Trail: quelle dose pour la santé

Trail quelle dose pour la santé
Trail quelle dose pour la santé

Le trail impose souvent une grosse quantité d’entraînement. Cette charge de travail est-elle bénéfique pour la santé?  Existe-t-il des données scientifiques indiquant la quantité d’activité physique idéale ?

L’étude de Framingham constitue une référence quant à l’analyse de l’impact du mode de vie sur les maladies. Pendant plusieurs années, les habitants de cette petite ville états-unienne ont été méticuleusement suivis : alimentation, activité physique, prises de sang, survenue de traumatismes, d’arrêts de travail, de pathologies ou de décès.

Étude de Framingham : un concentré d’information  !

Cette recherche est à l’origine de nombreuses recommandations. « Marchez activement 30 minutes par jour » est la plus connue d’entre elles. Ce conseil institutionnel visant à faire sortir les Français de la sédentarité ne représente pas la quantité idéale d’exercice physique. Heureusement pour les sportifs assidus ! À partir de cette activité, statistiquement, on commence à détecter une petite réduction des maladies métaboliques, cardio-vasculaires et cancéreuses. On est au début, du commencement, des prémices des bienfaits ! Il s’agit d’une instruction valable à l’échelle d’une nation et destinée à une population. Bien évidemment, au niveau individuel, vous pouvez faire mieux… et pourquoi pas accéder au volume d’entraînement optimum ! Framingham est même là pour vous fournir l’ordre de grandeur !

OPTIMUM : 1 H 30 A 3 H PAR SEMAINE

En effet, l’analyse des résultats montre que les bénéfices de l’exercice augmentent nettement jusqu’à une dépense énergétique de 1 000 kilocalories hebdomadaires puis plus modérément jusqu’à 3 500. Le premier niveau, le début de l’asymptote, correspond au conseil habituel des cardiologues du sport, à savoir : « une activité d’endurance, 30 minutes à 1 heure, 3 fois par semaine, à intensité moyenne telle que vous puissiez parler mais pas chanter ».

AU-DELà DE 7 HEURES
PAR SEMAINE, LES BIENFAITS
DU SPORT DIMINUENT

Le second palier, la fin de l’asymptote, représente environ
7 heures de footing en relative aisance respiratoire réparties sur la semaine. Mais cette durée vous indique aussi que, au-delà de ce niveau d’activité, l’intérêt « santé » du sport diminue. On voit notamment croître les traumatismes, les arrêts de travail et même les maladies. Attention, vous êtes encore gagnant comparé au sédentaire !

Les chasseurs-cueilleurs nous montrent le chemin

En passant par la paléontologie, la médecine évolutionniste parvient également à nous donner des informations pertinentes. Cet angle de recherche est sous-utilisé en France mais remporte un franc succès dans le monde scientifique anglo-saxon. Les Bushmen, étymologiquement « hommes du bush ou de la forêt », sont les derniers chasseurs de cette planète. On les trouve principalement en Afrique du Sud. Des ethnologues leur ont demandé de mettre à leurs poignets des actimètres tout en continuant à vivre conformément à leur culture. Les résultats sont étonnants !

LES INDIVIDUS EN FORME COURENT AUTANT QUE SAPIENS

Ils brûlent aussi 3 500 kilocalories par semaine pour subvenir à leur exercice physique ! Comme l’optimum de Framingham ! Tout se passe comme si l’espèce humaine était génétiquement programmée pour accomplir 7 heures de sport par semaine, comme si nous avions été sélectionnés puis adaptés à la réalisation de cette activité physique nécessaire à la survie de Sapiens ! Quoi qu’il en soit, cette coïncidence intrigue et mérite que l’on retienne cet ordre de grandeur !

La chasse à l’épuisement pour ne pas se fatiguer !

La chasse à l’épuisement pour ne pas se fatiguer !
La chasse à l’épuisement pour ne pas se fatiguer !

Ces données hebdomadaires se révèlent passionnantes mais n’informent pas directement sur la répartition dans le temps de cette dépense énergétique. En clair, peut-on tout grouper le dimanche ou doit-on en faire un peu chaque jour ? Là encore, médecine évolutionniste et recherche universitaire s’associent pour nous proposer un message concret… pour peu qu’on lise entre les lignes ! Dans le domaine de la paléontologie, on apprend que Sapiens pratiquait la chasse à l’épuisement.

UNE CHASSE À L’ÉPUISEMENT
TOUS LES 2 JOURS

Sa force et sa vitesse ne faisaient pas de lui un surdoué. En revanche, il était endurant et thermorégulait aisément grâce à son absence de pilosité et ses glandes sudoripares. De plus, il utilisait ses liens sociaux et son intelligence pour poursuivre en groupe les grands herbivores. La stratégie consistait à se relayer et à se répartir sur le territoire pour harceler la bête et lui faire parcourir de longues distances. L’animal grand, musclé et souvent dépourvu de transpiration peinait à évacuer la chaleur de l’effort. Sa température corporelle montait inexorablement jusqu’au « coup de chaleur ». L’herbivore épuisé finissait par renoncer et se réfugiait dans un endroit frais. Les tableaux de chasse à courre représentant un cerf immobile dans un étang entouré d’une meute de chiens illustrent ce moment ! Cette image vous laisse aussi comprendre que la vénerie constitue une dernière trace humaine de la chasse à l’épuisement…

UN JOUR D’ENTRAîNEMENT, UN JOUR DE REPOS, EN ALTERNANCE

On sait maintenant que, au cours de ces sorties en groupe, Sapiens parcourait 15 à 20 kilomètres. Les études sur les Bushmen nous indiquent que ces prestations techniques et physiques se déroulaient tous les 2 jours environ. Le lendemain était consacré aux repas copieux et bien mérités… ainsi qu’à la récupération !

La cardiologue aux trousses du paléontologue

Le professeur Jouven est une référence en cardiologie du sport. Il exerce à l’hôpital Georges-Pompidou à Paris. Il a beaucoup travaillé sur la mort subite du sportif et explique qu’être sportif est bon pour la santé alors que faire du sport est dangereux.
Pour justifier cette contradiction apparente, il suffit de comprendre que le sport excite le cœur et peut faire décompenser des pathologies sous-jacentes alors qu’être sportif permet à l’organisme de s’habituer à ces stimulations et prévient lesdites maladies. Il a mené à bien une étude révélatrice. Il a montré qu’être sportif régulier, c’est-à-dire 3 fois par semaine, permettait de diviser par 3 le risque de crise cardiaque.

LA MEILLEURE PROTECTION CARDIAQUE : 3 COURSES PAR SEMAINE

Il a prouvé également que chez ces individus et pendant l’entraînement le risque de crise cardiaque était multiplié
par 3 ! Pas de drame, puisque vous comprenez que ce sportif a autant de risque de faire un infarctus pendant sa séance qu’un sédentaire dans son fauteuil ! Il a aussi mis en évidence que, à l’occasion d’un footing exclusivement dominical le risque était multiplié par 20… sans parler du sport occasionnel ou de sa reprise pendant les vacances au cours duquel le facteur de démultiplication passe à 100 ! Bref, là encore, paléontologue et cardiologue sont étonnamment sur la même longueur d’onde ! 3 fois par semaine semble une fréquence idéale ! Cette cadence fait d’ailleurs consensus quant à la prescription du sport d’endurance pour la santé.

La morale du labrador

Une dernière anecdote authentique et souriante permet de rebondir sur ces notions. Alors que j’étais jeune interne et que je pratiquais des épreuves d’effort, un athlète termine de me décrire son programme d’entraînement : « Je cours 6 fois par semaine, j’essaye de ne manquer aucune sortie. » Je l’interpelle : « Vous sauteriez un footing qu’il n’y aurait pas de drame, vous savez que la fréquence « santé » est de 3 séances par semaine.

MON LABRADOR NE VEUT COURIR QUE 3 FOIS PAR SEMAINE

Il ouvre alors de grands yeux étonnés et me répond : « C’est étrange, mon labrador grogne un jour sur deux quand je veux l’emmener courir… et finalement, il n’accepte de me suivre que 3 fois par semaine. » Cette petite histoire est loin d’une étude randomisée en double aveugle… juste une petite expérience aux vertus émotionnelles et pédagogiques !

Quelles conclusions pour le trail ?

3 500 kilocalories, à Framingham comme à Lascaux, semblent constituer la dépense énergétique hebdomadaire adaptée à l’espèce humaine. Ce chiffre correspond à environ 70 kilomètres de course par semaine. Ce n’est déjà pas si mal ! Un autre ordre de grandeur théorique imprègne la culture de l’endurance :
« Pour aller au bout d’une épreuve, on recommande de courir chaque semaine une distance équivalente à celle de la compétition ». En pratique, on constate que cet adage porte ses fruits !

70 KM MAXIMUM POUR LA SANTÉ

Ainsi, un programme compatible avec la santé semble permettre d’accéder à des trails de 70 kilomètres ou 5 à 9 heures d’effort pour intégrer la notion de relief… Là encore, des données préhistoriques suggèrent une certaine cohérence. Les peuples du paléolithique étaient nomades et déplaçaient régulièrement leur campement. Cependant, ces migrations ne dépassaient qu’exceptionnellement 100 km ! À l’occasion de grands stress climatiques ou alimentaires, des doutes existent quant à des épopées de 100 à 300 kilomètres… Des stress équivalents à l’UTMB ou au Tor des Géants.

3 à 4 FOOTINGS PAR SEMAINE
DE 1 H 30 à 2 H

La charge de travail hebdomadaire d’environ 3 500 kilocalories pourrait bien se répartir en 3 à 4 séances de 1 h 30 à 2 h de course pour se caler sur le rythme des chasses à l’épuisement. Pour atteindre ce niveau d’activité énergétique, on devine quelques exercices de force et d’adresse pour porter des charges, transporter, construire le campement et l’entretenir. Il est probable que ce travail s’effectuait à l’occasion des jours sans chasse ni migration. ✱

2 À 3 SÉANCES DE RENFO
1 JOUR DE REPOS

Voilà qui prêche en faveur d’un entraînement croisé et complémentaire au cours duquel le traileur s’adonnerait, 2 à 3 fois par semaine, en alternance avec son entraînement en endurance, à un peu de renforcement et d’assouplissement ! Sans oublier une bonne journée de repos hebdomadaire !

Triathlète adepte du cardiotraining et de la musculation - Médecin du sport - traumatologue du sport - nutritionniste du sport - diplômé en entraînement du sportif - Rédacteur en chef