« Étrange », songea Benoît, haletant, en lâchant son chariot au sommet de la colline où débutait
le neuvième trou. « Je n’avais jamais remarqué que cette pente était si raide… » Il prit quelques instants pour reprendre son souffle, essayant de dissimuler sa gêne à Lucile, sa compagne, qui bavardait gaiement. 3 trous plus tard, après une nouvelle petite pente, l’inquiétude était devenue plus franche. Il venait d’avoir 58 ans, peut-être était-ce l’âge ? Mais Lucile, de cinq ans son aînée, franchissait sans mal les petits dénivelés du terrain… Il se souvint que depuis quelque temps, elle lui reprochait de « se traîner », et il s’apercevait que cette nouvelle lenteur était en réalité en lien avec un essoufflement, progressivement plus important avec les mois qui passaient… Certes, il avait pris un peu de ventre… Sa petite voix critique intérieure lui fit remarquer qu’avec 15 kg de trop, on avait largement dépassé le stade du « un peu de ventre » et ajouta que les années de « quelques cigares » par jour n’avaient pas dû aider… Peut-être était-ce seulement cela ? Un peu de poids, l’âge, et les poumons qui fatiguaient ?… Benoît ignorait s’il devait s’inquiéter ou non et décida d’en toucher un mot à son médecin traitant lors de la consultation prévue pour la semaine d’après…
Par les docteurs Dany-Michel Marcadet, Laurie Fanon (Centre Cœur et Santé Bernoulli, Paris),
Grégory Perrard (Hôpital Privé La Louvière, LILLE) et le professeur Olivier Dubourg (Hôpital Ambroise-Paré, Boulogne-Billancourt)
L’essoufflement à l’effort (votre médecin parlera peut-être de « dyspnée », ce terme médical signifiant une sensation de difficulté à respirer) est un symptôme très fréquent qui peut être en rapport avec de nombreuses situations et va souvent nécessiter une consultation chez votre médecin pour éliminer une pathologie (maladie).
Lorsque l’on pratique un exercice, les muscles mis en mouvement ont besoin d’oxygène (O2). Cet oxygène est apporté par le sang. Il se fixe sur l’hémoglobine, protéine située dans les globules rouges et, au contact du muscle, est transmis à la fibre musculaire. Là, l’oxygène participe à la formation d’énergie nécessaire à la contraction en « brûlant » les sucres et les graisses. Cette opération entraîne la production de gaz carbonique (CO2). Plus l’effort augmente, plus la demande en oxygène et plus la production de gaz carbonique augmentent. C’est ce dernier qui va stimuler la ventilation pulmonaire pour que les échanges au niveau de l’alvéole augmentent et que la quantité d’oxygène inspirée soit plus importante.
Parallèlement, le débit cardiaque va augmenter lui aussi pour apporter « plus » d’O2 à chaque battement. Ce débit s’accroît en augmentant la quantité de sang éjectée à chaque battement et en augmentant le nombre de battements par minute (fréquence cardiaque). En résumé, quand on fournit un effort, le cœur s’accélère et la fréquence respiratoire aussi. Pour des fréquences respiratoires élevées, on peut avoir une sensation d’essoufflement. Lorsque l’effort est maximal, cet essoufflement est tout à fait normal ! En revanche, il sera anormal dès qu’il survient pour un effort non maximal et d’autant plus suspect de pathologie que l’effort est modéré.
Il y a donc plusieurs éléments qui peuvent provoquer un essoufflement :
On le voit, les causes sont multiples et la plus fréquente est celle liée au muscle, c’est-à-dire à la capacité physique. Et à la désadaptation à l’effort engendrée par la sédentarité.
Toutes les enquêtes le montrent, la capacité physique et l’activité physique des Français ne sont pas suffisantes. Deux définitions sont importantes : celle de la sédentarité et celle de l’activité physique. La sédentarité se définit comme un temps éveillé passé en position assise ou couchée plus de trois heures par jour sans bouger (et non pas comme on le croit souvent par l’absence d’activité sportive !). De très nombreuses personnes sont au quotidien dans cette situation, notamment au travail (assis devant un écran informatique, conducteur de voiture, camion, train, car, etc.), au domicile (télévision, jeux vidéo, jeux de cartes, échecs, télétravail, etc.) ou en vacances (chaise longue !) alors qu’elles peuvent pratiquer une à deux heures de sport par semaine. Bien entendu, l’inactivité physique (définie comme l’absence de sport) est également un facteur de risque, responsable de 10 % des décès en Europe !
On distingue donc 4 catégories de personnes :
L’essoufflement est plus fréquemment retrouvé dans la première catégorie que dans la dernière. La capacité physique diminue régulièrement avec l’âge. Un sujet jeune n’aura aucune gêne dans la pratique du golf même sur les terrains les plus accidentés, alors qu’un sujet âgé, lui, sera plus vite essoufflé (bien entendu en fonction de sa capacité). On retrouve aussi une différence selon le sexe, les femmes ayant généralement une capacité physique moyenne plus faible que les hommes (différence en lien en partie avec une masse musculaire plus importante chez l’homme).
Le tableau 1 montre la capacité physique en fonction de l’âge chez les hommes et les femmes sédentaires. Les METs permettent de mesurer cette capacité qui est liée à la consommation d’oxygène : un MET correspond à une consommation de 3,5 ml/min/kg de O2 (ce qui est la consommation de repos moyenne) Le tableau 2 résume le nombre de METs pour la plupart des activités de la vie quotidienne.
Si votre capacité à l’effort est faible, pas de panique ! On peut l’augmenter en pratiquant plus d’activité physique ! Il suffira de vous entraîner ; sport en salle, jogging, avec un coach, etc., ou en jouant plus souvent dans la semaine (idéalement s’entraîner au moins 3 fois, réparties dans la semaine).
Les facteurs aggravants sont :
Les maladies musculaires sont heureusement rares et nécessitent une prise en charge dans les services spécialisés.
Le diagnostic de l’origine de l’essoufflement peut être fait à partir d’un test d’effort avec mesures des gaz expirés (O2, CO2), examen qui permet d’orienter le diagnostic vers le cœur, le poumon ou le muscle devant un essoufflement.
Le poumon est l’organe qui va évacuer le CO2, produit de la glycolyse (lyse des sucres pour fabriquer l’énergie) et prélever l’oxygène de l’air qui va se fixer sur l’hémoglobine. La capacité respiratoire est variable selon les individus, mais elle est aussi fonction de sa capacité physique et de son niveau d’entraînement.
Elle dépend :
Le poumon est particulièrement mis en cause chez les fumeurs, le tabac étant le premier responsable de la bronchite chronique obstructive et de l’emphysème : donc, tout essoufflement chez un fumeur doit conduire à faire un bilan qui comprendra une spirométrie et une imagerie des poumons :
Si votre essoufflement est lié à une pathologie pulmonaire, cela ne vous empêchera pas de jouer au golf, au contraire. On sait que la pratique régulière de l’exercice physique fait partie de la réadaptation des insuffisants respiratoires et permet d’augmenter la capacité de manière significative !
On l’a vu, l’hémoglobine joue un rôle important sur notre capacité physique. D’ailleurs, cela n’a pas échappé à certains sportifs qui utilisent les produits sanguins à des fins de dopage ! Si avoir beaucoup d’hémoglobine augmente la performance, en avoir trop peu la diminue. Lorsque le taux d’hémoglobine est trop faible (ce qu’on appelle l’anémie), la performance diminue et l’essoufflement survient. L’anémie peut avoir plusieurs causes et peut être plus ou moins importante. On la suspecte lorsque l’essoufflement s’accompagne de tachycardie (accélération du cœur) et de fatigue. On constate le plus souvent une pâleur au niveau de la peau et des muqueuses (aspect rose pâle de l’intérieur de la paupière inférieure). Les examens biologiques feront le diagnostic.
Lui aussi peut être responsable d’un essoufflement à l’effort et les raisons sont ici encore nombreuses.
Il s’agit soit d’une diminution de la force de contraction et donc de l’éjection du sang dans les artères de l’organisme (insuffisance cardiaque), soit d’un défaut de remplissage lié à un muscle trop épais par exemple. En effet, pour pomper, il faut « aspirer » d’un côté et « éjecter » de l’autre : si une faible quantité de sang entre dans le cœur, une faible quantité en ressortira. Cette insuffisance cardiaque peut être due à une anomalie du muscle cardiaque lui-même (anomalie congénitale ou génétique), d’une infection du cœur par un virus (on parle de myocardite) ou d’une atteinte toxique (produits toxiques, certains médicaments, en particulier certaines chimiothérapies en oncologie) ;
Les valves cardiaques permettent au sang de circuler d’une cavité à l’autre et d’être éjecté dans les artères pulmonaires pour y être oxygéné et dans l’organisme tout entier à partir de l’aorte. Si une valve (ou plusieurs en même temps) est défectueuse, soit rétrécie, soit fuyante (elle se referme mal), soit les deux, le débit cardiaque sera diminué, ce qui engendrera l’essoufflement. Il est possible que dans certains cas cette dyspnée s’accompagne d’une douleur thoracique et très souvent d’un souffle à l’auscultation du cœur qu’entendra le médecin pendant l’examen clinique ;
Il peut s’agir aussi d’une maladie touchant le système électrique du cœur, celui qui lui permet de s’accélérer à l’effort. Dans ce cas, il existe souvent une bradycardie (cœur trop lent) même au repos qui ne s’accélère qu’insuffisamment à l’effort et donc ne permet pas un débit cardiaque adéquat ; comme expliqué précédemment, le débit cardiaque, c’est la quantité éjectée multipliée par la fréquence cardiaque, c’est-à-dire le nombre de battements par minute. Si ce débit cardiaque ne peut augmenter, l’augmentation du débit cardiaque est également bridée. C’est le cas aussi chez certains sujets porteurs d’un stimulateur cardiaque ; un réglage sera alors nécessaire.
Il peut s’agir, c’est malheureusement une cause fréquente, d’une atteinte des artères coronaires, qui sont les artères qui irriguent le muscle cardiaque lui-même. Généralement, lorsqu’il existe une maladie coronaire, le sujet ressent plutôt des douleurs dans la poitrine, mais dans certains cas, il ne s’agit que d’une oppression ou d’une dyspnée, notamment chez les femmes. Pour orienter le diagnostic, on recherchera des facteurs de risque de cette maladie, à savoir :
Un examen cardiologique est absolument indiqué avec un examen clinique, un électrocardiogramme de repos et d’effort et éventuellement une série d’examens complémentaires si le diagnostic se précise (échographie, scintigraphie, coronarographie).
Dans presque tous les cas, après traitement, on pourra continuer le golf : on le conseillera même chez ceux qui ne le pratiquent pas, car il permet d’améliorer considérablement le pronostic de ces patients.
Il joue lui aussi un rôle important. L’anxiété, la dépression sont souvent responsables de troubles respiratoires, mais la pratique d’un exercice régulier permet souvent d’améliorer les symptômes.
En conclusion, l’essoufflement, symptôme banal, est parfois en rapport avec une pathologie qu’il faudra savoir rechercher, notamment chez ceux qui ont une capacité physique diminuée par rapport à la théorique liée à l’âge, mais aussi à la taille et au poids. Dans tous les cas, le diagnostic effectué et le traitement commencé, l’activité physique et donc le golf seront conseillés.
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