Cet été, les grandes balades en famille constituent une réelle préparation pour vos trails ! Vous pouvez y décliner de nombreuses thématiques spécifiques : adaptations articulaires, transitions métabolique et nutritionnelle, coordination, cardio et renforcement. Explications et idées d’entraînement…
Par le docteur Stéphane CASCUA, médecin du sport
Soyons honnête ! En trail, quand les distances s’allongent et lorsque le relief s’accroît, la vitesse diminue ! De fait, les ultra-traileurs parcourent des dizaines de kilomètres en marchant. Véronique Billat, célèbre physiologiste française spécialiste de la course à pied, est volontairement provocatrice lorsqu’elle nomme le trail « la rando active » ! Ainsi, en vous promenant en montagne au rythme de vos amis, vous faites déjà du trail ! Cependant, voici quelques astuces pour profiter au mieux de vos séances…
Le « long et lent » est une expression particulièrement usitée dans le monde de l’endurance équestre. À l’occasion de ces compétitions, des chevaux affûtés galopent sur des terrain variés et pentus jusqu’à 160 kilomètres. La distance parcourue résonne comme une concordance avec l’ultra-trail ! Les chevaux se blessent souvent pendant leur préparation ou lors des épreuves. La moindre boiterie constitue une cause d’élimination à l’occasion des nombreux contrôles vétérinaires qui jalonnent les courses.
LONG ET LENT POUR RENFORCER L’APPAREIL LOCOMOTEUR
Ainsi les cavaliers de haut niveau prennent-ils soin de renforcer les jambes fines et fragiles de leurs montures. Aux Émirats, les jeunes pur-sang arabes marchent dans le sable pendant deux ans avant d’envisager de trotter ou de galoper. Leurs aînés continuent à déambuler au pas pendant la majeure partie de leur entraînement ! Ainsi, « ils font de l’appareil locomoteur » ! En multipliant à loisir les contraintes mécaniques modérées, ils se constituent des os, des tendons et des cartilages aptes à encaisser les sessions plus rapides et les compétitions !
LE MUSCLE PROGRESSE PLUS VITE QUE LES ARTICULATIONS
Avec un animal qui court sur les doigts et un véto qui surveille, impossible de se voiler la face, impossible de terminer comme un traileur les dents serrées et la jambe traînante… Le tout pour finir blessé pendant 6 mois ! Bref, le « long et lent » a sa place chez l’humain ! Il est vivement recommandé ! Une mise au point biologique vous aide à comprendre cette impérative nécessité. Le muscle est rouge, il est riche en vaisseaux sanguins. Il s’adapte et progresse très vite ! Bien plus rapidement que les os, le cartilage et les tendons qui sont gris et reçoivent peu de sang ! De fait, la résistance de l’appareil locomoteur passif devient vite le facteur limitant de la performance boostée par un muscle trop en forme !
VITEZ LE SYNDROME DU DRAGSTER
De fait, c’est la blessure qui vient trop souvent sonner le glas d’une amélioration physiologique prompte et trompeuse ! On parle du « syndrome du dragster » pour décrire cette discordance entre ce moteur surpuissant et ce grêle châssis qui se décompose après 400 mètres… Alors, marchez ! Marchez tranquillement ! Randonnez sereinement avec votre famille et vos copains ! « Faites de l’appareil locomoteur » pour encaisser sans blessure vos séances dynamiques et vos trails !
La course à pied provoque la combustion de vos réserves en glucides. Vous le savez, on attribue le « mur du marathon » à l’épuisement des stocks de glycogène dans les muscles. Cette panne de carburant est brutale, douloureuse. Elle effondre inévitablement votre chrono.
TRAIL ET RANDO, MÊME CARBURANT : LES GRAISSES
Ce phénomène vous explique pourquoi il est essentiel d’apprendre à utiliser les lipides. Cette transition énergétique du « super » vers le « diesel » ne se fait pas aisément. Il faut épuiser le glycogène musculaire et libérer les protéines qui structurent cette immense chaîne de glucose. Ces messagers rendus disponibles viennent se fixer sur votre ADN et déroulent les zones d’accès aux gènes codants pour les enzymes de la lipolyse. Cette adaptation est emblématique d’un processus épigénétique. Cet ajustement est lent… mais en contrepartie, il est relativement stable ! Par ailleurs, pour stimuler la combustion des graisses, il est impératif de réaliser un effort de faible intensité. En effet, à vitesse élevée, le corps s’essouffle pour fournir l’énergie nécessaire au mouvement.
FAITES PROGRESSER VOTRE LIPOMAX
Il est dans l’obligation d’avoir recours au glucose qui brûle en réclamant beaucoup moins d’oxygène que les graisses. À l’inverse, à faible allure, l’organisme dispose suffisamment de ce gaz précieux pour dégrader les acides gras. On parle même de
« lipomax » pour définir l’intensité à laquelle le muscle consomme un maximum de graisses. Elle se situe entre 50 et 60 % de votre VO2max, ce qui correspond approximativement à la puissance sollicitée en randonnée. Et vous pouvez augmenter votre « cylindrée lipidique » en marchant longtemps. Ainsi, aussi bien pour des raisons locomotrices que métaboliques, la randonnée constitue une activité fondamentale pour préparer vos trails. L’étymologie prend ici tout son sens, il s’agit des « fondations » pour construire un corps fort et endurant !
Vous l’avez compris, en trail comme en randonnée, votre corps consomme surtout des graisses. Les denrées glucidiques ingérées sont principalement destinées à éviter l’hypoglycémie et ne contribuent que modérément à la contraction musculaire. De surcroît, vous abîmez vos muscles ! En côte, ils sont douloureux car l’acide lactique vient taquiner vos récepteurs sensitifs.
DEDIABOLISEZ LES GRAISSES ET LES PROTEINES
Cette même substance peut dénaturer vos protéines de structure à l’image du lait qui caille dans une yaourtière. Mais c’est surtout au cours de la descente que vos tissus musculaires sont malmenés. En effet, lors de la réception de chaque foulée, les membranes partent dans le sens des articulations qui se fléchissent. Les fibres contractiles, elles, tirent en sens inverse pour freiner le mouvement et emmagasiner l’énergie élastique. À la jonction, les contraintes sont énormes et les molécules se brisent… L’alimentation est cruciale pour favoriser la réparation musculaire pendant l’épreuve ! Il faut des protéines ! De surcroît, quand un trail dure plus de 10 heures, voire plusieurs jours, il faut tenir compte du métabolisme de base ! Tous les organes continuent à fonctionner. Le cerveau, les reins, les poumons, le foie plus encore que les autres contribuent à l’effort dans la durée !
ENTRAîNEZ VOTRE TUBE DIGESTIF
C’est dans ce contexte métabolique que s’inscrit votre alimentation en trail. On est loin d’une utilisation exclusive de boissons glucidiques, de pâtes de fruits ou de barres de céréales ! De fait, le ravitaillement du type randonnée s’avère une pertinente source d’inspiration. Les TUC®, les oléagineux salés accompagnés de fruits secs sont une bonne base à grignoter dans le mouvement. Le fromage, les viandes séchées et un pain de qualité apportent minéraux, graisses et protéines lorsque vous atteignez le check-point. De fait, il devient impératif d’entraîner votre tube digestif et même de tester votre tolérance à ces différents aliments. Prenez soin de bien mastiquer. Les études montrent que de petits morceaux inférieurs à 2 millimètres se comportent comme des liquides. La randonnée représente une fois encore une bonne opportunité pour réaliser en douceur cette adaptation nutritionnelle !
La qualité des appuis en terrain irrégulier est cruciale pour le traileur. Les sportifs urbains ou les coureurs habitant dans les plaines sont dépourvus pour mener à bien leur entraînement spécifique. Les Parisiens se contentent des collines aseptisées du parc de Saint-Cloud… et se risquent parfois jusqu’au massif des Trois Pignons en forêt de Fontainebleau ! Les quelques cailloux présents sur les deux cents mètres de dénivelé ne préparent que modérément aux longs pierriers pyrénéens. Immanquablement, les coureurs de la capitale se font doubler en descente par les locaux bondissant de talus en ornières à la manière de bouquetins !
FRACTIONNES TECHNIQUES EN DESCENTE
Pour s’habituer à la montagne, rien ne vaut la montagne ! Alors, n’hésitez pas à grimper tranquillement avec votre entourage moins affûté et offrez-vous un peu de liberté en rejoignant la vallée. Courez, sautez, stabilisez, relancez, gagnez en confiance en dévalant les pentes. Faites des pauses, attendez régulièrement ceux qui vous aiment. N’oubliez pas que la gestuelle et les progrès techniques sont bien supérieurs quand vous n’êtes pas fatigué ! Le fractionné proprioceptif en descente, voilà une bonne thématique trail en randonnée !
Pour crapahuter au rythme de la famille, rien ne vaut un gros sac à dos ! Assurez le transport des boissons, du ravitaillement et de la logistique ! Si vous êtes « trop fort », pensez à ajouter des bouquins ou des haltères.
MUSCU SAC À DOS EN CÔTE
Certains de mes patients enfilent même des gilets lestés pour faire chauffer les cuisses dans les bosses. Le petit dernier est alors très fièr de crapahuter avec aisance à côté de son papa qui s’essouffle. Avec ou sans charge supplémentaire, accélérez sur le D+. Le palpitant s’emballe et votre cœur s’entraîne intensément. Là encore, prenez soin d’attendre votre petite famille avant de renouveler une session plus intense lorsque le relief s’y prêtera.
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