Entre anecdotes scientifiques, recherches médicales et études cliniques, voici 3 bonnes raisons pour bien dormir, histoire de mieux pédaler !
Le cyclisme est un sport ultra-technique ! Qui l’aurait deviné ? On est loin de l’image du sportif à grosse cylindrée écrasant les braquets sans réfléchir ! En VTT, c’est une évidence ! Chaque ornière, chaque racine, chaque caillou déclenchent une avalanche de connexions neuronales pour ressentir, analyser et réagir. Sur la route, la psychomotricité est tout aussi omniprésente. Rien que « mouliner rond » à 90 tours par minute oblige à un enchaînement complexe et ultra-rapide de contractions et de relâchements musculaires. Prendre la roue au millimètre pour se protéger de la résistance de l’air impose aussi une régulation subtile du pédalage. Alors, ne parlons pas des relances synchrones au peloton pour ne pas décrocher en sortie de courbe ! Bref, tout ce qui améliore votre coordination vous fait progresser à vélo ! Alors, dormez !
Le 18 mars 1965, Alexeï Leonov fut le premier homme à effectuer une sortie dans l’espace depuis un véhicule en orbite. Ce cosmonaute soviétique a préparé le terrain à Thomas Pesquet. Il s’est dévoué pour passer des messages à l’ensemble de ses successeurs. La gestion du sommeil fit partie des expériences dont tous les locataires de l’ISS ont bénéficié. En effet, il eut la surprise de constater qu’il lui était impossible de dormir en apesanteur ! Comme un vieux souvenir de grand singe siestant dans un arbre : le corps se réveille dès qu’il perçoit l’instabilité de sa posture. De fait, alors qu’il s’assoupissait, ses muscles se relâchaient.
IMPOSSIBLE DE DORMIR EN APESANTEUR
Son système nerveux central ressentait immédiatement l’absence d’appui de ses membres et restaurait dans l’instant une réaction de vigilance pour parer à ce déséquilibre apparent ! À l’issue de quelques jours perchés à 180 kilomètres de la Terre, en manque complet de sommeil, la sortie extravéhiculaire était programmée. Malgré ses 18 mois d’entraînement intensif dans le Kazakhstan, il fut dans l’impossibilité de se remémorer la procédure de réintégration dans la station ! Il commit même l’erreur de dilater sa combinaison ! Il ne parvint à rentrer dans son véhicule spatial que grâce à la dictée méthodique des ingénieurs de Baïkonour.
SANS SOMMEIL, LE COSMONAUTE OUBLIE LA PROCéDURE DE RETOUR DANS LA STATION
Les informations étaient quelque part dans son cerveau ! Elles n’avaient pas disparu mais étaient devenues inaccessibles ! Alexeï était comme un adolescent cherchant ses chaussettes de foot dans une chambre désordonnée avant de partir à l’entraînement. Les neurophysiologistes disent que le sommeil permet de classer les informations ! Bref, toujours est-il que c’est grâce au chemin de vie d’Alexeï que tous les spationautes sont désormais sanglés à un ersatz de matelas pour mimer un contact rassurant et parvenir à dormir en apesanteur. C’est aussi grâce à Alexeï que vous comprenez que le sommeil vous est indispensable pour retrouver les messages techniques vous permettant de négocier les virages en descendant un col à vive allure ou en pédalant dans ce single étroit !
Dans son ouvrage fondateur, L’Homme neuronal, Jean-Pierre Changeux décrit une expérience passionnante. Elle consiste à explorer le sommeil d’un chat. Pour cela, le chercheur place des électrodes sur le crâne de l’animal. Il enregistre l’activité électrique de son cerveau. Cette dernière est tout à fait comparable à celle de l’être humain. Lors de l’éveil, elle est rapide et de faible amplitude, on parle de rythme « bêta ». En période de sommeil, elle évolue sous forme de cycles de 1 h 30 à 2 h. En phase d’endormissement, elle se ralentit, il s’agit du rythme « alpha ». Ce sommeil léger ressemble à la méditation. Le sommeil lent voit les ondes électriques diminuer en fréquence et augmenter en amplitude d’autant plus qu’il gagne en profondeur. Soudain, le cerveau s’agite et retrouve une activité identique à celle de l’éveil. Pourtant, le chat ne bouge pas ! Au contraire, les muscles de l’animal se relâchent davantage ! C’est le « sommeil paradoxal » appelé aussi « sommeil des rêves ». Mais que cache cette contradiction entre agitation de l’encéphale et relaxation du corps ? Pour en savoir plus, l’expérimentateur détruit le locus coeruleus du chat. Ce petit noyau de neurones se situe à la base du cerveau. Il bloque les influx nerveux en provenance du cortex moteur. Les ordres ne parviennent plus à descendre vers la moelle épinière et ne peuvent plus atteindre les nerfs destinés aux muscles. Cette structure s’active considérablement lors du sommeil paradoxal, expliquant l’hypotonie musculaire… et l’absence d’expression motrice de l’excitation cérébrale. Sa destruction devrait en révéler les secrets…
QUAND VOUS RÊVEZ, VOUS RÉVISEZ VOTRE TECHNIQUE
En effet, le chat opéré retrouve le sommeil sans difficulté mais, dès qu’il passe en sommeil paradoxal, il se met en mouvement. On constate alors l’expression de techniques de chasse et des comportements mimant le coït. Bref, notre petit félin révise la coordination nécessaire à sa survie et à celle de l’espèce ! Il fait tourner ses schémas moteurs pendant qu’il rêve ! Cet animal bienveillant s’est sacrifié afin qu’Alexeï Leonov comprenne pourquoi il n’a pas trouvé la procédure de rentrée dans le véhicule spatial après quelques nuits d’insomnie ! Il s’est dévoué pour vous expliquer que dormir est essentiel pour améliorer votre aisance technique à vélo. Grâce à ce minou, vous voilà motivé pour vous coucher tôt samedi soir. Ainsi, lors de votre sortie de dimanche matin, vous aurez peut-être la surprise d’enchaîner aisément : « lâchage du cintre des deux mains, redressement du buste, récupération de la barre de céréale coincée dans votre poche arrière et ouverture de son blister qui vous résistait depuis des semaines… »
Au centre « Stanford Sleep Medicine Center », Cheri Mah a recruté 11 basketteurs universitaires. Après avoir évalué leurs performances et observé leur sommeil pendant 3 semaines, elle leur a demandé de rester au lit 10 heures par nuit. Ils pouvaient dormir ou simplement se reposer. Après 1 mois et demi, le temps de sommeil moyen s’était accru d’environ 2 heures chaque jour et leurs performances avaient nettement progressé ! Le nombre de paniers marqués au test de lancer franc avait augmenté de 9 %. La vitesse de sprint avait gagné 4,5 % !
PLUS 2 H DE SOMMEIL, PLUS 4,5 % EN VITESSE DE SPRINT
Ces résultats sont plus que significatifs, ils sont exceptionnels !
À croire que dormir plus se révèle beaucoup plus efficace que s’entraîner plus ! Alors, n’hésitez pas à traîner au lit. Si la grasse matinée n’appartient pas à la culture cycliste, essayez la « grasse soirée ». Ce concept est particulièrement efficace, notamment en cas de dette de sommeil. Zappez votre série télé policière qui commence avec un cadavre au pied d’un policier portant un brassard orange, dans une rue fermée de rubalise. Installez-vous tranquillement dans votre lit, avec un bouquin et une lumière timide. Très vite la torpeur vous envahira et vous vous endormirez ! Le lendemain matin, sur votre home-trainer, vous aurez peut-être la surprise de « mouliner » aisément à 110 tours par minute. ✱
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