Vous êtes 15 000 chaque année à vous faire une entorse du ligament croisé antérieur sur les pistes de ski. Le dogme consiste à vous proposer une opération pour éviter les instabilités de genou. Et si, malgré cette injonction, l’intervention chirurgicale était facultative ! Et si le protocole « Attelle + Injection de plaquettes + Sport » se révélait tout aussi efficace et plus adapté pour bon nombre d’entre vous !
Un ligament est une cordelette fibreuse qui relie un os à un autre au sein d’une articulation. Cette structure guide et limite le mouvement articulaire. Quand ce dernier atteint une amplitude extrême, les ligaments peuvent se distendre ou se rompre.
Le croisé antérieur est situé au milieu du genou, il y croise son homologue, le ligament croisé postérieur. Il a pour mission principale de contrôler l’avancée du tibia et surtout les rotations du genou. Ainsi, vous comprenez que si vos spatules de ski se croisent ou s’écartent violemment, votre ligament croisé antérieur risque fort de se déchirer !
L’opération classique consiste à enlever les résidus du ligament croisé déchiqueté et à les remplacer par une portion de tendon prélevée à proximité. Ce dernier peut provenir des haubans antérieurs ou latéraux du genou, justifiant des techniques opératoires variées. On parle de « ligamentoplastie ».
Pour mémoire, un tendon est aussi une cordelette fibreuse mais, cette fois, elle fait la jonction entre un os et un muscle. Elle transmet sa force de contraction et mobilise ainsi l’articulation voisine. De fait, il s’agit d’un tissu quelque peu différent d’un ligament. Ce dernier est relativement élastique car il autorise les déplacements normaux de l’articulation.
À l’inverse, le tendon est plus rigide, sans quoi la contraction de son muscle se contenterait de le mettre en tension sans mobiliser les pièces osseuses. Vous devinez déjà que ce remplacement de l’un par l’autre n’est pas sans conséquence ! Heureusement, la nature est plastique.
De fait, imposer des contraintes mécaniques de ligament à un tendon le transforme progressivement en ligament. On parle de « ligamentisation » !
Problème : ce processus est lent et semé d’embûches ! Selon les études, il peut durer de 7 mois à 3 ans. C’est l’une des raisons justifiant les délais de reprise du sport. Sans compter que ce remodelage passe par une fragilisation du néo-ligament 3 à 4 mois après l’opération, au moment où la nature achève le processus de démolition afin d’entamer au mieux la reconstruction.
Pas de chance, c’est aussi la période où vous commencez à vous sentir bien mais où le risque est maximum ! Les chirurgiens indiquent souvent à leurs patients une reprise possible vers 7 à 8 mois. À l’inverse, une étude a montré que, si on interrogeait les sportifs opérés, ils mentionnaient plutôt un retour à niveau au bout d’une bonne année.
Des protocoles plus rapides ont été testés chez des athlètes de haut niveau bénéficiant d’une rééducation intensive. Sans se soucier de la ligamentisation, les médecins se contentaient d’attendre une bonne récupération de la force musculaire et de la coordination. Dans ces conditions, le retour sur le terrain était obtenu à un peu plus de 4 mois de l’intervention. Malheureusement, ces stratégies provoquaient souvent des distensions ou des ruptures de la ligamentoplastie et elles ont été abandonnées.
Mais ce tendon devenu ligament n’est pas au bout de ses peines. Lorsqu’il est prélevé, dans la majorité des techniques, il est séparé de ses extrémités en direction de l’os et du muscle. On parle de « transplant libre ». Alors, les petits vaisseaux qui le traversent sont coupés et il ne reçoit ni oxygène ni nutriment. Heureusement, ce tendon passe par des tunnels osseux pour rejoindre l’intérieur du genou et on peut compter sur une revascularisation au départ de ces zones. Cependant, ce phénomène est lent, partiel et pas systématique, expliquant la fragilisation de la plastie 10 à 20 ans après sa mise en place !
L’indication quasi formelle de la chirurgie se justifierait par l’impossibilité du croisé à cicatriser spontanément. En effet, son anatomie est différente d’un ligament traditionnel. Ce dernier s’intègre au sac qui enveloppe l’articulation appelé aussi « capsule ». Il en constitue un renfort naturellement placé dans les secteurs qui supportent le plus de contraintes de traction. Une déchirure de celui-ci est alors l’équivalent d’un trou dans le sac articulaire. Les deux extrémités sont maintenues au contact par le reste de la capsule. Le saignement provoqué par la rupture des petits vaisseaux traversant le ligament forme une croûte qui relie les deux portions. Cette jonction initie la cicatrisation complète de ce ligament dit périphérique.
À l’inverse, le ligament croisé antérieur est situé au centre du genou. Il s’agit d’un cordon esseulé qui ne croise que son homologue le postérieur. De fait, quand il se déchire, les deux bouts ne parviennent pas à rester en contact. L’extrémité supérieure se décroche du fémur, tombe et se couche sur le haut du tibia. Cette explication anatomique a été étayée par les premières études chirurgicales sur le sujet.
Avant l’ère de l’IRM et des ligamentoplasties, l’opérateur ouvrait le genou et confirmait la rupture du croisé. Dans une démarche de recherche scientifique, il suturait le ligament de 50 % des patients et laissait en l’état l’autre moitié. L’objectif du protocole consistait à comparer le résultat des deux stratégies thérapeutiques.
Quelques semaines plus tard, il examinait le patient et constatait que l’articulation présentait toujours des mouvements anormaux. Ni la suture, ni l’abstention thérapeutique n’avaient permis de retrouver un genou stable grâce à la cicatrisation du croisé. Le ligament recousu, déjà malmené par le traumatisme, avait été à nouveau agressé par les aiguilles et les fils ; il avait fini par nécroser. Le ligament abandonné à son sort n’était pas parvenu à retrouver sa continuité, sa portion basse était restée couchée sur le plateau tibial.
Conclusion : il fallait donc opérer les patients et remplacer le ligament déchiqueté par un tendon. Ainsi naquit la ligamentoplastie !
Cependant, ce protocole ne correspond pas à ce que la nature met à notre disposition. En effet, lors de son expérimentation, le chirurgien a nettoyé l’articulation. Il a notamment évacué le sang issu de la rupture des vaisseaux traversant le croisé déchiré ! Vous l’avez peut-être vécu, après un traumatisme articulaire sérieux, un gonflement se produit. Lorsqu’il apparaît dans les minutes qui suivent, il s’agit d’un épanchement de sang. Ce magma ne tarde pas à s’agglutiner et à coaguler… créant ainsi une jonction entre les portions ligamentaires rompues.
De nouvelles cellules sont attirées et commencent à former un tissu fibreux. Si ce dernier n’est pas violemment étiré, s’il bénéficie de quelques tractions douces « mécanisantes », un nouveau ligament se reconstitue. La nature n’est pas avare de processus de guérison !
Quand, au paléolithique, Cro-Magnon mettait le pied dans un trou, il pouvait se faire une vilaine entorse du croisé. Il est peu probable qu’il fût définitivement impotent, promis à l’instabilité articulaire en tentant d’échapper à un ours brun, condamné à être dévoré ! Dans bien des cas, il se reposait quelques jours dans la grotte, puis participait à son rangement et à l’entretien du feu. Plus tard, il se joignait aux femmes pour se rendre sur le site de la cueillette. Dans les semaines suivantes, il retrouvait le peloton des hommes qui traquaient lentement mais longuement les bêtes lors des chasses à l’épuisement. Ce n’est que 2 à 3 mois après qu’il se lançait dans le sprint final et les feintes destinées à bloquer l’animal et lui asséner le coup fatal ! Et si nous nous inspirions du traitement paléolithique pour proposer un protocole plus naturel et plus fonctionnel ?
De nombreux médecins du sport ont constaté la cicatrisation spontanée de ligament croisé antérieur chez des sportifs refusant de se faire opérer ou souhaitant retarder l’intervention. Il est vrai que souvent, il n’a pas tout à fait repris sa place initiale. Il a glissé un peu sur son insertion osseuse, parfois il s’est fixé sur son homologue, le croisé postérieur ; on parle alors de « pédiculisation ».
Mais, fréquemment, il est bien positionné et parfaitement efficace. À l’inverse, il arrive que le croisé ne retrouve pas du tout sa continuité. Le sportif constatant son instabilité plusieurs semaines après une torsion qui lui semblait bénigne ! Dans ce contexte, il est probable que la poursuite d’une activité sportive inadaptée ait fini de déchirer le croisé dilacéré.
Toujours est-il que cette constatation prêche en faveur du concept du ligament esseulé au milieu du genou dont les extrémités ne peuvent se rejoindre. Sur les IRM réalisées à distance du traumatisme, le radiologue mentionne souvent de façon laconique « le ligament croisé antérieur est retrouvé couché sur le plateau tibial », signant alors le glas d’une réparation naturelle.
Au contraire, sur les images prises plus précocement, le croisé est très souvent encore redressé dans l’articulation. Il apparaît néanmoins « flou et nuageux ». Visiblement, il a souffert mais on peut concevoir qu’il retrouve une bonne texture non loin de son emplacement anatomique.
Il existe un examen nommé GNRB qui a pour indication la mesure du déplacement du tibia par rapport au fémur. On considère que le croisé est rompu lorsque le décalage est supérieur à 5 mm en comparaison avec le côté opposé. Au cours de ce test, la traction atteint 250 à 500 newtons. À tester ainsi la solidité du croisé résiduel, on risque de compléter sa rupture !
Cette évaluation est déconseillée si vous souhaitez faire cicatriser naturellement votre ligament. Pour éviter la chute du croisé, la médecine moderne vous propose trois stratégies complémentaires. Elles visent à potentialiser le pouvoir cicatrisant de la nature.
Il s’agit du contrôle des mobilités, des injections de plaquettes et la poursuite d’activités sportives choisies.
Le premier item correspond à la prescription d’une attelle articulée préservant la flexion et l’extension du genou. Certaines sont réalisées sur mesure et entourent le mollet et la cuisse avec des coques rigides. Dans mon expérience, elles sont désagréables à porter et ne suivent pas les variations de circonférences musculaires inhérentes à la contraction.
La genouillère Softec Genu de Bauerfeind est pourvue d’un tissu élastique, de baleines articulées et de Velcro bien placés qui contrôlent efficacement la position du tibia sous le fémur. Le genou ne se dérobe pas et il ne se produit pas de tiraillement intempestif sur le croisé.
Certaines études ont imposé aux patients des attelles limitant l’extension et la flexion entre 20° et 80°. Dans mon expérience, cette contrainte est inutile. Au contraire, le ligament bénéficie de ces mises en tension atraumatique pour se mécaniser et orienter paisiblement ses fibres dans l’axe des contraintes.
Le vélo est d’ailleurs repris dès le début du protocole et nécessite de plier le genou à 110°. Seuls les accroupissements en charge sont interdits.
Le deuxième item porte le nom de PRP pour Plasma Riche en Plaquettes. Ces dernières sont de petites cellules qui s’agglutinent en cas de plaies. Elles forment un bouchon organique, sont bourrées de molécules stimulant la croissance et attirent les cellules souches qui savent reconstituer tous les tissus.
Bien sûr, elles sont présentes dans l’épanchement sanguin initial articulaire et sont l’un des facteurs clés de la cicatrisation spontanée. Mais en ajouter 1, 2 voire 3 seringues, échelonnées dans les semaines qui suivent la blessure, notamment quand le caillot naturel déserte l’articulation, contribue à augmenter nettement les chances de reconstitution du ligament.
Pour cela, le radiologue ou le chirurgien vous fait une prise de sang. Il centrifuge le tube obtenu et récupère la hauteur correspondant aux plaquettes. Dans les minutes qui suivent, il réinjecte le concentré plaquettaire et le fait couler sur le croisé convalescent.
Pour cela, il pique sur le côté de votre rotule. Pour atteindre le centre du genou, l’aiguille est un peu longue… mais le geste n’en est pas plus douloureux.
Le troisième item de notre protocole thérapeutique correspond à une activité sportive sans risque et peu traumatisante mais d’intensité et de spécificité croissantes. Ses objectifs sont multiples.
Premièrement, elle évite le déconditionnement source de récidive.
Deuxièmement, elle permet de conserver la force, l’amplitude et la coordination assurant ainsi un gain de temps précieux au moment de reprendre vos sports de prédilection. Ces intérêts fonctionnels s’associent à des impacts positifs sur le ligament lui-même. Les sollicitations mécaniques progressives en deçà du seuil de résistance se révèlent bénéfiques pour orienter les fibres dans l’axe des contraintes et accroître sa solidité. Le mouvement articulaire est source d’ouverture vasculaire au sein des tissus constitutifs. Cette vasodilatation favorise l’oxygénation et la nutrition de votre ligament en cours de cicatrisation. De fait, l’activité physique est reprise quelques jours après le traumatisme, sous couvert de l’attelle articulée.
En pratique, il s’agit du sport en salle incluant du vélo, du stepper et de l’elliptique. De la musculation s’y associe volontiers : la presse et le travail des ischio-jambiers sont les bienvenus. Seuls sont proscrits les exercices renforçant isolément le quadriceps car ils tirent le tibia vers l’avant et malmènent le croisé en cours de cicatrisation.
Bien sûr, ces activités peuvent s’intégrer à des séances de rééducation encadrées par un bon kinésithérapeute. Mais attention, la prudence s’impose, notamment avec les exercices d’équilibre appelés aussi « proprioception ».
Initialement, il est impératif qu’ils soient peu contraignants et réalisés avec la genouillère. En clair, à ce stade, un travail en appui sur une jambe sur sol stable s’avère suffisant. Le mieux est rapidement l’ennemi du bien et les échecs de ces protocoles en sport de haut niveau s’expliquent en partie par un emballement de la remise en fonction ! Patience et progressivité sont indispensables… et permettent souvent de gagner du temps par rapport à un traitement chirurgical !
Si le geste de pédalage est autorisé, le vélo de ville est vivement déconseillé car il inclut des mouvements non programmés et désaxés particulièrement lors des reprises d’appui aux feux. Il en est de même du VTT…
À l’inverse, le cyclisme sur routes peu fréquentées est possible si tant est que vous enleviez les cale-pieds et les pédales automatiques pendant au moins 4 mois. Contentez-vous de simples coques car les torsions de genoux inhérentes aux déchaussages sont trop agressives pour votre croisé convalescent.
À six semaines, j’ai l’habitude de réaliser une première IRM de contrôle. Dans la grande majorité des cas, on constate que votre ligament croisé antérieur a retrouvé sa continuité ! Attention, il n’est pas solide ! Il doit encore s’épaissir et il faut attendre que ses fibres s’orientent dans l’axe des contraintes croissantes que nous allons lui programmer ! Dans ce contexte, après 1 mois et demi, le ligament peut tolérer et même bénéficier des à-coups de la course à pied… toujours avec la genouillère !
Il est recommandé de reprendre progressivement, pourquoi pas sur tapis en guise d’échauffement ou de retour au calme à l’occasion de votre travail cardio-vasculaire en salle. Après avoir trottiné 30 minutes, vous courez dehors. Mais prudence, restez sur chemin régulier ou macadam ! Ce n’est pas encore du trail avec des racines, des pierres et des ornières. Les exercices de coordination peuvent se compliquer, mais l’attelle de sécurité est encore de mise !
En pratique, il faut la conserver 4 mois dans la vie quotidienne et 6 mois pour le sport ! Mais la gêne occasionnée est modérée, vous pouvez plier et tendre le genou blessé comme son voisin d’en face. Hormis les blue-jeans très serrés, tous les pantalons sont aisément enfilés notamment ceux de costumes ou de tailleurs.
À 4 mois, vous enlevez la genouillère dans la vie quotidienne et pour le cardio-training en salle. Vous la conservez pour faire du sport à l’extérieur. Ainsi équipé, vous pouvez commencer à vous aventurer sur les chemins de traverse à l’occasion de vos footings et participer à quelques compétitions de course sur route. Si vous êtes golfeur, vous êtes autorisé à renouer avec les approches. Au tennis, les gammes techniques sont les bienvenues.
À 5 mois, les trails courts, les swings au golf et les échanges au tennis sont possibles mais toujours avec l’attelle.
À 6 mois, vous enlevez définitivement la genouillère. Vous avez l’endurance et l’équilibre pour allonger les distances sur terrains irréguliers. Vous chaussez à nouveau les pédales automatiques et retrouvez le plaisir du triathlon.
Au tennis et au golf, c’est le moment de vous inscrire à votre tournoi estival habituel. L’IRM de contrôle et même le GNRB sont normaux et finissent de vous rassurer ! Vous avez quasiment oublié votre genou !
Le football, le rugby ou le hand et tous les sports dits de « pivots contacts » n’ont pas été cités ! En effet, les tentatives par « Attelle articulée + PRP + Sport » chez ces athlètes de haut niveau se sont montrées inappropriées. Soit le ligament ne cicatrisait pas, soit le genou ne retrouvait pas sa stabilité.
Plus que les contraintes mécaniques majeures inhérentes à ces disciplines, c’est le non-respect des délais indispensables à la cicatrisation ligamentaire qui semblait à l’origine de ces mauvais résultats. Alors qu’au sein du grand public, les aléas thérapeutiques proviennent souvent d’une trop grande timidité à entretenir la fonction locomotrice, au sein des structures de
haut niveau on assiste à une problématique opposée. Kinésithérapeutes et préparateurs physiques sollicitent trop précocement et trop vigoureusement les tissus en cours de cicatrisation.
On constate notamment une confusion entre remise en continuité du ligament et récupération de sa solidité. Et cet écueil peut se révéler fatal concernant le ligament croisé antérieur.
Toujours est-il que l’indication idéale est la suivante : homme ou femme de plus de 40 ans victime d’une rupture du ligament croisé antérieur au ski et pratiquant le cardio-training, la musculation, le vélo, le triathlon et la course à pied, y compris le trail. La récupération est aussi très satisfaisante pour les pratiquants de cours de fitness et de danse ainsi que pour les tennismen et les golfeurs. Au sein de cette population, le protocole « Attelle + Injection de plaquettes + Sport » a permis la cicatrisation de tous les ligaments croisés et le retour au sport de prédilection. Bien sûr, l’année suivante, le retour sur les pistes de ski faisait partie des objectifs et n’a pas donné lieu à des récidives.
Dès les premiers jours en salle
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