Le ski n’est pas une histoire d’équilibre… Il est courant en ski d’utiliser la notion d’équilibre pour expliquer et décrire la stabilité durant la pratique du ski. Or, l’utilisation de cette notion d’« équilibre« est souvent abusive car c’est grâce à une mise en déséquilibre que le corps avance : le skieur est acteur de son mouvement.
Par Nicolas Coulmy, PhD, directeur du Département Sportif et Scientifique de la Fédération Française de Ski
De plus, quand le skieur est soumis à des accélérations et des décélérations dues aux variations de pente et des frottements de la neige, il doit, à l’instar d’un passager debout dans un train, s’adapter en s’inclinant soit en avant, soit en arrière ou sur le côté : le skieur réagit aux mouvements imposés. La progression technique du skieur est ainsi directement liée à sa capacité à se mettre en déséquilibre et à le gérer pour rester stable (ne pas tomber). Il en est de même pour un enfant qui apprend à marcher.
Sa progression est liée à sa capacité à sortir de l’équilibre (à quatre pattes avec un centre de gravité toujours au-dessus des appuis) pour aller vers le déséquilibre croissant (la marche puis la course). Dans le ski de haut niveau, les plus grands champions apprennent à gérer leurs déséquilibres dans les situations de plus en plus complexes. Cela suppose des compétences non seulement physiques et techniques mais aussi psychologiques pour gérer les émotions de peur, de surprise. Aussi cette habileté technique ne pourrait-elle pas être stimulée grâce une habileté mentale particulière : la capacité d’imagerie mentale ?
De manière générale, les habiletés mentales désignent la capacité d’une personne à répondre avec efficacité aux contraintes rencontrées au quotidien. Ces habiletés permettent ainsi au skieur d’adapter son comportement de manière appropriée et positive pour atteindre un objectif (aller vite, aller loin…), tout en restant dans un état de bien-être mental et en relation avec les autres. Par exemple, la capacité à gérer ses émotions, celle à se concentrer sur une tâche, à être autonome sont autant d’habiletés mentales nécessaires pour pratiquer et progresser en ski. Ces capacités peuvent se développer grâce à des situations stimulantes.
Parfois, des situations collaboratives peuvent tout à fait être organisées dans un cadre de sorties collectives sous une tutelle associative ou non. L’utilisation de l’imagerie mentale dans le milieu sportif est largement répandue. Pratiqué spontanément par tous dans le quotidien sans s’en rendre compte, cet ensemble de techniques a été exploré scientifiquement pour mieux comprendre son fonctionnement, son efficacité à apprendre un geste sportif mais aussi son rôle dans la gestion de l’anxiété et du stress. Lorsque nous projetons de réaliser une action, un geste, un déplacement, notre cerveau construit un « film mental » enrichi de diverses perceptions imaginées : visuelles, proprioceptives, auditives, vestibulaires, voire plurisensorielles (combinaison de deux ou plusieurs modalités sensorielles).
Cette évocation mentale peut être volontaire ou involontaire. Notre cerveau l’utilise naturellement pour se préparer à l’action et s’adapter à l’environnement. Le terme d’« imagerie mentale » est alors un terme impropre car il ne s’agit pas seulement de s’imaginer des images mais aussi des sensations de pression, de bruit, de température, etc., en l’absence de la réalisation réelle de l’acte moteur. C’est la capacité à créer ou recréer une expérience sensorielle dans sa tête. Il s’agit de nous représenter une situation, une émotion, une sensation, un objet… Cette représentation mentale peut déclencher des effets physiologiques analogues à la réalité.
Par exemple, se représenter une situation anxiogène génère des manifestations physiologiques d’anxiété ; à l’inverse, s’imaginer une situation de calme amène le corps dans un état réel de détente. La pratique de la visualisation peut donc induire des changements métaboliques et/ou comportementaux. Lorsque la visualisation est utilisée pour préparer à la réalisation d’un acte moteur, elle doit être conforme à la réalité. Le sujet se représente ainsi très précisément tous les éléments du geste ou de la séquence motrice à réaliser : contexte, lieu, température, type de neige, terrain, déroulement de l’acte moteur, perception sensorielle de son corps réalisant la séquence motrice.
Répété de manière intensive, cet exercice aurait un effet conditionnant sur l’organisme qui se conformerait davantage au scénario prévu lors de la réalisation véritable de l’habileté motrice. Lorsque l’on s’imagine en train de réaliser un mouvement ou une séquence de mouvement, on active les mêmes représentations cérébrales que celles impliquées dans la préparation et le contrôle de l’action.
L’utilisation de l’imagerie mentale en contexte sportif est largement répandue et peut répondre à plusieurs objectifs :
Pour que l’utilisation de l’imagerie soit efficace, les images produites mentalement doivent répondre à certains critères de vivacité (images nettes et détaillées), d’exactitude (précision le plus identique possible à la réalité), de répétition (les images produites doivent être répétées de nombreuses fois) et de contrôlabilité (contrôle sur la production et la persistance des images). Chacun d’entre nous ne dispose pas des mêmes aptitudes à maîtriser ces différents critères mais il est possible de progresser en utilisant régulièrement cette technique.
Il est possible de faire de l’imagerie mentale à tout âge et pour tout niveau de pratique en jouant sur 4 leviers différents (I.E.R.A) qu’il est possible de combiner :
L’imagerie Interne : c’est le cas lorsqu’une personne s’imagine une action depuis son propre point de vue (en caméra embarquée) et avec les sensations qu’elle éprouverait au cours d’une situation réelle ;
L’imagerie Externe : c’est le cas lorsqu’une personne s’imagine en train de réaliser un mouvement ou une séquence de mouvements à la troisième personne. C’est un peu comme si le sujet se voyait depuis un drone qui peut prendre des points de vue variables autour de lui. Dans ce cas, l’imagerie mentale est essentiellement visuelle ;
L’imagerie de Rappel : l’image est produite juste après la réalisation de l’acte moteur. Il s’agit de visualiser une action juste après la réalisation de celle-ci ;
L’imagerie d’Anticipation : l’image est produite juste avant la réalisation motrice.Il s’agit de visualiser l’action juste avant sa réalisation afin de se projeter dans ce qui va être fait.
Voici quelques exercices en ski qui permettent à la fois de progresser dans sa capacité de gestion de déséquilibre et de se représenter mentalement l’action.
Les deux capacités se combinent, se nourrissent mutuellement et optimisent le processus d’apprentissage.
Le premier exercice consiste à glisser tout droit sur une pente légère en ski alpin ou ski de fond et en utilisant un masque occultant ou en gardant les yeux fermés. Les consignes sont de réaliser une imagerie interne ou externe anticipée, de glisser à l’aveugle et s’arrêter exactement au repère visé. Il convient de mettre le focus sur les mouvements de déséquilibre au moment de l’imagerie mentale.
Plusieurs étapes peuvent être réalisées :
Dans cet exercice, il s’agit de chronométrer une action lors de sa réalisation mentale, puis de chronométrer l’action « en vrai » afin de comparer les deux. Cet exercice peut être fait en rappel (chronométrage de l’action réelle puis sans dévoiler le temps, chronométrage de l’action visualisée, puis comparaison des deux) ou en anticipation (chronométrage de l’action en imagerie puis chronométrage de l’action « en vrai », puis comparaison des deux).
Pour faciliter ou complexifier l’exercice, il est possible de :
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