoufflement, c’est-à-dire entre 90 et 100 % de la réserve cardiaque.

Certains coaches s’inspirent de cette répartition pour décliner des programmes destinés aux compétiteurs amateurs. Malheureusement, elle se révèle beaucoup moins efficace dans ce contexte. Un sportif d’endurance de haut niveau s’entraîne énormément. On dit avec le sourire qu’un triathlète professionnel est aux 35 heures… à savoir qu’il nage, pédale ou court 6 à 8 heures chaque jour.

Dans ces conditions, vous comprenez que notre courageux sportif ne peut pas toujours se mettre dans le rouge ! De surcroît, les abstracts de ces études d’observation omettent de préciser que ces calculs ne comptabilisent que le temps effectivement passé à fréquence cardiaque élevée. Il ne s’agit pas de la proportion des séances consacrées à la haute intensité.

Illustrons cette notion avec un exemple. Si vous effectuez 4 séances par semaine d’une heure dont 3 sorties en endurance et 1 fractionné sur piste incluant 5 fois 3 minutes à VO2max, vous ne faites pas 25 % d’intensité ! Vous faites 5 X 3 minutes soit seulement 15 minutes rapportées aux 4 X 60 minutes hebdomadaires, soit 6,25 % de votre entraînement ! À ce rythme-là, les 20 % atteints par les sportifs de haut niveau, ça chahute pas mal les organismes et ça mérite d’optimiser la récupération !

Au sein de ce concept, les temps longs et lents auraient plusieurs vertus. Premièrement, ils permettraient de renforcer l’appareil locomoteur à l’aide de contraintes mécaniques modérées. Ainsi, les os, les tendons, les muscles et les cartilages encaisseraient plus aisément les sessions très rapides.

Deuxièmement, la répétition du geste pendant de longues heures permettrait d’optimiser le rendement.

Enfin, ces sessions à faible intensité activeraient la combustion des graisses ; filière énergétique essentielle aux épreuves longues distances. Ces paramètres sont moins déterminants chez le sportif amateur et peuvent être sollicités d’une manière différente, à l’aide de séances spécifiques moins chronophages et moins énergivores.

En outre, pour un sportif se consacrant à des distances inférieures, l’entraînement polarisé ne donne pas suffisamment de place aux séances au seuil de l’essoufflement et aux sessions à vitesse de la compétition.  

Préparation « thématique » pour l’amateur!

L’entraînement thématique du sportif amateur
L’entraînement thématique du sportif amateur

Soyons un peu provocateur et osons écrire que votre préparation de sportif amateur doit s’organiser à l’inverse de l’entraînement polarisé. Pour gagner du temps et ne pas vous épuiser, chaque kilomètre parcouru doit vous être utile !

Il faut que chaque séance soit ciblée sur un thème physiologique précis, lui-même facteur limitant de la performance dans l’épreuve que vous avez choisie. La spécificité de votre programme est déterminée par l’éventail des thèmes retenus et l’importance que vous porterez à chacun d’eux. Et plus vous déterminerez un nombre élevé de thématiques, plus votre préparation sera variée, apte à surprendre votre organisme et booster son adaptation.

De surcroît, cette diversité rendra votre programme plus ludique et plus motivant ! Si chaque thème travaille une filière énergétique, musculaire ou psychomotrice, c’est l’association de ces dernières qui reconstitue la spécificité de votre préparation. Le tableau récapitulatif nous aide à trouver des exemples.

Les sorties « marche course » sont particulièrement orientées vers l’ultra-trail. Dans ce contexte, les séances à VO2max ne sont pas contre-indiquées, au contraire notamment en utilisant des côtes ! Mais elles se révèlent moins déterminantes que pour préparer un 10 kilomètres. Et si vous êtes spécialiste de cette distance, vous pourrez vous passer des randonnées !

Les puissances intermédiaires du type « maintien du seuil » sont, en revanche, intéressantes pour la grande majorité des compétiteurs. Vous l’avez compris, c’est aussi la proportion entre les entraînements plus ou moins intenses qui assure la spécificité de votre programme. Et bien sûr, plus votre compétition préférée est longue, plus vous devez privilégier les basses intensités.

En pratique, je vous invite à toujours savoir quel sera l’objectif de votre séance. Le plus souvent, vous devez l’anticiper dans le cadre d’une succession logique et complémentaire. Parfois, en fonction de vos sensations, vous pouvez être amené à moduler les allures choisies. Et surtout, n’oubliez pas le thème principal, le seul qui vous fasse vraiment progresser grâce à la « surcompensation » : le repos !

À l’inverse des sportifs de haut niveau qui rodent leurs articulations à l’occasion de très longues séances, je vous suggère de prévenir les blessures en évitant les kilomètres inutiles.

Pour cela, chaque séance se doit d’être utile, parfaitement ciblée sur le paramètre physiologique à travailler. Aptitude à brûler les graisses, capacité de stockage en glycogène dans les muscles ou le foie, élévation du seuil de production de l’acide lactique, augmentation de votre consommation d’oxygène, accroissement de votre force endurance, optimisation de votre rendement sur le plat, en côte ou en descente : il faut choisir !

>> Tout ce que vous devez savoir pour courir au seuil!

L’entraînement croisé

L’encadré vous rappelle les modalités de sollicitation de chacune de ces qualités. Vous y trouverez également de bonnes pistes pour mettre en place un « entraînement croisé », source de progrès et de protection articulaire.

Pour éviter les kilomètres inutiles… de course à pied, voici les astuces emblématiques. Programmez parfois les sorties longues à vélo. Les moindres contraintes sur l’appareil locomoteur vous permettront d’aller chercher plus loin les adaptations énergétiques.

À l’inverse, pensez à l’elliptique ou au rameur pour vos séances à haute intensité. L’utilisation simultanée des bras et des jambes réclame plus de débit cardiaque et fait monter la consommation d’oxygène. Sans compter que ces activités réalisent un véritable gainage fonctionnel ! Ainsi, vous pourrez éviter de rester des minutes entières sur les avant-bras à imaginer que cette pratique statique et horizontale améliore votre maintien dynamique et vertical quand vous courez !

Bref, travailler les abdos obliques sur un elliptique, c’est diablement plus transférable vers le geste de la course !

Enfin, la natation, et plus particulièrement la brasse, constitue la séance de récupération active idéale, si tant est que ce décrassage ne soit « ni long, ni intense ». Cette activité est parfaitement indiquée car elle est indépendante du poids du corps et sans contraction de freinage agressive pour les fibres musculaires. En théorie, cette discipline favorise le drainage des jambes car ces dernières travaillent à l’horizontale, bénéficient d’une grande amplitude de mouvement, sans compter qu’elles profitent aussi de la pression et de la fraîcheur de l’eau. 

Les étirements

Enfin, vous le savez, l’opportunité des étirements reste controversée. Pour adapter vos tissus à une contrainte de tension, ces postures exercent… une contrainte de tension supplémentaire ! Bref, si le temps vous manque, il est préférable de ne pas vous adonner à ce rituel plutôt que d’en abuser. Pour illustrer ce concept, une anecdote s’impose.

Serge Girard est ultra-fondeur. Il a notamment fait le tour de l’Europe à petites foulées. Il a couru 25 000 kilomètres, à raison de 70 à 80 kilomètres quotidiens sans aucun jour de repos… et sans aucun étirement !

Dans le même esprit, je vous invite à limiter votre échauffement au strict nécessaire ! Inutile d’y perdre trop d’énergie ou de marteler inutilement le macadam. Les études mentionnant son intérêt sur la prévention des blessures sont nettement discordantes ! À croire que nous sommes vraiment conçus pour détaler brutalement à l’approche d’un prédateur carnivore !

L’échauffement

La définition générale de l’échauffement est riche d’enseignement : « activité cardio-vasculaire, locomotrice et psychomotrice d’intensité et de spécificité croissante jusqu’à retrouver les caractéristiques de l’activité envisagée ». Voilà qui peut paraître complexe mais à y regarder de plus près, pour la course à pied, la procédure est toute simple : marchez, trottinez, courez et accélérez progressivement jusqu’à atteindre la vitesse correspondant à votre thème d’entraînement !

Vous pouvez allègrement zapper les éducatifs, le genre talon-fesse et autres foulées bondissantes. Ces exercices sont sans rapport avec le sujet du jour… à moins que votre VMA taquine les 24 kilomètres / heure.

En pratique, cette première étape s’étend sur une dizaine de minutes. La durée augmente quelque peu avec l’intensité de la séance… et avec l’âge du pratiquant.

Ainsi, un quinquagénaire programmant un fractionné court s’échauffera 20 à 25 minutes. Attention, rien ne vous empêche de travailler votre technique. Pour cela, utilisez la « méthode intégrée » ! Tout en courant naturellement, pensez à l’efficacité de votre geste. Pendant quelques secondes, optimisez une étape de votre foulée. Peu de temps après, passez à la suivante.

La recherche en neurosciences a montré que, en améliorant un détail au sein du geste complet, celui-ci progresse et son optimisation s’intègre au mouvement global et automatisé. Cette démarche se montre bien plus pertinente que les éducatifs. En effet, on sait depuis longtemps que ces derniers sont stockés dans des réseaux neuronaux situés à distance de celui programmant le geste complet. En clair, en travaillant vos éducatifs, vous améliorez vos éducatifs !

Le retour au calme

Concernant le retour au calme, les études sont du même acabit ! Pas d’intérêt majeur pour la performance ! Je vous rappelle que, après son match, un footballeur de Ligue 1 rejoint le vestiaire à 180 de fréquence cardiaque ! Malgré la horde d’entraîneurs, de préparateurs physiques et de médecins chouchoutant sa physiologie, il s’installera dans l’avion privé le ramenant au Bourget sans qu’aucun retour au calme n’ait été instauré ! 

Néanmoins, il reste une indication santé à la décroissance de l’effort. Elle se montre particulièrement opportune pour les sportifs amateurs ! On sait qu’un arrêt brusque de l’activité freine fortement le cœur alors même que les vaisseaux sanguins menant aux muscles restent très ouverts. Dans ces conditions, le peu de sang propulsé par la pompe cardiaque s’engouffre dans ces artères béantes.

Parfois cette spoliation sanguine est telle que le cerveau n’est plus oxygéné, la tête tourne et le sportif perd connaissance. C’est le malaise vagal. Plus rarement, le freinage de la conduction nerveuse assurant la contraction du cœur laisse s’exprimer des noyaux d’excitation anarchique. Ces « foyers ectopiques » encore gorgés d’adrénaline déclenchent des contractions cardiaques rapides et irrégulières. C’est la tachycardie !

Bref, restez prudent ! Octroyez-vous 5 minutes de cool down comme disent les Anglo-Saxons ! Mais ne traînez pas ! Filez vous reposer ou allez travailler ! 

>> Lire aussi: « Entraînement fractionné: comment bien le réaliser ?« 

Les nombreux thèmes de vos entraînements

Les thèmes classiques

VO2 max

A 100 % de la vitesse maximale aérobie (VMA) ou de la puissance maximale aérobie (PMA). 

  • Destiné à l’amélioration de votre cylindrée cardio-vasculaire 
  • Entre échauffement et retour au calme  
  • 15 à 30 fois 30 s à VO2max avec récupération = temps de travail 

ou 

  • 2 à 4 fois 3 min à VO2max / 3 min à  60 % de VO2max) 

Parfois en salle sur vélo, rameur ou elliptique pour les coureurs 

Dynamisation du seuil

A 90 % de la vitesse maximale aérobie (VMA) ou de la puissance maximale aérobie (PMA). 

  • Destiné à l’élévation de votre zone de surchauffe métabolique 
  • Entre échauffement et retour au calme  
  • 2 à 4 X 6 à 8 min à 90 % de VO2max avec récupération = ½ temps de travail 

Parfois en salle sur vélo, rameur ou elliptique pour les coureurs 

Maintien du seuil

A 80 % de la vitesse maximale aérobie (VMA) ou de la puissance maximale aérobie (PMA). 

  • Destiné à une meilleure tolérance de votre surchauffe métabolique 
  • Entre échauffement et retour au calme  
  • 15 à 30 min à 80 % de VO2max
  • allure 10 km pour un sportif « gaussien ».  

Endurance glucidique

A 70 % de la vitesse maximale aérobie (VMA) ou de la puissance maximale aérobie (PMA). 

  • Destiné à l’accroissement de votre stock de sucre intramusculaire (glycogène) 
  • Entre échauffement et retour au calme  
  • 30 min à 2 h à 70 % de VO2max  
  • … allure marathon ou cyclisme pour un sportif « gaussien » 

Endurance lipidique

A 60% de la vitesse maximale aérobie (VMA) ou de la puissance maximale aérobie (PMA). 

  • Destiné à l’augmentation de vos aptitudes à mobiliser et à brûler vos graisses 
  • Entre échauffement et retour au calme  
  • 1 h à 3 h à 60 % de VO2max  
  • … trottinement ou sortie vélo pour un sportif « gaussien »

Décrassage

A 60 % de la vitesse maximale aérobie (VMA) ou de la puissance maximale aérobie (PMA). 

  • Destiné en théorie à apporter plus de sang que nécessaire aux muscles… boostant ainsi les processus de réparation et de drainage 
  • 20 à 40 min à 60 % de la VO2max pour favoriser la récupération active 
  • Réalisé de préférence sur vélo ou en nageant…  

Les thèmes alternatifs 

Endurance thermique

A 60 % de la vitesse maximale aérobie (VMA) ou de la puissance maximale aérobie (PMA). 

  • Destiné à l’optimisation de vos aptitudes à évacuer la chaleur (sudation, ouverture des vaisseaux cutanés), notamment à l’approche de l’été ou avant un séjour dans le Sud 
  • 20 min à 1 h 30 à 60 % de VO2max pour s’adapter aux températures élevées 

Endurance locomotrice et psychologique

A 50 % de la vitesse maximale aérobie (VMA) ou de la puissance maximale aérobie (PMA). 

  • Destiné à accroître la résistance des tendons, des os ou du cartilage. Destiné également à réduire l’impact de la fatigue cérébrale dite aussi « centrale » (baisse des messagers chimiques cérébraux nécessaires aux mouvements et à la vigilance) 
  • 1 h à 6 h à 50 % de VO2max  
  • … « marche course » ou bicyclette pour un sportif « gaussien » plus volontiers destinée aux ultra-traileurs 

Séance sur le relief 

  • Travail cardio-vasculaire en côte, travail technique en descente  

Séance de côte

  • Travail cardio-vasculaire et musculaire en côte, récupération en descente  

Séance technique

  • Pour les routards… travail du rendement sur le plat, spécifique, à vitesse de compétition pour optimiser le transfert psychomoteur.  
  • Pour les traileurs… travail des appuis en descente, remontée en marchant tranquillement ou mieux, en télécabine pour consacrer toute sa fraîcheur mentale au thème de la séance  

Séance Fartlek

  • Accélérations selon les sensations guidées par les caractéristiques du parcours et non par le chrono, espacées de récupération au feeling. 

Séance de renforcement terrain

  • Travail des appuis et éducatifs sur piste à orientation pliométrique (bondissements et restitution élastique) 
  • Travail des escaliers en tribune 
  • Gainage traditionnel 

Travail de renforcement en salle

  • Renforcement des bras, du tronc et du dos dans le cadre d’une hygiène articulaire complémentaire ou en tant que séance de récupération active. 
  • Renforcement excentrique… travail de freinage lent pour préparer les muscles du traileur à la descente : montée d’une charge lourde avec deux jambes, descente avec une seule.  
  • Renforcement dynamique… travail mixte de poussée et de freinage destiné à la protection articulaire et aux adaptations métaboliques intramusculaires (densité en capillaires, centrales énergétiques cellulaires ou mitochondries)  

Travail de gainage fonctionnel

  • Séance mixte cardio-vasculaire et musculaire sur rameur ou elliptique, bien utile pour ceux qui veulent gagner du temps et n’aiment pas le gainage traditionnel… à juste titre !  

Le thème principal

Le repos

  • Pour mémoire, la « récupération passive » est plus efficace que la « récupération active » 
  • L’entraînement fatigue, provoque une  
    « décompensation », seul le repos permet de « surcompenser » et de progresser…  
  • Destiné aussi à lutter contre l’addiction… 
Triathlète adepte du cardiotraining et de la musculation - Médecin du sport - traumatologue du sport - nutritionniste du sport - diplômé en entraînement du sportif - Rédacteur en chef