Face à une « explosion » de maladies de Lyme, transmises par les tiques, le gouvernement a édicté un plan national de lutte (2016) et la Haute Autorité de santé a publié des recommandations (2018). Les sociétés savantes médicales et les associations de patients n’en sont pas satisfaites. Assertions faussées par les émotions et déclarations publiques se ultiplient. Corrigeons le tableau.
Par le Docteur Sophie Duméry, membre de la commission médicale de la FFRandonnée
Santé publique France annonce une augmentation du nombre de cas de maladie de Lyme en 2019: soit 84 cas pour 100 000 habitants. Les 60-70 ans sont nombreux, reflétant leur fréquentation accrue des sentiers. Les zones les plus touchées sont l’Alsace, le Limousin et la région Rhône-Alpes.
Transmise par une piqûre de tique uniquement, et une seule famille de tiques (Ixodes ricinus), la maladie de Lyme est due à la bactérie Borrelia burgdorferi. Plusieurs espèces proches provoquent des « borrélioses de Lyme » au sens large, qui s’expriment diversement selon la variante bactérienne. Une récente publication française le démontre : il y a (ou non) une atteinte neurologique, articulaire ou simplement cutanée. La salive de la tique joue aussi un rôle dans la vitesse de l’infection et le type d’organes touchés.
Les borrélioses évoluent en trois stades. Seul le premier stade, local, est visible : « l’érythème migrant ». Cette rougeur en cocarde (au moins 5 cm de diamètre classiquement) s’étend de manière centrifuge à partir de la morsure. Il suffit de faire le diagnostic de certitude, mais il est souvent absent (une fois sur deux au moins) ou si discret que personne ne s’en aperçoit. De plus, son délai d’apparition peut atteindre quatre semaines, imposant une surveillance attentive pendant un mois.
L’infection peut s’arrêter à cette phase localisée. Situation vraisemblablement fréquente, mais mal évaluée puisque la personne ne la signale pas. Dans le cas contraire, les borrélies disséminent dans l’organisme en provoquant des réactions inflammatoires parfois graves : articulaires et musculaires, cardiaques, des nerfs et des méninges qui miment une sclérose en plaques ou une paralysie faciale (surtout chez l’enfant).
L’érythème migrant pris pour une « simple » piqûre d’insecte est négligé par les patients et les médecins pressés. Cela alimente la peur rétrospective d’une borréliose méconnue. En cas de malaise persistant, cela mène vite au soupçon de maladie de Lyme. Une équipe française a montré que, dans un groupe de personnes en errance diagnostique, seules 10 % d’entre elles avaient une borréliose réelle. La bonne attitude est donc de s’adresser à des experts en cas de doute pour un diagnostic exact et un traitement adapté.
Selon les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) en juin 2018, au stade local d’érythème migrant, la maladie se traite par 14 jours d’antibiotique. Les traitements plus longs sont du ressort des spécialistes, car ils provoquent des résistances bactériennes et des surinfections dangereuses. Pour rassurer les inquiets : la maladie de Lyme neurologique (la plus inquiétante) n’entraîne pas plus d’hospitalisations ou de décès chez les patients que dans la population générale. Enfin, il ne faut pas trop espérer d’un traitement antibiotique. Tardif, il n’annule pas la réaction inflammatoire provoquée par la bactérie si elle est trop engagée.
Chez Ixodes ricinus le taux d’infection par Borrelia Burgdorferi en France est de 10 % pour les nymphes et de 20 % pour les adultes. L’Alsace et la Lorraine sont les foyers les plus importants, avec extension progressive au Nord, au Centre, à l’Auvergne-Rhône-Alpes. Aucune région ne sera à terme exempte de tiques infectées ; les mesures de prudence sur tout le territoire métropolitain sont donc impératives.
Le risque infectieux est dit « faible » dans les premières 24 heures du repas de la tique, « sérieux » au-delà de 48 heures,
« certain » après 72 heures… si germes il y a dans la tique ! Toutefois la transmission de la Borrelia peut être plus rapide. La nymphe peut infecter sa victime dès la 12e heure d’accrochage, et l’adulte dès la 24e heure de son repas. En conséquence, il faut les décrocher rapidement en inspectant sa peau régulièrement lorsqu’on randonne (matin et soir), sans oublier les cheveux, les plis, même les plus intimes. La douche, le changement de vêtements et les pauses sont de bons moments pour s’inspecter, avec de l’aide pour les parties difficiles à voir.
Les autres techniques ont le défaut d’être inopérantes ou régurgitantes ou invérifiées. En particulier la pince à épiler : elle stresse la tique qui régurgite plus de salive où se collectent les bactéries qu’elle transmet : le risque infectieux est accrû.
Toutes les tiques ne sont pas infectées donc infectantes. Et si vous retirez rapidement la tique son repas sera trop court pour une transmission de bactéries.
Pour satisfaire sa curiosité : l’ouvrage savant, mais lisible, de Sarah Bonnet et collaborateurs (IRD) ou le site de l’INRA : https://presse.inra.fr/Communiques-de-presse/dossier-de-presse-tiques
Acariens en expansion naturelle pour cause de réchauffement climatique et de modification de la faune cible, les tiques s’attaquent désormais souvent à l’Homme. Elles peuvent transmettre plus d’un agent infectieux, en dehors de la maladie de Lyme.
Ce sont des arthropodes hématophages qui piquent/mordent (les deux termes sont exacts) leur proie avec un rostre dur pour en sucer le sang. Les tiques dures parasitent les mammifères et les tiques molles parasitent les oiseaux (migrateurs en particulier). Chez les tiques dures, le genre Ixodes prédomine en France. Au sud, le genre Dermacentor, très présent, remonte au nord avec le réchauffement climatique. Ayant besoin d’humidité pour survivre, les tiques affectionnent les pénombres humides (forêt, bosquet, friche), mais aussi la chaleur pour se reproduire ; elles s’activent au printemps avec la pluie et le retour du soleil.
Les œufs de tiques donnent des larves qui se transforment en nymphes plus agiles, puis en adultes encore plus agiles et désireux de se reproduire. Cette croissance en 3 stades ou stases (en 2 à 4 ans pour un cycle reproductif total) nécessite de l’énergie que les tiques trouvent dans trois longs repas sanguins : un à chaque stade, qui dure de 4 à 10 jours.
Plus la bestiole est petite, plus elle est sensible à l’assèchement de l’atmosphère durant la journée et moins elle grimpe haut sur les herbes, plantes et arbustes pour se mettre à l’affût. Elle y attend qu’une proie passe sur laquelle elle se laisse tomber ou rampe ; puis elle s’accroche pour investir les zones corporelles humides, tranquilles et chaudes (plis et poils). Les animaux qu’elle pique sont logiquement plus grands avec le temps et ses repas plus copieux et plus longs (7 à 10 jours pour les femelles en phase de ponte), avant de lâcher prise et tomber à terre.
Signalez les piqûres sur le site https://www.citique.fr
ou par appli smartphone « Signalement-Tique » : http://ephytia.inra.fr/fr/P/159/Signalement_TIQUE
Le site donne la conduite à tenir pour adresser la tique aux services chargés de les surveiller. Si vous n’envoyez pas la tique aux scientifiques, détruisez-la. Elle ne fera pas d’autres victimes.
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