Vous pensez bien connaître la séance au seuil, ce grand classique de vos programmes d’entraînement. Au-delà de la recette que vous appliquez, voici des explications pour mieux l’adapter à vos aptitudes physiologiques et à vos objectifs. À la clé : plus de santé, de plaisir et de performance!
Quand vous ne faisiez votre footing que le dimanche, vous commenciez par un vague échauffement d’une dizaine de minutes. À l’issue, vous couriez à la limite de l’essoufflement pendant un bon quart d’heure avant de récupérer en trottinant cinq minutes. Comme monsieur Jourdain parlait en prose sans le savoir, vous faisiez une sortie « au seuil » en toute innocence scientifique ! En effet, les études montrent que, le plus souvent, ce type d’entraînement constitue l’unique séance du joggeur dominical.
À l’inverse, plus le coureur est expérimenté, plus il est capable de diversifier ses allures afin de solliciter séparément des filières énergétiques complémentaires. Ensemble, faisons un bout de chemin vers la connaissance physiologique, source de santé, de plaisir et de performance. Apprenons à définir, à cibler, à organiser, à varier une séance « au seuil » ! Et commençons par nous rassurer ! Lorsque nous débutions en course à pied, nous n’avions pas tort sur toute la ligne ! La séance « au seuil » est diablement efficace !
En courant « au seuil », vous entrez dans l’anaérobie ! Jargon pour jargon, vous voilà bien avancé ! Alors expliquons ! À une intensité inférieure au « seuil », vos muscles disposent de suffisamment d’oxygène pour brûler le glucose complètement, jusqu’à obtenir du gaz carbonique et de l’eau. Vous connaissez la formule de ces deux molécules ; il s’agit de CO2 et H2O. Vous constatez qu’elles sont riches en « O », symbole de l’oxygène. C’est la « glycolyse aérobie ».
Au-delà de cette limite, l’oxygène commence à manquer au sein des cellules musculaires. De fait, le glucose ne parvient à se dégrader que partiellement. Il se transforme en acide lactique. L’acidité qui en résulte peut être éliminée par voie pulmonaire, imposant alors un net accroissement du rythme respiratoire, bien perçu en course à pied. C’est ainsi que le « seuil lactique » se confond en pratique avec le « seuil de l’essoufflement ».
Et comme la nature est bien faite, elle insiste pour vous indiquer que vous entrez en surrégime. Les atomes acides viennent taquiner vos récepteurs nerveux à la douleur. Vos cuisses commencent à chauffer à vélo, chaque fois que vous grimpez cette côte en restant bien assis en arrière de la selle. En effet, vous avez remarqué que les perceptions ventilatoires prédominent sur les sensations musculaires en course à pied, alors que c’est l’inverse à vélo. L’explication est simple.
En cyclisme, vous concentrez votre effort au sein d’une masse musculaire moins volumineuse qu’en courant. En pédalant, chaque fibre musculaire travaille plus durement, elle produit plus d’acide lactique, elle souffre plus ! Mais comme ces fibres sont moins nombreuses, l’acidité sanguine est plus modérée et vous êtes moins essoufflé. C’est alors que vous passez en danseuse ! Ce geste plus ample ressemble à celui de la course et vous pouvez relancer !
Vous avez moins mal aux cuisses, mais votre rythme respiratoire augmente. Une autre manière de répartir l’effort dans un volume musculaire plus important consiste bien sûr à pédaler rond en sollicitant les fléchisseurs du membre inférieur. Les pédales automatiques sont alors d’une aide précieuse pour décaler vers une intensité plus élevée votre « seuil vélo ».
Les triathlètes expérimentés qui savent courir et pédaler rond ont d’ailleurs un « seuil vélo » et un « seuil course » assez proches. Dans le même esprit, les activités sollicitant simultanément les bras et les jambes permettent d’atteindre le seuil pour une fréquence cardiaque plus élevée. Les triathlètes pensent d’emblée à la natation, mais c’est également le cas en aviron et en ski de fond. Les appareils de cardio-training mimant ces mouvements sont aussi concernés. Le rameur, l’elliptique, le ski erg constituent des simulateurs qui permettent de « grimper aisément dans les tours ».
Quand vous franchissez le « seuil », la contribution de la glycolyse anaérobie s’accroît nettement et l’acide lactique s’accumule. Lorsque vous réalisez un effort à proximité du « seuil », ces phénomènes se produisent plus insidieusement. Ces processus biologiques limitent la durée de l’exercice que vous êtes en train d’effectuer. À haute intensité, on l’a vu, l’acide véhicule une sensation d’inconfort musculaire qui ne fait que s’accentuer. L’hyperventilation sursollicite les muscles respiratoires. Ces derniers ne tardent pas à s’épuiser.
Lorsque l’essoufflement est plus léger mais prolongé, ils contribuent à l’augmentation de la dépense calorique globale et participent de la fatigue générale. L’acide se comporte comme un messager du surmenage. Il limite la disponibilité des réserves en graisse et en sucre. À très haute intensité, sur des distances allant du 400 au 1 500 mètres, il réalise un véritable rétrocontrôle à sa propre production. Pour cela, il bloque les filières enzymatiques chargées de fractionner le glycogène en glucose.
À allure plus lente, il inhibe les enzymes ayant pour mission de dégrader les lipides. Votre métabolisme se reporte alors sur la combustion des glucides. Alors que vous réalisez un effort d’intensité moyenne, à proximité du « seuil », vous minorez la participation des lipides et majorez la
participation du glycogène musculaire.
Pire encore, quand un glucose se transforme en acide lactique, il produit 19 fois moins d’énergie qu’en brûlant complètement, jusqu’à obtenir de l’eau et du gaz carbonique.
Bref, quand vous taquinez l’essoufflement lors d’une épreuve d’endurance, vous dilapidez votre stock de glycogène!… Et vous le savez, l’épuisement de ce dernier est connu pour être la cause principale du fameux « mur du marathon » ! Alors, pour éviter de le percuter, l’aisance respiratoire s’impose sur la distance reine ! Bon d’accord, si vous revendiquez moins de 2 h 03, la science vous autorise un léger accroissement du rythme respiratoire…
Si vous franchissez le « seuil » à une vitesse plus élevée que votre voisin, vous parvenez à moins fatiguer vos muscles respiratoires et vous économisez votre glycogène ! Vous serez plus performant sur des distances se parcourant à une vitesse plus faible que celle du « seuil ». Vous comprenez alors pourquoi il est utile de s’entraîner parfois à haute intensité pour performer à vitesse moindre !
À cette étape de nos échanges, une précision physiologique se révèle utile. En fait, cette transition de la dégradation du glucose avec oxygène puis sans oxygène ne se fait pas à une intensité précise. Elle se produit progressivement. Des fibres musculaires commencent à se surmener et produisent de l’acide lactique alors que d’autres se contractent encore sans difficulté. Ces dernières captent et brûlent complètement l’acide lactique produit par les premières.
Alors que la concentration sanguine de l’acide lactique est de 1 millimole au repos, à ces puissances intermédiaires, elle s’élève légèrement puis reste stable aux alentours de 2 millimoles par litre.
Au début de cette phase de transition, on décrit le « seuil aérobie » ou « seuil d’apparition de l’acide lactique ». Si vous êtes sportif assidu mais pas de haut niveau, cette zone se situe à environ 60 % de la vitesse à laquelle vous atteignez votre fréquence cardiaque maximale. On dit à 60 % de votre VMA (pour Vitesse Maximale Aérobie).
En deçà, vous êtes en aisance respiratoire totale, vous pouvez parler et chanter ! C’est « l’endurance fondamentale ». Il s’agit de votre intensité sur marathon, si vous tournez en plus de 4 heures.
Au voisinage de 70 % de votre VMA, vous êtes en pleine zone de transition. Vous pouvez parler, mais pas chanter ! Vous percevez une légère augmentation de votre rythme respiratoire mais vous n’êtes pas essoufflé. C’est votre vitesse sur la distance mythique, si vous faites environ 3 heures.
À partir de 80 % de votre VMA, vous produisez plus d’acide lactique que vous ne pouvez en recycler. Sa concentration s’élève inexorablement dans le sang et elle monte au-delà de 4 millimoles par litre. On parle de « seuil d’accumulation de l’acide lactique ». C’est cette zone qui est évoquée lorsque, de façon plus générale, on mentionne la notion de travail «au seuil».
Aux alentours des 80 %, votre essoufflement est léger et vous pouvez énoncer au maximum de 6 à 8 mots. C’est l’intensité à laquelle vous réalisez vos séances au « seuil » ou plus exactement vos sessions en « maintien du seuil ». C’est l’allure d’une compétition de 10 kilomètres pour un bon coureur et celle d’un semi pour un athlète de haut niveau.
En physiologie de l’effort, l’échelle de Borg est utilisée pour évaluer la pénibilité d’une activité. Ainsi, « juste au seuil », l’exercice est habituellement qualifié de « dur ». À 90 %, votre taux d’acide lactique ne parvient plus à se stabiliser, votre inconfort et votre essoufflement sont croissants. Cette intensité est à l’origine d’un travail de fractionné souvent appelé « dynamisation du seuil ». Les sessions à cette allure sont ressenties comme « très dures ».
Vous l’avez compris, pour tenir la distance, il est préférable de disposer d’un « seuil » élevé. C’est encore plus vrai si vous souhaitez optimiser votre chrono.
En effet, le niveau du seuil varie selon votre entraînement et vos prédispositions. Un sédentaire repenti commençant à trottiner bénéficie d’un seuil à environ 70 % de sa VMA, un sportif assidu à 80 %, un athlète d’endurance de haut niveau à 90 %.
Pour décaler cette décompensation métabolique, rien de plus simple, il faut s’entraîner au voisinage du seuil ! Puisque celui-ci est variable et évolutif, vous fier à vos perceptions respiratoires constitue une bonne stratégie.
Vous relier directement au signal de votre transition métabolique se révèle probablement plus pertinent que le recours à des informations chiffrées issues de matériel électronique connecté, ou plutôt déconnecté de votre réalité biologique en perpétuelle modification.
Plus tard, vous pourrez cumuler les données et les faire converger afin d’affiner vos allures. Vous utiliserez alors un GPS pour connaître votre vitesse et un cardiofréquencemètre pour évaluer votre intensité.
Concernant ce dernier mode d’analyse, je vous rappelle que les pourcentages de VMA ne correspondent pas à des pourcentages de fréquence cardiaque maximale (FC max) ! En effet, debout immobile, vous êtes à 0 % de votre VMA mais pas à 0 % de votre FC max, puisque vous n’êtes pas en arrêt cardiaque, à zéro battement par minute ! Le pourcentage de VMA correspond au pourcentage de « réserve cardiaque », à savoir le nombre de battements dont vous disposez pour faire du sport. Ce dernier chiffre est égal à votre FC max moins votre FC de repos.
Un petit exemple est indispensable pour vous éclairer. Vous pourrez ainsi décliner les calculs pour vos propres séances. Pierre Dubois a 40 ans, sa FC max théorique est de 220 – 40 soit 180. On peut également penser qu’il s’agit de sa FC max terrain, il l’aurait vue en fin d’accélération alors qu’il terminait un dix bornes. Il est à 80 au repos. Il dispose donc pour faire du sport de 100 battements, c’est sa réserve cardiaque. À 75 % de sa VMA, il est à 75 % de sa réserve, donc 75 battements auxquels il faut ajouter les 80 de repos soit 155.
Les séances de « maintien de seuil » commencent par un échauffement de 10 à 20 minutes, se poursuivent par une session continue de 15 à 45 minutes « au seuil » et se terminent par 5 à 10 minutes de retour au calme.
La durée passée « au seuil » varie au cours de votre préparation et selon votre niveau. En « dynamisation du seuil », vous attaquez le travail fractionné. Entre échauffement et retour au calme, vous passez à 2 à 4 fois 6 à 8 minutes juste au-dessus du seuil et vous récupérez en trottinant pendant une durée égale à la moitié de votre temps de travail.
Même si le joggeur du dimanche court spontanément au voisinage du « seuil », cette allure est trop élevée pour débuter. Il est amplement préférable de commencer « en aisance respiratoire », voire à une intensité telle que vous puissiez « parler mais pas chanter » !
Ces quelques mois passés à vitesse raisonnable ont un double intérêt : locomoteur et cardio-vasculaire. Les articulations, les tendons et les os s’adaptent lentement aux contraintes mécaniques. La progressivité constitue un passage obligé pour éviter les blessures.
Parallèlement, le muscle cardiaque se renforce et les petits vaisseaux sanguins se multiplient dans les muscles. Là encore, un délai est nécessaire pour s’habituer à une sollicitation plus intense.
En effet, l’arrivée de l’acide lactique dans le sang coïncide avec une franche élévation de la concentration de l’adrénaline. Cette dernière est une hormone qui accélère le cœur et libère l’énergie dans les muscles.
On décrit d’ailleurs, non loin du seuil lactique, le « seuil de Conconi », du nom d’un célèbre physiologiste italien. Cette zone de transition se caractérise par une plus nette augmentation de la fréquence cardiaque. Ce surcroît d’excitation provoque parfois des battements cardiaques, notamment si le cœur manque d’oxygène pour cause d’artères partiellement bouchées.
Ce n’est pas un hasard si le risque de mort subite à l’exercice augmente brusquement au-dessus de 80 % de la réserve cardiaque ! Alors, avant d’aborder les séances autour du seuil, il est vivement conseillé de réaliser un bilan médical auprès d’un médecin du sport. Les hommes de plus de 40 ans se verront prescrire une épreuve d’effort. Effectué chez un cardiologue du sport, cet examen confirme votre bonne santé. Il analyse aussi vos échanges respiratoires, évaluant ainsi votre VO2 max et votre seuil avec plus de précision ! Une bonne manière de s’entraîner plus sereinement et plus efficacement.
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