Le vélo à assistance électrique : pour quoi faire ? À l’image de la pratique du VTT, il y a maintenant plusieurs années l’apparition du vélo à assistance électrique a soulevé quelques résistances. Une assistance, et qui plus est… électrique ! C’est tout à fait contraire à la représentation de kilomètres qui se méritent et donc en contradiction avec la culture cyclotouriste traditionnelle : « Ils ne savent plus quoi inventer ! » ou « D’où ça sort ? », « Ce n’est plus du vélo ! ». Curiosité, réticence, résistance, peut-être même ostracisme. Or ce VAE s’installe bel et bien dans notre « paysage » et il serait incompréhensible de continuer à le rejeter, ne serait-ce que par simple curiosité. De toute façon, il serait dommage de ne pas le tester afin de se faire une opinion objective, et peut-être même, en fin de compte, de l’adopter.
Par Daniel Jacob, professeur agrégé, instructeur fédéral
L’idée première est que nos seniors devraient bénéficier en priorité de ces nouvelles montures. Avec l’âge, la « cylindrée » diminue et ces quelques watts de suppléance que nous propose, en toute discrétion, l’assistance électrique seraient les bienvenus. Pour les seniors, sans doute, mais pas seulement. Un jeune vététiste montagnard peut voir s’ouvrir de nouvelles perspectives vers des sommets inaccessibles à la seule force de ses mollets. Comme quoi quelques watts de plus peuvent changer la vie. Nous nous centrerons, bien entendu, avant tout sur l’intérêt de cette assistance pour un éventuel bénéfice santé.
Mais, comme toujours, il nous sera nécessaire de débusquer quelques limites éventuelles à mettre en regard des avantages que nous pouvons attendre de cette aide technologique.
Avant de se poser les bonnes questions concernant l’apport de cette assistance pour développer ou entretenir notre capital santé, voyons rapidement en quoi consiste cette technologie.
Comme son nom l’indique, il s’agit d’une assistance et non d’une substitution d’énergie. Pédaler reste nécessaire. Cela semble une évidence, mais, dans l’esprit de certains, la confusion est possible. Et, concrètement, de cette confusion, l’usage se trouvera « perverti ». La juste intégration de la logique d’une simple assistance va permettre une utilisation de ces « engins » conforme à notre préoccupation : une pratique physique potentiellement élargie et bénéfique à notre santé. En effet, pour une saine pratique, l’utilisateur doit considérer que le moteur n’est là que pour lui faciliter la tâche. Concrètement : lui permettre de passer une bosse, de se frotter à un vent contraire ou tout simplement de suivre un groupe sans monter dans les tours. C’est-à-dire sans mettre son cœur en zone rouge. Mieux encore de rester en zone bleue, couleur que nous avons dédiée à la zone de confort. Tout juste un peu essoufflé !
Ainsi, s’en tenir à un niveau de sollicitation confortable peut permettre de se déplacer sans transpirer ou presque. Chacun peut se rendre sur son lieu de travail, sans avoir à changer de tenue à l’arrivée. Aller faire ses courses à vélo sera tout à fait envisageable, puisque le poids n’est pas un problème. Porte-bagages, sacoches, quelques côtes, autant de handicaps qui n’en seront plus.
Le VAE pour me déplacer au quotidien !
L’assistance va nous permettre également quelques « excentricités » qui nous semblaient inaccessibles. Rouler sur le plat, sans vent contraire, ne nécessite pas de grosses dépenses énergétiques, pour peu que l’allure soit raisonnable. Il n’en est plus de même dès que nous devons affronter du dénivelé ou une brise thermique. Ou encore suivre des… plus jeunes ou plus en forme. La puissance moyenne développée lors de la sortie club hebdomadaire est de 120 à 150 watts. Mais cette moyenne ne rend pas compte de la débauche d’énergie que certains se sentent obligés de déployer à la première côte venue. Et cette énergie dépensée ne sera plus disponible en fin de parcours. De plus, le cœur va battre la chamade et mettra plusieurs minutes pour retrouver une fréquence plus acceptable (voir encadré).
Le VAE pour mieux « raboter » les bosses !
Se mettre dans le rouge ? Pourquoi pas, si nous souhaitons solliciter fortement notre organisme, mais ce n’est pas sans risque pour qui a perdu l’élasticité de ses parois artérielles ou n’est pas à l’abri de quelques ruptures de plaques d’athérome. Bref, ceux qui ont pris de l’âge ou/et ceux dont l’hygiène de vie n’est pas, ou n’a pas été exemplaire. Le VAE permettra d’apporter la puissance manquante, en toute sécurité. Ne serait-ce que pour rester avec les autres en se faisant plaisir et sans l’obsession de les retarder. Il faut bien être conscient que le « maillon faible » d’un groupe se trouve souvent devant ce souci permanent : devoir se mettre en difficulté pour rester dans le groupe. Et perdre ainsi le plaisir d’une activité sportive sans stress et bénéfique pour sa santé. Le maillon faible est sans arrêt au bord de la rupture, il se met en péril et… décrochera ! Or, grâce à une aide de quelques dizaines de watts, ce même cyclo retrouvera sa place dans le groupe et prolongera sa pratique de plusieurs années.
Le VAE pour gagner 20 ans de pratique sans risque !
Rouler en montagne exige une condition physique au-dessus de la moyenne et un rapport poids/puissance plutôt… léger. Pour nous en convaincre, il suffit de nous équiper d’un cardiofréquencemètre. Dès les premières rampes, cette fréquence cardiaque (FC) s’élève à l’image de la côte et ne se stabilise (dans le meilleur des cas) qu’après être largement sorti de la zone de confort. Et un col digne de ce nom peut parfois demander un effort de plus d’une heure, voire deux. Ils ont raison, ceux qui, faute d’un rapport poids/cylindrée favorable, préfèrent la voiture pour aller admirer la Casse Déserte du côté de l’Izoard ou le panoramique en haut du Tourmalet. Il se trouve qu’avec une assistance, même légère, ces privilèges peuvent se partager. Quoi de plus agréable que d’abolir les différences de niveau, de niveler en quelque sorte les cylindrées, dans le but de partager un même plaisir : en l’occurrence l’ascension d’un col, au petit matin, l’été ? La montagne à vélo ne serait donc plus réservée à une prétendue… élite ?
Le VAE c’est la montagne à vélo pour tous !
Et ces fondamentaux sont, du point de vue santé :
En effet, un des travers observé chez bon nombre de pratiquants de l’assistance électrique est de se « reposer » complètement sur cette aide. De confondre assistance et substitution. Le résultat est contre-productif puisque, avec l’aide poussée au maximum, il suffit d’effleurer les pédales pour rouler à
20 km/h, même avec un léger vent contraire. C’est confortable mais trompeur. Il ne suffit pas de bouger pour avoir accès aux bienfaits du sport. Un certain niveau d’engagement énergétique est indispensable et, qui plus est, avec des « pics » d’intensité. Il est nécessaire de dépasser ponctuellement un certain seuil pour obtenir une production hormonale et des adaptations cardio-vasculaires satisfaisantes. Qu’on le veuille ou non, le bénéfice en termes de santé ne peut se trouver dans la recherche d’un confort accru. Au contraire, tout progrès physiologique se fait par la déstabilisation d’un équilibre initial. Une enquête européenne de juin 2019 montre que l’intensité atteinte par les pratiquants de VAE dépasse rarement les
4 MET1 alors qu’avec un vélo classique, l’effort varie entre 6 et 8 MET. Du simple au double !
Outre la puissance engagée, il convient de conserver une fréquence de pédalage voisine de ce qu’elle serait sur un vélo normal. Un cyclo VAE se reconnait de loin : cadence anormalement basse et souvent une bascule latérale du bassin, déhanchement caractéristique. Or des milliers de répétitions vont mettre à mal les articulations et en particulier au niveau des vertèbres lombaires. La solution, pour éviter ces contraintes inutiles : utiliser le dérailleur et changer de vitesse dès qu’une difficulté se présente. Comme sur un vélo classique. Conserver une cadence voisine de 80 coups de pédales par minute. Comme pour un vélo sans assistance électrique. Rappelons-le : assistance et non substitution ! Pour compléter l’argument du maintien d’une cadence élevée : une haute fréquence de pédalage (au-dessus de 80) permet de garder de bonnes coordinations (intra et inter-musculaires) ; ce qui est une qualité neuromusculaire importante pour notre capital santé.
Le VAE en conservant les bonnes habitudes !
Le VAE offre de nouvelles perspectives comme aller au travail à vélo, prolonger notre plaisir de pédaler de plusieurs décennies. La randonnée en montagne ne sera plus réservée aux grimpeurs purs et durs et nous pourrons accompagner plus loin notre groupe habituel sans mettre en péril notre santé. Notre cœur nous en saura gré. Encore nous faudra-t-il apprendre à rouler avec ces nouveaux engins. Ne pas perdre nos habitudes de « non-assistés » en n’utilisant que l’aide permettant d’alléger a minima les contraintes. Et pour les nouveaux pratiquants, il leur faudra apprendre à utiliser le dérailleur de façon à garder de la cadence. Apprendre également à maîtriser ces vélos qui pèsent nettement plus lourd que les vélos ordinaires (plus du double parfois !).
Un dernier point concernant la santé. Il s’agit de la santé des autres cette fois ! De ceux qui roulent à côté (ou avec) des « VAE…tistes ».
En effet, nous observons déjà les effets pervers de certains comportements, tels des assistés – VAE qui « sèment la panique » dans un groupe mixte. En particulier dans les bosses. Faute de règles de bonne conduite, le risque d’accidents cardio-vasculaires (pour les autres) en sera majoré. ✱
1Le MET est une unité de mesure du niveau de sollicitation métabolique. 1 MET, c’est assis devant la télévision
Exemple d’une sortie classique avec le club
À vélo de route, le passage d’une simple bosse fait monter la puissance engagée de 120 à 350 watts
et cela, parfois, pendant plus de 2 minutes. La fréquence cardiaque (FC) fait un bond. Le cœur répondant
à la demande passe de 120 à 165 ! De la zone de confort à une zone à risque !
Il en va de même pour ceux qui pratiquent le VTT. Le vététiste doit assurer une certaine vitesse dans
les bosses, de façon à passer les obstacles et ne pas mettre pied à terre à chaque difficulté.
L’aide d’une assistance de quelques dizaines de watts va ainsi lui être très utile pour passer l’obstacle sans mettre le cardio-vasculaire dans la zone rouge. Rappelons que le VAE réglementaire peut apporter jusqu’à 250 watts.
Et pourquoi ne pas s’équiper d’un cardiofréqencemètre avec une fréquence cardiaque à atteindre mais… à ne pas dépasser ? Ce serait le « top » du point de vue santé/sécurité
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