Si la séance de récupération active est omniprésente dans les programmes d’entraînement, les études ne semblent pas la considérer comme indispensable. Loin de ressasser des conseils infondés, je vous propose une réflexion scientifique et pragmatique qui pourrait bien changer vos habitudes et vous faire gagner du temps !
Avant que les coureurs n’envahissent les trottoirs, le « footing de décrassage » a longtemps été la tradition au lendemain des matchs de football professionnels. Même selon les dires des entraîneurs, cette courte séance dominicale n’avait pas une grande justification physiologique.
Il est vrai qu’aucun scientifique n’a jamais vraiment trouvé de quoi il fallait décrasser les muscles. Ce moment était plutôt l’occasion d’un débriefing technique et tactique. Cette causerie se faisait à froid, à distance des tensions de la veille souvent source de maladresses pédagogiques, surtout en cas de défaite !
Ainsi, le coach se protégeait de ses propres excès en présence du président du club descendu dans les vestiaires. On savait que ce rendez-vous matinal avait également pour objectif de « resynchroniser » les joueurs.
En effet, ces sportifs avaient baigné dans l’adrénaline du match programmé à 21 heures, au moment où les Français se reposent devant la télé ! À l’issue, cette excitation biologique rendait tout endormissement rapide laborieux…
Ainsi, le « footing de décrassage » se révélait encore plus bénéfique pour ceux qui, ne trouvant pas le sommeil, avaient été contraints de festoyer toute la nuit…
Mais au moment où la course à pied se popularise, les recherches sur les athlètes se font plus nombreuses. En 1984, Sherman réalise une étude sur des marathoniens. Au cours de la semaine qui suit leur compétition sur la distance mythique de 42 km 195, il forme deux groupes.
Le premier se repose totalement et le second effectue des joggings de 20 à 40 minutes, en totale aisance respiratoire, à 50 % de leurs aptitudes cardiaques. Et que croyez-vous qu’il advînt ? Ceux qui avaient eu le courage de trottiner récupéraient plus tardivement leur force musculaire !
Dans la foulée, d’autres chercheurs se mettent au travail et, cette fois, ils étudient des footballeurs ! Là encore, Tessitore et Anderson ne mettent en évidence aucune différence sur de nombreux tests physiologiques de sauts, de sprints ou de force maximum ! Les hommes de terrain l’avaient bien senti, la séance de récupération active ne sert à rien ! Sinon à drainer le foie de quelques joueurs désynchronisés…, concept lui aussi plus populaire que scientifique !
Alors dans les clubs pros, la tradition s’érode et les lendemains de match deviennent souvent des journées familiales pour footeux sérieux et jeunes papas ! Mais c’est trop tard ! Le vieil exemple des pelouses et des stades est désormais installé sur le tartan et le bitume ! Et le coaching par Internet ne facilitera pas la transmission des connaissances physiologiques au pratiquant !
D’autant que d’autres études viennent semer la confusion ! Elles indiquent que la récupération active est efficace… entre deux efforts intenses séparés de quelques minutes. Encore faut-il lire et traduire rigoureusement les articles !
Mais cette notion, vous la connaissiez déjà ! Vous la mettiez en pratique au sein de vos entraînements fractionnés. Dans ces conditions, vous le savez, l’exercice peu intense permet de consommer l’acide lactique, limitant ainsi ses effets sur l’essoufflement, les douleurs musculaires et le blocage des réserves énergétiques.
À l’inverse, lors d’un repos prolongé, l’acide lactique n’est pas brûlé mais recyclé paisiblement en glucose dans les muscles et dans le foie ! En tout cas, il est absent des masses musculaires au lendemain de la compétition ! Et le footing de décrassage ne permet pas de l’éliminer ! Il a déjà disparu ! Notons que cette « récupération active utile » porte aussi le nom de « retour au calme » lorsqu’elle termine une séance intense ! C’est ainsi qu’on a vu quelques préparateurs physiques audacieux proposer des footings cool down après les matchs sur des pelouses désertées !
Quelques cannettes propulsées par des supporters déçus et des avions pressés de décoller ont rapidement eu raison de ces bonnes initiatives physiologiques ! Alors, vous qui souhaitez mieux encaisser votre entraînement dur, ne faites pas comme les footeux qui rejoignent le vestiaire à une fréquence cardiaque de 180 ! Prenez le temps de trottiner afin de vous octroyer une récupération active utile !
Vous l’avez compris, la séance de récupération ne la joue pas à la hauteur de ses ambitions. Dans la vraie vie, elle est fortement concurrencée par la séance de « récupération passive », jargon de physiologiste utilisé pour décrire la journée de repos.
Chez le sportif assidu, à l’entraînement quasi quotidien, cette dernière revêt une grande importance. Au sein d’un emploi du temps tendu, imposant des entraînements très matinaux ou très tardifs, sauter le footing de décrassage, c’est avant tout l’opportunité de dormir !
Et cette fois, les études foisonnent pour montrer que dormir améliore les performances et limite le risque de blessure. Rien de plus logique puisque le sommeil profond s’accompagne d’un pic de sécrétion en hormone de croissance.
Cette dernière est encore produite chez l’adulte où elle stimule la construction et la réparation des tissus. C’est grâce à ce messager biologique que s’enclenche la fameuse « surcompensation », réponse adaptative aux « décompensations » inhérentes aux agressions de l’entraînement. De la même manière, elle active la régénération des microlésions de l’appareil locomoteur.
De façon encore plus évidente, le sommeil permet au système nerveux central de récupérer. Une étude chez des basketteurs de bon niveau met en évidence que dormir 2 heures de plus chaque jour pendant plusieurs semaines augmente de 20 % leur probabilité de réussite au lancer franc.
Alors qu’un sportif professionnel progresse de 3 % par an, on pourrait presque vous invectiver : « Arrêtez de vous entraîner ! Dormez ! » Chez le coureur, cette amélioration gestuelle correspond à l’optimisation du rendement.
Ce paramètre se montre essentiel car vous répétez des dizaines de milliers de foulées. Et plus encore quand votre âge avance et que votre marge de progression physiologique s’émousse ! Zapper le footing de décrassage, c’est l’opportunité de mettre un dernier coup de collier pour clore un dossier important.
C’est surtout l’occasion de passer du temps en famille, de voir des amis ou de prendre du temps pour soi, quitte à « apprendre à apprivoiser l’oisiveté ». La « méditation » et sa cousine la « relaxation » apaisent le système nerveux réflexe. Elles calment le système nerveux « sympathique » excitateur et boostent le « parasympathique » qui repose l’organisme. Voilà une vraie méthode de récupération ! Vous le savez aussi bien que moi, les coureurs assidus sont fréquemment des hyperactifs qui ont besoin de s’occuper…
Mais cette surenchère de combustion énergétique est source de fatigue, en particulier quand l’âge avance ! En clair, sauter le « footing de décrassage » constitue une stratégie pour lutter contre l’addiction au sport ! Dans le domaine de la dépendance, les spécialistes évoquent une désocialisation et un repliement sur soi. De fait, se passer d’une séance inutile sans culpabiliser, ce peut être l’occasion de dîner avec des amis ou d’accompagner votre épouse pour voir un bon film.
La « séance de décrassage » devient alors « séance de cinéma ». Madame, au lieu de courir, la science peut négocier avec vous un petit compromis comme un cours de yoga, car cette activité se situe à mi-chemin entre sport et méditation. Une autre idée ? Un autre compromis ? Connoté plus masculin !
Messieurs, laissez vos jambes au repos, optez pour du renforcement des membres supérieurs. Ces exercices se révèlent bien complémentaires de la course et contribuent à la santé de votre appareil locomoteur. De surcroît, il a été montré qu’une séance de musculation déclenche une élévation des hormones sexuelles anabolisantes.
Voilà que travailler les bras favorise la reconstruction des muscles des jambes ! À ce stade de la réflexion, une remarque s’impose. La fatigue générale que vous ressentez après une grosse séance ou une compétition constitue une forte participation hormonale. Tout se passe comme si l’effort intense avait nécessité une décharge de messager chimique pour stimuler les muscles.
Les principales glandes mises à contribution sont la surrénale, le testicule ou les ovaires. Comme son nom l’indique, la première se situe au-dessus du rein. Elle sécrète les hormones du stress, l’adrénaline et le cortisol, chargées de l’éveil et de la libération de l’énergie. Les secondes sont les hormones sexuelles, elles sont chargées de limiter la destruction des tissus puis d’enclencher leur reconstruction.
Toutes ces molécules restent à des concentrations élevées dans le sang quelques dizaines de minutes après un entraînement léger : vous avez la pêche ! Lors des grosses épreuves, vous essorez vos glandes sécrétrices. Leurs taux sanguins baisse insidieusement au cours de l’épreuve. Pour illustration, la fréquence cardiaque des traileurs baissent inexorablement en fin d’ultra, alors même que l’intensité ne diminue pas autant !
Dans les heures, voire les jours qui suivent, vous vous sentez fatigué, même épuisé. Une séance de décrassage occasionnerait une nouvelle décharge des maigres stocks hormonaux reconstitués. Dans ce contexte, vous comprenez que le repos complet se révèle la meilleure méthode pour vous régénérer.
Mais mon message de médecin du sport ne consiste pas à vanter les mérites de la position assise dans votre canapé ! Si vous vous entraînez seulement 3 fois par semaine, vous disposez déjà de 4 récupérations passives hebdomadaires ! Cette fois, zapper le « footing de décrassage » reste une bonne idée… pour programmer une séance intense !
Si vous souhaitez respecter la tradition du « décrassage », si le sport constitue pour vous un rituel apaisant inscrit dans votre quotidien, tentons ensemble de trouver la moins mauvaise des séances. L’altération de la force musculaire constatée chez les marathoniens qui décrassent en trottinant est liée aux caractéristiques biomécaniques de la course.
En effet, chaque fois que votre pied reprend contact avec le sol, votre membre inférieur se plie légèrement pour amortir la réception et accumuler l’énergie élastique optimisant la relance. Au cours de ce mouvement, les membranes musculaires partent avec les articulations et les fibres musculaires tirent en sens inverse.
À la jonction, il se produit des microdéchirures à l’origine d’une inflammation et de courbatures. Cette contraction de freinage, dite « excentrique », explique les lésions et les douleurs affectant la force musculaire. Soit dit en passant, les étirements procèdent du même mécanisme et déclenchent une agression tissulaire voisine.
Là encore, vous le savez désormais, le stretching ne constitue pas non plus une pratique adaptée à la récupération ! Autre reproche fait au footing lent : la faible flexion de genou et hanche. Les muscles sont insuffisamment mobilisés ; l’alternance contraction / décontraction ne crée pas suffisamment de variations de pression pour pomper beaucoup de sang. Le muscle ne parvient ni à s’oxygéner ni à se drainer correctement.
Alors, pour relancer son métabolisme sans surmener le cœur et le système hormonal, il faut trouver une activité peu intense, ne soulevant pas le poids du corps, sans freinage et mobilisant les membres inférieurs sur de grandes amplitudes. Il est recommandé de pédaler, de ramer ou de nager !
Concernant les deux premières options, la version indoor est recommandée. Vous affranchir du relief et des courants vous assurent une intensité raisonnable. À propos de la natation, la brasse est préférable au crawl car ce dernier maintient la jambe au voisinage de la rectitude et ne vascularise pas suffisamment les muscles.
À l’inverse, la première technique mobilise encore plus les hanches et les chevilles que le vélo ! Alors n’hésitez pas à aller à la piscine ! Bien sûr, la durée doit rester limitée, de l’ordre de 20 à 40 minutes. Ce qui fait dire que la séance de décrassage n’est « ni longue, ni intense » ! Si vous êtes bien entraîné, cet entraînement vous semble léger !
En l’absence de pénibilité, vous ne produisez pas d’endorphines, les fameuses hormones du bien-être. Vous terminez sans avoir eu votre « dose de bonheur » ! Vous vous sentez un peu frustré ! Une caractéristique incontournable d’une séance de décrassage réussie, un pas aussi pour lutter contre la dépendance !
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