La performance sportive est corrélée à la récupération physique ; c’est cette alternance qui permet de se maintenir et de progresser dans une activité sportive, cela semble une évidence. Mais quelle signification donne-t-on à ce mot, « récupération » ?
Par le docteur Patrice Delga, médecin fédéral
La récupération physique englobe deux entités différentes, intimement liées : la récupération des dépenses énergétiques et le repos physique et psychique. La base de la récupération énergétique, c’est l’alimentation. Pour compenser la dépense calorique à l’effort physique, il faut un apport énergétique afin que le moteur continue de fonctionner. Cette connaissance des besoins énergétiques est bien documentée. Actuellement, on insiste autant sur la qualité de l’alimentation, sa diversité, et particulièrment sur la chrono-alimentation, c’est-à-dire la répartition de l’apport des nutriments à des horaires de la journée bien précis, apport des lipides, protides, glucides et des oligoéléments. En fonction de l’entraînement et de l’horaire de l’épreuve sportive visée. L’alimentation devenant ainsi presque un véritable médicament ! De même, on retrouve un certain nombre d’articles sur la récupération physique après l’effort, qu’elle soit active ou passive. Du sommeil récupérateur on parle beaucoup moins, probablement parce que cela semble l’évidence, le sommeil est reconnu indispensable, simplement pour vivre plus que pour performer. Pourtant, comprendre les mécanismes qui le régulent permet une planification plus efficace de l’état de vigilance du sportif et encore plus de l’athlète de haut niveau, aussi bien pendant la période d’entraînement que lors de la période de compétition.
Il est communément admis que l’exercice physique est un facteur important de la promotion du sommeil, c’est-à-dire la période d’endormissement. A contrario, les sportifs obligés de se tenir alités, pour un handicap temporaire, se plaignent très rapidement de la difficulté de s’endormir, et des longueurs des nuits. Cela signifie des cycles de sommeil raccourcis et principalement modifiés dans leur qualité avec très peu de phases de sommeil lent profond. Le type d’activité physique semble avoir peu d’effet sur la qualité et surtout sur la longueur du sommeil. En revanche, l’activité sportive, par le biais exutoire qu’elle représente dans notre monde moderne sous pression, induit une sensation de délassement, facilitant l’endormissement à l’heure venue. L’activité physique engendre une sécrétion d’endorphine, neuromédiateur du cerveau, proche chimiquement de la morphine, procurant cette sensation de détente et de bien-être. En pratiquant régulièrement une activité sportive, on va améliorer ses capacités cardio-respiratoires et donc sa VO2max. En respirant mieux, on dort mieux, le rythme cardiaque de base va baisser au repos, la tension artérielle sera plus basse, autant d’éléments contribuant au bon fonctionnement du corps, maintenant une bonne homéostasie et un bon équilibre nycthéméral (jour/nuit). L’apnée du sommeil est bien moins fréquente chez le sportif régulier.
Attention aux horaires ! Pour ne pas perturber l’heure d’endormissement habituelle, le créneau horaire de l’activité sportive se situe entre 4 h et 8 h avant la phase d’endormissement. Pratiquer en soirée une activité physique intense engendre hyperthermie et sécrétion d’adrénaline qui sont deux facteurs stimulants. Avant le retour à l’état métabolique de base (nécessité d’hypothermie relative du cerveau pour s’endormir), la première porte du sommeil risque d’être dépassée. Le début de la nuit sera d’autant plus difficile que l’on recherchera volontairement le sommeil. La phase d’endormissement survient naturellement, elle ne se maîtrise absolument pas. À plus de 8 heures de l’horaire d’endormissement, l’impact positif de l’activité sportive semble aussi de moindre effet sur la qualité du sommeil.
Un cycliste qui s’entraîne 3 fois par semaine en plus de ses activités socioprofessionnelles aura donc intérêt à répartir ses entraînements en fonction de la longueur et de l’intensité de l’effort. Prévoir une sortie longue plutôt le matin et donc le WE, la sortie technique sera plus courte, ou la sortie d’endurance moins intense. Pratiquer après les horaires de travail devrait moins perturber l’horaire d’endormissement.
Dans plusieurs études, il est rapporté que presque la moitié des sportifs de haut niveau, de différentes spécialités, signale un sommeil plus difficile en pleine saison de compétition (46 % des athlètes). Un certain nombre a alors eu recours à des hypnotiques pour cette période. Ce n’est pas sans conséquences pour la performance à venir des mauvais dormeurs. Pire encore, d’autres études cliniques montrent que le risque de se blesser est 1.7 fois supérieur chez les athlètes dormant moins de
8 heures par nuit. Ces constatations doivent être nuancées en rappelant que la durée du sommeil est individuelle, il y a de gros dormeurs et de petits dormeurs. De même, il existe une relation entre l’insomnie et une baisse de l’immunité. Les rhumes et les infections opportunistes sont plus fréquents chez les sportifs qui dorment moins de 5 heures par nuit. Afin d’éviter l’utilisation de médicaments, l’entourage médical de ces sportifs a proposé, lors de la seconde saison de compétition, de tester de simples conseils d’éducation au sommeil, avec un certain succès, car 83 % de ces sportifs ont déclaré avoir un meilleur sommeil, ce qui signifie un réveil confortable !
La sieste pourrait être comparée à l’effet d’un médicament ! Elle entraîne un bien-être apparent immédiat si elle est judicieusement programmée, au bon horaire, mais comme tout médicament efficace, elle n’est pas dénuée d’effets secondaires délétères. En abuser conduit à l’insomnie.
La sieste peut être utilisée :
Les différents types de sieste:
Pour les sportifs de haut niveau, le sommeil est la clé du succès : bien géré, c’est le podium ; négligé, c’est l’accident. Les médecins en ont tiré des conclusions concrètes, concernant tout un chacun. Des études portant sur les basketteurs professionnels ont montré qu’une sieste bien programmée augmentait leur précision de tir de 9 % au cours de l’entraînement ! C’est la « power nap » (sieste énergisante).
Quand on pense gestion du sommeil, on pense bien sûr au navigateur solitaire et à l’épreuve la plus endurante, le tour du monde à la voile, le célèbre « Vendée Globe ». La gestion de la pression psychologique, du risque pris à des vitesses extrêmes et du temps passé en mer, autour de 80 jours, met l’organisme dans une éprouvante sollicitation.
Jean Pierre Dick et bien d’autres grands navigateurs ont eu recours aux médecins spécialistes du sommeil pour apprendre à se connaître. Les premières données à collecter sont de déterminer précisément le noyau dur de son sommeil, ainsi que le nombre de cycles de sommeil indispensables et leurs horaires et mesurer l’intervalle de temps d’éveil entre deux cycles. En fonction de ses propres critères physiologique vespéraux, il faut apprendre à réduire le temps de sommeil au minimum.
1/3 du sommeil habituel est en général suffisant pour rester efficace, donc compétitif, pendant les deux mois de l’épreuve. Apprendre à se contenter d’un à deux cycles de sommeil de 1 h 15 maximum en continu en fonction des dangers, des intempéries, et récupérer par des siestes de 10 minutes fractionnées dans les 24 h, voire en période critique de simples flashs d’une minute, pour tenir les deux heures à suivre.
Dès que le périple nécessite plus de 48 h d’efforts ininterrompus, il faut anticiper la gestion du sommeil qui fera partie intégrante de l’épreuve et sera une clé de la réussite de celle-ci. L’ignorer amène à l’épuisement, et rapidement à la perte de lucidité et à la survenue d’hallucinations.
Le cerveau manifeste aussi sa souffrance et son épuisement. Le cyclosportif aguerri à l’épreuve analyse son rythme de vie normal. En premier, observer et noter la durée de son sommeil.
Suis-je un petit < 6 h ou grand dormeur > 8 h ? Combien de cycles de 90 minutes me sont nécessaires ? L’heure habituelle de l’endormissement et celle du réveil doivent servir de premiers repères. Fort de ces données, les portes du sommeil de chaque cycle de 90 minutes seront une des données personnelles à essayer d’individualiser. Les montres connectées objectivent avec une certaine précision les phases du sommeil. Au quotidien, scruter, « éplucher » son sommeil risque d’être plutôt obsédant et donc délétère pour l’endormissement. Cependant, il faut reconnaître dans cet objectif particulier que ce n’est pas dénué d’intérêt.
Le, ou les brevets de 600 km, autorisant l’accès à « l’épreuve reine », sont rendus obligatoires, justement dans le but de faire prendre conscience des difficultés à gérer la récupération. Confronter les horaires de somnolence sur le vélo avec ses données de base connue s’impose. Il ne faudra surtout pas sauter l’horaire privilégié où la vigilance s’amoindrit, l’envie de dormir se faisant fortement ressentir. De même, il faudra programmer judicieusement l’alarme de son Smartphone, pour se réveiller à la fin d’un ou de deux cycles présumés entiers du sommeil.
L’endroit idéal pour se reposer, c’est plutôt un point de contrôle. Le redémarrage ne sera que plus aisé, avec cette impression d’une partie de la tâche accomplie. L’horaire idéal serait la deuxième partie de nuit, entre 2 h et 5 h du matin. Le réveil coïncide alors avec la lumière du jour. Cette luminosité est un excellent stimulus naturel pour reprendre un effort. Un seul cycle de sommeil complet (90 minutes) donne le sentiment d’avoir peu, mais bien dormi. Le premier cycle de sommeil qui inclut la majorité de la phase profonde de sommeil est le plus récupérateur. Les scientifiques estiment que ce premier cycle apporte à lui seul 50 % des besoins en sommeil !
Vos propres spécificités chronobiologiques, votre perception personnelle de l’art de la sieste et de sa gestion, vous guideront. Le lieu de choix privilégié est toujours le point de contrôle, mais n’importe quel endroit peut convenir si une phase d’endormissement devient trop intense. Un arrêt de quelques minutes, pour une sieste flash, ou bien de 10 à 20 minutes, lorsque la perte de vigilance se fait sentir, vaut mieux qu’une chute ! En revanche, les horaires de réveil naturel : 7 h – 12 h et 16 h – 19 h, sont à éviter, le sommeil en est moins récupérateur.
Prenons, par exemple, les cyclistes féminines qui se sont donné comme objectif de converger de toute la France pour se réunir à Toulouse au mois de septembre 2021. Cela représente au quotidien, quelles que soient les intempéries, une randonnée cycliste de 5 à 8 h de selle par jour. Cela ne peut se concevoir sans une bonne gestion de la récupération et donc un bon sommeil. Or, si l’effort physique est indispensable pour bénéficier d’un sommeil de qualité, l’endurance soutenue et prolongée risque d’avoir un effet antagoniste qu’il faut apprendre à déjouer.
En définitive, le sommeil de qualité se construit dans la gestion de son activité diurne, la connaissance de soi et des mesures simples de bon sens aident souvent à le trouver.
L’effet jet lag bien connu entraîne surtout une perturbation du sommeil et de l’humeur, avec sensation de fatigue. Parfois des soucis digestifs complètent le tableau. On comprend bien que dans ces conditions les performances sportives sont moindres à court terme. Les voyages vers l’Est perturbent plus que vers l’Ouest. Il est plus facile de retarder un cycle de sommeil que de l’avancer.
Plus on franchit de fuseaux horaires, plus le retentissement physique risque d’être marqué, le seuil minimal étant de 4 à 5 heures de décalage. La sensibilité de chacun est imprévisible. On a néanmoins repéré que les gens âgés, « introvertis », habitués à un rythme régulier de vie seraient les plus fragiles. Comment s’adapter au plus vite ? Le sportif arrivera avant la compétition, autant de jours que de fuseaux traversés.
Dans l’avion dès le départ, il faut adopter l’horaire de destination, régler sa montre en conformité avec l’heure du pays, s’alimenter et dormir selon ces horaires repères. L’atmosphère pressurisée d’un avion étant très seche, s’hydrater suffisamment participe à une bonne adaptation. La mélatonine par voie orale, selon des études récentes, soulagerait les effets subjectifs du « jet lag », à condition de prendre le comprimé dans la soirée dès la veille du départ, puis les soirs suivant l’arrivée à destination, et de réduire rapidement. Elle a la réputation de raccourcir le temps d’endormissement.
Vous voici paré pour gérer efficacement vos nuits de sommeil. Vous avez compris que l’on ne peut pas commander le sommeil. Plus on le cherche, moins on le trouve ! Pour le gérer au mieux, il faut bien avoir intégré l’importance de l’alternance activité-repos et connaître la chronicité de son sommeil. Mais finalement a-t-on répondu à la question : « qu’est-ce qu’un bon sommeil » ?
Pour bien piloter son propre sommeil, il faut parfois réviser certaines idées reçues !
Les bons conseils des uns ne sont d’aucune aide pour les mauvais dormeurs, car nous n’avons pas tous les mêmes besoins en matière de sommeil.
Répondez aux affirmations énoncées par oui ou par non : la réponse sera ensuite détaillée.
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